Le vaudeville que représente le conflit opposant la Ligue nationale et les joueurs qu'elle a mis en lock-out le 15 septembre dernier repoussera cette semaine les limites du ridicule.

Je sais. Avec tout ce qu'on a vu et entendu depuis trois mois, il est difficile de croire que les limites du ridicule n'avaient pas déjà été atteintes. Qu'elles n'avaient pas été étirées à la limite. À l'extrême limite. Mais les prochains jours seront fous pas pour rire. Ou pour rire aux éclats. C'est selon!

Depuis hier - le vote se poursuit jusqu'à jeudi -, Donald Fehr demande à tous les lockoutés qu'il représente de lui donner le mandat de saborder l'Association des joueurs.

Pourquoi?

Parce qu'en obtenant ce mandat qu'il pourrait ensuite mettre à exécution jusqu'au 2 janvier, Fehr débarquera à la table de négociation avec une massue entre les mains. Car si la Ligue nationale maintient la ligne dure des dernières semaines, qu'elle refuse de reculer sur la durée de la convention (10 ans) sur la durée limite des contrats (5 ans) sur les fluctuations annuelles maximales des salaires pour la durée de ces contrats (5%) et sur bien d'autres points dont les joueurs voudraient voir les coins être arrondis un brin ou deux, Fehr pourra aller de l'avant avec son projet de dissolution.

Ça passe ou ça casse

Une fois cette procédure franchie, Fehr pourrait s'accrocher à la loi anti-monopole américaine pour discréditer la LNH, obtenir un jugement rendant illégal le lock-out qui amorce aujourd'hui sa 93e journée et, ô surprise, obtenir des compensations financières estimées à trois fois plus que le total des salaires perdus jusqu'ici par les joueurs.

Tout ça au terme de procédures judiciaires qui seraient longues et extrêmement coûteuses pour les joueurs, bien sûr, mais aussi pour la Ligue nationale et ses propriétaires. Des procédures qui entraineraient sans l'ombre d'un doute l'annulation complète de la saison 2012-2013. Sans oublier l'autre avalanche de procédures reliées à la création d'un nouveau syndicat si jamais les joueurs décidaient de se syndiquer à nouveau.

Si les propriétaires tiennent à éviter pareil dédale judiciaire avec tous les risques qui lui sont associés, peut-être forceront-ils la main à Gary Bettman pour qu'il ajoute un peu plus de Quick dans le lait qu'il offre aux joueurs.

Si une ou deux cuillerées de poudre brune suffisent, le conflit pourrait même se régler rapidement.

Donald Fehr n'invente rien. Il suit les traces des Associations des joueurs de la NFL (football) et de la NBA (basketball) qui ont vu les lock-out dont ils étaient prisonniers se régler rapidement une fois la menace de dissolution brandie l'an dernier.

Si Gary Bettman ne bronche pas devant cette menace? Qu'il ne cède pas comme ont cédé son homologue Roger Goodell (NFL) et son mentor, et ancien patron, David Stern (NBA)?

Le conflit se prolongera. La saison sera annulée. Au point où nous en sommes, je ne sais plus si cette annulation serait une bonne ou une mauvaise nouvelle. Mais je sais que le fait d'être fixé une fois pour toutes - ou au moins jusqu'à l'automne prochain - en serait une très bonne.

Procédures kafkaïennes

Le mandat réclamé par Donald Fehr devrait lui être largement accordé. L'Association a besoin de l'approbation des deux tiers de ses membres pour aller de l'avant avec son projet d'auto-destruction. Puisque ce vote vise à offrir à Fehr un outil de négociation, qu'il ne signifie pas, du moins pas encore, l'annulation de la saison, les joueurs l'entérineront presque unanimement.

C'est du moins mon avis.

Parallèlement à ce vote et aux négociations qui pourront malgré tout se poursuivre publiquement ou en coulisse, l'Association des joueurs et la Ligue nationale se croiseront aussi, et surtout, en cour pour débattre de la légalité de ce hara-kiri syndical.

Et c'est là que ça va devenir fou. Complètement fou.

Car pour obtenir gain de cause, l'Association des joueurs devra plaider qu'elle fait mal son travail. Qu'elle est incapable de représenter ses joueurs. Que ces derniers ont le droit de ne pas être syndiqués.

De l'autre côté, la Ligue nationale va plaider que l'Association des joueurs a toujours été la seule et unique organisation syndicale avec laquelle elle a négocié. Qu'elle est solide et efficace comme le témoigne le fait que les salaires n'ont jamais été aussi généreux comme en témoigne le salaire moyen qui s'élève à 2,4 millions $.

Le monde à l'envers.

S'appuyant sur les exemples de la NFL et de la NBA et aussi sur le pouvoir de persuasion de ses avocats et de ceux qu'elle s'offrira à fort prix, la Ligue nationale prétendra aussi que la procédure de l'Association des joueurs n'est rien de plus qu'une tactique déloyale visant à faire dérailler le processus actuel de négociations.

J'aimerais alors être le juge.

Je pourrais regarder la Ligue nationale pour lui demander de quelles négociations elle parle au juste. Car bien que je trouve les joueurs un brin timbrés de tourner le dos à ce qui est sur la table tout en perdant des millions dont ils ne reverront jamais la couleur, je trouve que la LNH est complètement irresponsable en se montrant intraitable comme elle le fait depuis deux semaines.

Avec quelques concessions mineures, Gary Bettman et les propriétaires auraient permis aux modérés dans le camp des joueurs de sauver la face tout en moussant l'approbation d'une entente. Une entente imparfaite, mais une entente quand même. Une entente qui aurait ramené les joueurs devant leurs partisans.

L'intransigeance affichée par Bettman les a plutôt guidés vers les tribunaux.

Ridicule! Complètement ridicule!