Débarqué en sauveur le 2 mai dernier lorsque Geoff Molson lui a confié le poste de directeur général du Canadien, Marc Bergevin est depuis adulé par les partisans. Ses nombreuses embauches au sein de l'état-major, qui ont redonné un visage francophone à la direction de l'équipe, ont été chaudement applaudies. Tout comme sa philosophie d'ouverture, une philosophie tout à l'opposé de celle établie par Bob Gainey et renforcée par Pierre Gauthier.

Le bonheur!

Avant même que la saison écourtée se mette en branle, que son équipe encaisse sa première défaite ou traverse sa première séquence noire, Bergevin pourrait voir ce bonheur être secoué.

Déjà qu'ils sont frustrés d'avoir été privés de hockey depuis le début de l'année, les partisans du Canadien n'accepteront pas qu'on les prive aussi de leur défenseur favori P.K. Subban.

«J'ai l'intention de mettre P.K. Subban sous contrat avant le début du camp d'entraînement», a confirmé Marc Bergevin, hier, lors de la conférence de presse tenue par le Canadien pour saluer la reprise des activités dans la LNH.

Tout ça est bien beau.

Mais comme le camp s'ouvrira samedi et que Bergevin a été incapable de s'entendre avec le défenseur qui est aussi le chouchou des partisans de son équipe, il pourrait être difficile de passer des paroles aux actes.

Tout un fossé

Avant le décret du lock-out, Subban a levé le nez sur le contrat de deux ans d'une valeur d'environ 6 millions que son nouveau patron lui offrait.

Que voulait Subban? Un contrat à long terme. Un contrat de cinq ou six ans d'une valeur de 25 à 30 millions.

Méchant fossé!

«J'ai établi une structure quand je suis arrivé en mai dernier et ça ne changera pas», a aussi indiqué Bergevin hier.

Selon cette structure, P.K. Subban devra accepter un contrat de transition d'une durée de deux ans pour faire le pont entre son contrat de trois ans à titre de recrue et le prochain qui lui permettra de se couvrir d'or.

Une transition à laquelle Carey Price (2 ans, 5,5 millions) et Max Pacioretty (2 ans, 3,25 millions) ont dû se soumettre avant de toucher le gros lot: 39 millions en six ans pour Price; 27 millions en six ans pour Pacioretty.

Subban a parlé avec son agent Don Meehan hier à Toronto. Ce dernier a ensuite échangé brièvement avec Bergevin. Les négociations seront lancées sous peu.

Croisé à Toronto en novembre dernier, Meehan avait reconnu que les négociations seraient difficiles. «Mon rôle comme agent consiste à soutirer le meilleur contrat possible à mes clients, mais il faut parfois que je leur fasse comprendre qu'ils ne peuvent obtenir ce qu'ils réclament.»

S'il joue un rôle de médiateur dans ces négociations, Meehan aidera la cause de Bergevin et du Canadien. Du moins un peu. Il est toutefois utopique que l'agent de Subban se rangera béatement derrière le DG du Tricolore.

Bon, très bon, exceptionnel?

En plus de tenir à respecter cette structure, Bergevin tient aussi à se donner le temps de mieux connaître son jeune défenseur sur la patinoire comme dans le vestiaire.

S'il comble les partisans qui le considèrent déjà comme une grande vedette avec son talent et sa façon flamboyante de jouer, Subban ne fait pas l'unanimité dans toutes les sphères du hockey. Tous reconnaissent son talent et son statut de très bon jeune défenseur. Mais plusieurs se demandent s'il se hissera vraiment au sein de l'élite des arrières du circuit.

S'il tient tête à son jeune défenseur, Bergevin sait que la pression exercée par les partisans et les médias se resserrera de façon exponentielle chaque jour. Elle sera difficile à endurer si les négociations se prolongent pendant le camp d'entraînement. Étouffante si le Canadien doit entamer la saison sans le défenseur chéri de tous. Insupportable si, privé de son défenseur vedette, le Tricolore amorce la saison avec une séquence de deux, voire de trois revers.

Bergevin sait très bien ce qui l'attend si les négociations se prolongent. Il se dit toutefois prêt à faire face à la situation.

«Je comprends et respecte l'affection des partisans pour P.K. qui demeure un joueur très important de notre équipe. En même temps, je n'ai pas le droit de céder à la pression populaire lorsque vient le temps de prendre une décision aussi importante pour l'avenir de l'organisation.»

Et le propriétaire dans tout ça? Geoff Molson, qui a reconnu hier jongler avec plusieurs scénarios pour récompenser la patience et la compréhension des partisans, est-il prêt à composer avec cette pression populaire? Serait-il plutôt tenté de s'immiscer dans ce dossier épineux?

«J'ai embauché Marc Bergevin parce que j'ai confiance en lui et que je respecte ses décisions. J'ai confiance que nous mettrons rapidement P.K. sous contrat», a dit le propriétaire.

Je suis entièrement d'accord avec la philosophie préconisée par Bergevin dans le dossier du contrat de Subban. S'il est vrai que de jeunes joueurs et même de jeunes défenseurs ont obtenu le genre de contrat que Subban convoite, P.K. n'est pas plus important pour le Canadien que Price et Pacioretty. Il est donc normal qu'il suive le même parcours qu'eux.

Je me demande toutefois vraiment comment Bergevin et même Molson pourront composer avec la pression populaire si ces négociations traînent en longueur. Surtout si l'équipe entreprend la saison sur une note négative.