Le plongeon de 39 km de Félix Baumgartner occupe-t-il une place plus importante dans la liste des événements sportifs de l'année 2012 que la plonge de Lance Armstrong, maintenant dépouillé de ses maillots jaunes?

Les sept matchs sans point ni coup sûr au baseball majeur, dont trois se sont traduits par des parties parfaites l'été dernier, ont-ils davantage marqué le sport professionnel que le conflit qui paralyse la Ligue nationale de hockey depuis le 15 septembre?

Les exploits à Londres de Michael Phelps qui, avec une récolte de six médailles, dont quatre d'or, est devenu l'olympien le plus décoré de l'histoire (22 médailles, dont 18 d'or), sont-ils plus impressionnants sur le plan sportif que les trois victoires d'Usain Bolt?

Lebron James, qui a finalement conduit le Heat de Miami à un premier titre dans la NBA et les États-Unis à la médaille d'or, domine-t-il davantage le basketball que Lionel Messi domine le soccer avec ses 91 buts?

Si vous avez répondu oui à l'une ou l'autre de ces questions, vous avez eu raison de le faire. Remarquez que vous avez eu tout aussi raison si vous avez répondu non.

Pourquoi?

Parce que lorsque vient le temps de déterminer l'athlète qui s'est le plus distingué ou le fait saillant de l'année sportive, tout le monde a raison et personne n'a tort... enfin, presque.

Pour toutes ces raisons, je joins ma voix à celles de mes collègues de La Presse, qui ont auréolé Mikaël Kingsbury du titre d'athlète québécois de l'année.

La progression du nouveau «boss» des bosses a été fulgurante. Tout comme son palmarès de 13 podiums, dont 8 victoires en 13 épreuves. Avec des résultats pareils, la sélection de Kingsbury était écrite dans la neige comme celle de Christine Sinclair l'était dans le gazon lorsqu'est venu le temps d'élire l'athlète de l'année 2012 sur la scène canadienne.

La valeur du podium

Si mon patron m'avait demandé de voter, je ne suis pas convaincu que j'aurais voté pour Kingsbury.

Non, je n'aurais pas voté pour un joueur du Canadien. Pas plus que pour un autre Québécois évoluant dans la LNH. Phillippe Aumont, qui s'est fait une niche dans l'enclos des releveurs à Philadelphie, ou Russell Martin, qui vient de toucher le gros lot en acceptant de passer des Yankees de New York aux Pirates de Pittsburgh, n'auraient pas reçu mon vote non plus.

À moins d'une très rare exception, le titre d'athlète de l'année doit aller à un sportif qui n'est pas un millionnaire du sport professionnel. C'est du moins la philosophie qui me guide dans ce genre de choix. Lucian Bute, Jean Pascal et Georges St-Pierre ont donc un genou au tapis avant même le début du scrutin.

L'autre critère sur lequel je m'accroche le plus est la nature du sport pratiqué par l'athlète à honorer. La nature de la compétition avec laquelle l'athlète doit composer pour se rendre au podium. Ou au pied de ce podium.

Et c'est là où les choses se compliquent, où les votes dépassent le cadre des résultats et deviennent très subjectifs.

Un podium est-il plus accessible pour Kingsbury en bosses que pour Erik Guay en descente ou en super-G?

Un podium est-il plus accessible pour nos patineurs de vitesse qui se chamaillent sur courte piste que pour ceux qui filent sur longue piste?

Une cinquième place d'Alex Harvey a-t-elle moins de valeur sportive qu'une troisième place, voire une victoire, en snowboard cross ou en planche à roulettes?

Il n'y a pas de réponse définitive à l'une ou l'autre de ces questions.

Mais parce que je considère que les athlètes qui se distinguent dans un sport de masse ont un défi plus grand à relever pour se hisser au sommet que ceux qui s'imposent dans un sport à participation restreinte, j'ai toujours eu tendance à favoriser les athlètes qui pratiquent des sports plus traditionnels.

Remarquez qu'il est sans doute plus difficile de s'entraîner dans la solitude et l'indifférence. Comme quoi il n'y a rien de facile dans le sport...

Reconnaissance essentielle

Bien que très imparfait, ce jeu des récompenses est essentiel. En effet, il permet d'attirer l'attention sur tous ces athlètes et sur les sports qu'ils pratiquent.

Au-delà de Kingsbury, qui a fait les manchettes grâce à l'un ou l'autre de ses 13 podiums, de Patrice Bernier, d'Erik Guay, d'Alex Harvey, d'Émilie Heymans, de Dominique Maltais, de Georges St-Pierre, de Martin Brodeur et d'Eugenie Bouchard, qui sont plus populaires en raison des sports qu'ils pratiquent ou des résultats qu'ils ont obtenus, le scrutin aura permis, du moins je l'espère, à plusieurs Québécois de se rappeler certains exploits, voire de découvrir de nouveaux visages.

Pierre-Luc Gagnon est l'une des figures mondiales en skateboard; Justine Dufour-Lapointe, comme ses soeurs Chloé et Maxime avant elle, s'est hissée parmi l'élite mondiale en ski acrobatique (bosses); Christine Girard a récolté la première médaille olympique canadienne (bronze) en haltérophilie chez les femmes; Valérie Maltais patine dans le sillon des autres championnes québécoises en courte piste; le judoka Antoine Valois-Fortier nous a tous fait un peu pleurer lorsqu'il a réalisé qu'il venait de gagner le duel qui l'assurait d'une médaille de bronze et d'une place dans l'histoire sportive du Québec aux Jeux de Londres.

On aurait aussi pu, et sans doute dû, inscrire le nom de Benoît Huot, qui a ajouté trois médailles et un record du monde au 200 mètres quatre nages à son palmarès lors des Jeux paralympiques, l'été dernier.

Comme quoi la gloire est bien éphémère dans le sport - surtout le sport amateur. D'où l'importance de parler de ces athlètes le plus souvent possible. Quitte à le faire un brin injustement dans le cadre d'un concours qui en auréole un, mais qui permet de récompenser tous les autres...