Paul MacLean ne s'est pas fait beaucoup d'amis à Montréal lors du duel Canadien-Sénateurs en séries éliminatoires. Et je ne parle pas seulement ici de son homologue avec le Tricolore Michel Therrien qui l'a varlopé plus d'une fois dans ses points de presse après et entre les matchs opposant les deux clubs.

Brandon Prust l'a traité de «morse obèse aux yeux globuleux» après que MacLean eut imputé au «joueur portant le numéro 61», mieux connu sous le nom de Raphael Diaz, la passe suicide qui a mené à la mise en échec sournoise d'Eric Gryba aux dépens de Lars Eller. MacLean n'a pas aidé sa cause en réclamant, avec 17 secondes à faire à un match que son équipe dominait 6-1, un temps d'arrêt préventif comme il l'a prétendu.

Sur toutes les tribunes sportives, animateurs et partisans ont rivalisé d'imagination mesquine pour discréditer, voire insulter, ce coach qui s'est assuré de gagner la guerre des coulisses pendant que son équipe gagnait les guerres de tranchées sur la patinoire.

Derrière sa grosse moustache, ses lunettes qui grossissent des yeux qui n'ont vraiment pas besoin de l'être, un discours parfois vaseux et une bonhommie de nature à soulever des doutes sur ses compétences d'entraîneur-chef se cache un homme de hockey compétent qui a fait sa marque comme joueur et entraîneur dans tous les niveaux du hockey professionnel.

«Les gens font erreur quand ils jugent Paul sur ses apparences», lance Lucien Deblois en guise de mise en garde.

Attaquant de puissance

Ancien porte-couleurs du Canadien, des Nordiques de Québec, mais surtout des Jets de Winnipeg avec qui il a évolué au début des années 80 en compagnie de Paul MacLean, Lucien Deblois connaît bien le joueur de hockey, l'entraîneur pour qui il a déjà travaillé, mais aussi le drôle de pistolet qui se cache derrière ce coach qui semble bourru.

«Paul a toujours eu un humour caustique. Il joue un jeu et lorsqu'il sent qu'il a atteint une corde sensible, il n'est pas du genre à la lâcher. Il se fiche pas mal de l'image qu'il dégage et de ce que les gens peuvent penser de lui, mais je peux t'assurer que c'était tout un joueur de hockey et qu'il est devenu tout un coach également.»

Attaquant de puissance avant que cette expression ne soit à la mode, Paul MacLean a été pour Dale Hawerchuk avec les Jets ce qu'Al Secord a été à Denis Savard avec les Blackhawks à Chicago.

«Paul était un gros bonhomme. Un tough qui savait s'imposer devant le filet des équipes adverses. Mais c'était aussi un joueur intelligent. Il fallait qu'il le soit pour s'ajuster à Dale Hawerchuk, qui était loin d'être un joueur traditionnel. Un peu comme les frères Sedin à Vancouver, Dale avait une façon imprévisible de jouer. Paul l'a compris et il a su en tirer profit», se souvient Deblois, qui est aujourd'hui dépisteur professionnel à l'emploi des Canucks de Vancouver.

Né en France il y a 55 ans, MacLean avait des allures de frères Hanson lorsqu'il a complété son stage junior avec les Olympiques de Hull en 1977-1978. Arborant de grosses lunettes noires solidifiées avec du ruban blanc comme celles des célèbres personnages du film Slap Shot, MacLean multipliait les minutes passées au banc des pénalités.

Malgré des heures passées au cachot, il savait aussi multiplier les buts et les points comme en témoignent trois saisons de 40 buts et une campagne de 101 points - 41 buts, 60 passes en 1984-1985 - au cours de ses sept saisons passées en compagnie de Hawerchuk.

De la graine d'entraîneur

Déjà à Winnipeg, mais plus encore à Detroit et St. Louis où il a complété sa carrière en 1991, il était clair que les connaissances de MacLean, son habileté à lire, comprendre et déjouer les systèmes le guidaient vers une carrière de coach. Une carrière que MacLean a amorcée à Peoria, dans la Ligue internationale, en 1993.

Après une saison à titre d'adjoint dans la LNH à Phoenix (1996-1997), MacLean est retourné dans la Ligue internationale à Kansas City et Quad City avant de faire le saut à titre d'adjoint de Mike Babcock à Anaheim en 2002 et de le suivre ensuite à Detroit où le directeur général des Sénateurs d'Ottawa, Bryan Murray, l'a recruté en 2011.

S'il a plusieurs fois été impressionné par les qualités de joueur de son ancien coéquipier, Deblois l'est tout autant par les compétences qu'il affiche à titre d'entraîneur-chef.

«Paul a fait du bon travail cette année avec toutes les blessures qui ont miné son club, mais je crois que son fait d'armes est d'avoir fait d'Erik Karlsson le défenseur qu'il est devenu. Karlsson a toujours eu du talent. Mais c'était un défenseur très à risque lorsque Paul a pris la direction des Sénateurs. Il l'a transformé en gagnant du trophée Norris», m'a lancé Deblois lors d'un récent entretien.

Le côté belliqueux, frondeur, sarcastique affiché par MacLean pour déconcentrer, voire déstabiliser par moments son vis-à-vis Michel Therrien a toujours fait partie de l'arsenal de Maclean à titre de coach.

«J'ai travaillé sous ses ordres à Kansas City dans la Ligue américaine. On s'est retrouvé en séries contre Long Beach. On n'avait pas un gros club et Long Beach était largement favori. Mais Paul a réussi à déranger John Van Boxmeer qui coachait là-bas. On a perdu. Mais on les a poussés à la limite parce que Paul avait dérangé Van Boxmeer. Je n'étais donc pas du tout surpris de le voir tenter tout ce qu'il a tenté contre le Canadien», a convenu Deblois.

Aux prises avec une attaque pas mal plus incisive que celle du Canadien, MacLean et ses Sénateurs croiseront les Penguins, à Pittsburgh, ce soir, dans le cadre du deuxième match de la série. Il devra puiser dans ses réserves de trucs et d'expérience afin d'éviter que son équipe revienne à Ottawa les patins enlisés dans un déficit de 0-2.