Débarqué à Montréal avec tout le faste que les médias et les fans du Tricolore réservaient à ce trop rare espoir québécois de l'organisation à l'automne 2006, Guillaume Latendresse n'a jamais été en mesure de répondre aux attentes. Des attentes que le gamin de 18 ans perdu dans le corps d'homme dont la nature lui avait déjà fait cadeau pouvait difficilement combler.

En fait: le pouvait-il?

Il a bien essayé. Peut-être mal. Peut-être trop. Mais peu importe ce que Latendresse faisait, ce n'était pas assez pour satisfaire ceux qui ont salué ses premières présences en match préparatoire avec des «Guy! Guy! Guy!» aussi insensés que démesurés. Des «Guy!» qu'on n'avait pas entendus flotter à Montréal depuis les époques du capitaine Guy Carbonneau et du grand Guy Lafleur avant lui.

Chassé de Montréal au cours de sa quatrième saison, Latendresse a connu une longue traversée du désert. Un désert de neige au Minnesota où, après une arrivée prometteuse - 25 buts et 37 points après ses 55 premiers matchs avec le Wild -, les blessures l'ont contraint à disputer un grand total de 27 parties en deux saisons.

Sept ans après son entrée fracassante au Centre Bell, Guillaume Latendresse revient à Montréal.

Il revient en douce.

L'équipe avant tout

Il revient dans l'uniforme des Sénateurs d'Ottawa, avec qui il jouera un rôle effacé au cours de la série qui commence demain. Selon son ardeur au travail, le bon vouloir de son entraîneur-chef Paul MacLean et ses performances, Latendresse pourrait jouer au sein du deuxième trio en compagnie des Suédois Mika Zibanejad et Jakob Silfverberg. Il pourrait aussi se retrouver au sein du troisième, voire du quatrième trio. Il pourrait même être envoyé sur la galerie de presse, d'où il a suivi 21 rencontres cette saison. Dix-neuf en raison de blessures.

Mais peu importe le rôle qu'on lui offrira, Latendresse assure qu'il fera tout pour bien le remplir.

«L'équipe passe avant tout. C'est sûr que je veux marquer et aider l'équipe à gagner. Mais il y a bien des façons d'aider une équipe à gagner. Il y a plein de petites choses qui ne paraissent pas, mais qui sont importantes», que Latendresse a répété plusieurs fois aux journalistes qui se sont succédé devant son casier après l'entraînement des Sénateurs à la Place Banque Scotia, hier.

Au terme d'une saison de 10 points (6 buts) en 27 rencontres, il est normal que Latendresse évolue maintenant dans l'ombre des jeunes vedettes des Sénateurs.

Et s'il a longtemps profité des projecteurs, Latendresse semble heureux de débarquer en douce dans une ville pourtant en pleine effervescence des séries.

Il sera bien sûr disponible pour les journalistes cet après-midi après l'entraînement des Sénateurs. Mais au-delà des exigences médiatiques normales, Latendresse restera discret.

Pas question d'attirer l'attention de manière démesurée. Pas question de satisfaire les revues à potins avec sa compagne Annie Villeneuve, pas même question d'utiliser ce qui lui reste de contacts au sein de l'organisation du Canadien pour mettre la main sur des rares et chers billets afin de satisfaire parents et amis qui suivront les matchs de la première série Canadien-Sénateurs à la maison, devant la télé.

«Je ne veux pas jouer la «game» avant de la jouer. Ça m'est arrivé trop souvent dans le passé. Avec l'expérience que j'ai acquise au cours des dernières années, j'ai compris bien des choses. Je suis mieux préparé. Plus concentré sur l'équipe et sur ce que je dois faire pour l'aider», m'a répondu Latendresse.

Accueil hostile

Guillaume Latendresse a changé. À quelques semaines de son 26e anniversaire de naissance, père d'un garçon de 5 ans qu'il aimerait voir plus souvent, Latendresse affiche une maturité dont il aurait eu grand besoin à son arrivée à Montréal. Une maturité dont on ne peut profiter à 18, 19 ou 20 ans.

Une maturité qui l'aidera à composer avec ce qui l'attend à Montréal, où les partisans pourraient lui réserver un accueil hostile, et l'été prochain alors qu'il deviendra joueur autonome.

«Si je suis détesté en sortant de Montréal, j'espère que ce sera pour les bonnes raisons. Que ce sera parce que j'aurai aidé mon équipe à gagner. Pour le reste, il arrivera ce qui arrivera. Même chose pour mon prochain contrat. C'est loin d'être une priorité pour le moment. Je vais sauter dans le train tantôt, je vais avoir un souper avec l'équipe ce soir (hier), l'entraînement demain (aujourd'hui), les réunions et les deux matchs en deux soirs. Tout va aller vite. La seule chose que j'espère pouvoir me permettre hors du hockey est de passer un peu de temps avec Hayden - son fils issu d'une première union. Le reste, tout le reste, sera consacré au hockey», assurait Latendresse en sortant du vestiaire hier après-midi.

Goûter rapidement aux séries

Au fait, pourquoi avoir décidé de plonger dans la folie des séries dès ce matin alors que les Sénateurs auraient pu s'entraîner dans le calme d'Ottawa au lieu de le faire à LaSalle, à l'aréna Dollard-Saint-Laurent - à midi aujourd'hui - où ils seront épiés par un contingent de journalistes trois fois plus imposant que celui d'Ottawa?

«Parce que ce sont les séries, que c'est Montréal, que c'est le Canadien. Je veux que nos joueurs goûtent rapidement à cette saveur des séries. Nous allons jouer dans l'amphithéâtre le plus électrisant de la ligue, comme le Forum l'était à l'époque où je jouais. Nous allons affronter l'équipe la plus glorieuse de la LNH. Un club qui a connu une très belle saison. Une équipe qui est nettement favorisée pour gagner contre nous. Je veux que nos joueurs soient motivés par toute cette attention. Par l'atmosphère qui règne à Montréal en ce moment», a déclaré l'entraîneur-chef Paul MacLean, visiblement très heureux de cette arrivée hâtive.

«J'ai aussi hâte d'aller faire mon tour chez Bar-B-Barn», a reconnu l'entraîneur-chef des Sénateurs en sortant de la salle où il venait de terminer son point de presse.

Pendant que le coach se rendra à la célèbre rôtisserie de la rue Guy et que ses coéquipiers surferont sur la vague des séries qui déferle sur Montréal, Guillaume Latendresse préparera en douce son premier duel en séries contre le Canadien.

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Alfredsson appuie Collins

Capitaine des Sénateurs d'Ottawa, Daniel Alfredsson a offert un appui sans condition à Jason Collins, le centre des Wizards de Washington, dans la NBA, qui a révélé son homosexualité lundi.

«C'est certainement un grand pas en avant pour lui, les autres sportifs professionnels et tous les gais qui sont ostracisés dans leur milieu de travail. Être homosexuel n'est pas un choix. C'est un état. Une réalité. Je trouve simplement dommage qu'une telle nouvelle obtienne toute cette attention. Car la vraie victoire pour les homosexuels et la société en général viendra lorsqu'une telle révélation passera inaperçue. Cette réalité sera alors comprise et acceptée de tous», a indiqué le Suédois âgé de 40 ans.

Questionné à savoir si la «sortie du placard» de Jason Collins allait inciter d'autres sportifs professionnels, quel que soit le sport, à suivre son exemple, Alfredsson a déclaré: «J'en suis convaincu.» À titre de coéquipier ou de capitaine, Alfredsson a indiqué qu'aucun joueur n'a pris contact avec lui pour obtenir un appui - que le Suédois accorderait sans hésiter.

Photo Patrick Woodbury, Le Droit

Daniel Alfredsson