À une semaine ou à peu près de l'ouverture du marché des joueurs autonomes dans la Ligue canadienne de football, les Alouettes battent de l'aile.

Ils sont toujours sans entraîneur- chef et leur directeur général Jim Popp a passé plus de temps au cours des dernières semaines à mousser sa candidature pour obtenir un poste quelque part dans la NFL qu'à s'occuper du nid au creux duquel son équipe passe l'hiver. Le plus inquiétant dans cette quête d'entraîneur-chef n'est pas que le poste soit toujours vacant. Mais bien que plusieurs candidats aient levé le nez sur l'offre de diriger les Oiseaux. Chris Jones, ancien coordonnateur défensif des Alouettes, a préféré demeurer avec les Argos plutôt que d'accepter le défi de remplacer Marc Trestman à Montréal. Puisque les Argonauts étant champions de la Coupe Grey, Jones a au moins une bonne raison de vouloir demeurer à Toronto. Mais Mark Washington? Pourquoi le responsable des demis défensifs des Lions de la Colombie-Britannique tourne-til le dos à un poste d'entraîneurchef à Montréal?

Et que dire de Danny Maciocia? Je veux bien croire qu'il soit bienheureux à la tête des Carabins, où il est assis sur un contrat de très longue durée on parle d'une entente de près de 15 ans qui le conduira jusqu'aux portes de la retraite. Mais après avoir conduit les Eskimos d'Edmonton aux grands honneurs, le défi de guider les Alouettes vers leur huitième Coupe Grey devrait peser plus lourd dans l'équation que celui, très noble j'en conviens, de conduire l'Université de Montréal à la coupe Vanier.

Catastrophe anticipée

Comment expliquer que ces trois hommes de football sans oublier Glen Constantin du Rouge et Or de l'Université Laval, Jacques Chapdelaine, coordonnateur offensif des Lions, et peut-être d'autres dont on n'a pas entendu parler aient dit poliment non merci à Jim Popp? Pourquoi tourner le dos à une équipe qui a gagné la Coupe Grey trois fois depuis 2002 et dont la présence en finale de l'Est, voire en grande finale, est presque acquise avant le début de chaque saison, alors qu'on imagine plutôt les candidats jouer du coude pour obtenir ce job prestigieux?

«Peut-être que les Alouettes sont moins solides que vous ne le croyez à Montréal», a lancé un observateur bien au fait des dessus et des dessous de la LCF. Une observation inquiétante. Mais une observation à laquelle on doit donner du poids quand on réalise à quel point le manque de relève autant sur le terrain que dans les bureaux rend les Alouettes vulnérables. Ça doit bien faire deux, trois, cinq ans qu'on se demande ce qui arrivera aux Oiseaux lorsque Antony Calvillo prendra sa retraite. Pourquoi attendre une réponse au lieu de commencer à l'écrire en préparant la relève?

Et les Alouettes feront quoi lorsque Jim Popp réalisera son rêve de travailler dans la NFL? Parce que oui, ça arrivera. Dès qu'il contrôlera un brin ou deux son ego et qu'il comprendra que ce n'est pas parce qu'il est peutêtre trop fort pour la Ligue canadienne qu'il obtiendra un poste de directeur général dans la NFL, Popp aura l'embarras du choix pour un poste de numéro deux dans la grande ligue. Ce qui fera très mal aux Alouettes. Car comme Calvillo derrière la ligne de mêlée, Popp n'a pas de remplaçant prêt à lui succéder.

Les Alouettes ne peuvent perdre Calvillo ou Popp. S'il fallait qu'ils les perdent tous les deux, les Oiseaux ne battraient plus de l'aile. Ils piqueraient tout droit vers la catastrophe. D'où le manque d'empressement des candidats de sauter sur le job d'entraîneur-chef ou d'adjoint à Jim Popp.

Faire-valoir francophones

Marcel Desjardins a préféré aller relancer le football à Ottawa plutôt que de continuer à servir son ancien boss à Montréal en attente du poste de direction qui se libérera un jour. On le comprend très bien. Comme on comprend aussi très bien les Matthieu Proulx, Pierre Vercheval et peut-être Éric Lapointe si les Alouettes lui ont aussi tendu une perche d'y réfléchir à deux fois avant d'accepter un poste dont le ramage est loin d'être aussi beau que le plumage.

Lapointe, Proulx, Vercheval ont une belle après-carrière. Dans le monde des médias pour Proulx et Vercheval. Dans celui de la finance pour Lapointe. Bien qu'ils aient à coeur les Alouettes et la cause du football à Montréal et au Québec, ils savent lire et compter. Ils savent qu'en travaillant dans l'ombre de Jim Popp, ils seraient confinés à un rôle de soutien dans le vrai travail, alors qu'ils devraient occuper toute la place sur la scène publique et donner aux Oiseaux ce qui commence à sérieusement leur manquer : un visage francophone dans la haute direction.

À quel prix?

Parce qu'il s'est fait beaucoup plus d'ennemis que d'amis dans le milieu des affaires lorsqu'il trônait à titre de vice-président marketing du Canadien, Ray Lalonde a frappé un mur une fois président des Alouettes.

Les hommes d'affaires obligés de composer avec son côté très dictateur pour s'associer au Canadien ont savouré de douces revanches en fermant la porte au nez de Lalonde une fois coiffé de la casquette des Alouettes. Les revenus d'affaires ont écopé.

Plusieurs questions liées à la situation financière réelle des Alouettes demeurent d'ailleurs sans réponse. Des réponses qu'il serait intéressant d'obtenir. Car s'ils ont perdu leur place au sein des organisations phares de la LCF, les Alouettes n'ont peut-être plus les moyens financiers nécessaires pour aider à convaincre des candidats au poste de coach qui se laissent désirer.

Encore moins pour payer des adjoints francophones à Jim Popp. Des adjoints qui, en plus d'avoir à apprendre le job de directeur général, devraient servir de panneau publicitaire pour un salaire inférieur à celui qu'ils empochent actuellement. Pas surprenant qu'ils y réfléchissent à deux, voire trois fois avant de poliment refuser.

Un DG en exil

En passant, si Pierre Gauthier s'est fait lapider avec raison de critiques parce qu'il a décidé de s'établir avec sa famille à Burlington, au Vermont, plutôt qu'à Montréal, lorsqu'il a hérité du poste de grand patron du Canadien, comment diable peut-on accepter sans mot dire que Jim Popp passe le plus clair de son temps à Charlotte, en Caroline-du-Nord?

Le directeur général des Alouettes ne rentre pas seulement à la maison entre l'élimination des Alouettes et le début du camp d'entraînement pour échapper à la neige et à l'hiver. Popp fait faux bond à son équipe et à ses partisans en saison régulière également. Il a suivi près de la moitié des matchs de son équipe de Charlotte plutôt que des lignes de côté l'été dernier. Ce qui n'était pas acceptable pour le DG du Canadien ne devrait pas l'être pour le DG des Alouettes. Remarquez qu'un tel détachement des Alouettes fera certainement l'affaire de l'Impact qui est, lui, très présent dans son milieu et en voie de survoler les Oiseaux sur la scène sportive estivale. Si ce n'est pas déjà fait