Finalement, la seule préoccupation de la FIFA par rapport à la présence des turbans sur les terrains de soccer est qu'ils respectent les couleurs de l'équipe, qu'ils ne soient pas attachés au maillot et qu'ils ne constituent pas un danger pour autrui.

On est loin des grands principes de sécurité maladroitement invoqués par la Fédération de soccer du Québec, qui a plongé la province dans un autre épisode de grande noirceur en renvoyant dans leurs cours les garçons qui refusaient de se départir du turban pour obtenir le droit, voire le privilège, de jouer au ballon rond avec les autres gamins de leur quartier.

Le plus beau, dans ce carton vert brandi par la FIFA, c'est qu'il déroule un long tapis rouge devant les dirigeants de la FSQ. Des dirigeants qui pourront rapidement corriger la grossière erreur dont ils se sont rendus coupables. Madame la directrice générale Brigitte Frot pourra même profiter d'un parachute pour adoucir l'impact de sa chute dans la surface de réparation en imputant au flou administratif que la FIFA a éclairci hier sa décision initiale.

En espérant qu'elle changera d'idée, bien sûr.

Ce carton vert permettra aussi à ceux qui avaient profité de ce débat bien inutile pour brandir les droits fondamentaux du Québec à être maître sur ses terrains de soccer, alors qu'il ne l'est pas du tout en raison de son association à la Fédération canadienne, de renvoyer ce vieux piton à l'écurie au lieu de le chevaucher à titre de cheval de bataille.

Ce carton vert permettra finalement, et c'est ce qui prime sur tout le reste, à des jeunes privés du plaisir de faire du sport entre amis ou entre adversaires redoutables et redoutés pour des notions sportives et non politiques, de reprendre une place dont ils n'auraient jamais dû être privés.

Et la laïcité dans le sport?

Ça demeure un principe important. Un principe qui ouvre la porte à un débat nécessaire qui aurait pu se faire en échangeant des points de vue de façon raisonnable et non en se frappant à grands coups de pied sur des tibias non protégés.

Un débat que les jeunes avant ou après les matchs et aussi leurs parents assis dans leurs chaises pliantes sur les lignes de côté pourraient amorcer en posant quelques questions bien banales comme: c'est quoi, au juste, que tu portes sur la tête? À quoi ça sert? Est-ce que c'est nécessaire? Est-ce que tu le gardes sous la douche et la nuit quand tu dors? Est-ce que ça te tombe sur les nerfs?

En échangeant ce genre de questions tout en s'échangeant le ballon, les jeunes et les moins jeunes - du moins ceux qui voudront s'en donner la peine - en apprendraient assez sur la culture et la religion de leurs coéquipiers coiffés d'un casque de bain, genre comme, pour comprendre qu'au fond, il n'y a pas vraiment de raison d'avoir peur de cette bande de tissu ou du symbole qu'elle représente.

Il serait aussi intéressant de demander aux parents de l'autre club pourquoi il n'est pas même envisageable de se départir du turban le temps d'un petit match de soccer. Car la question se pose. Pourvu qu'on se donne la peine d'écouter la réponse, et non seulement de l'entendre.

Le carton vert de la FIFA ne représente pas une victoire de la communauté sikhe et de ceux qui l'ont appuyée dans cette triste affaire aux dépens des apôtres de la laïcité.

Il représente tout simplement une victoire du gros bon sens auquel on devrait faire appel plus souvent.