Plusieurs raisons m'ont incité à appuyer la construction de la Place Bell à Laval et l'injection des fonds publics nécessaires pour mener à bien ce projet.

Comme journaliste sportif, l'idée de surveiller le Canadien à l'entraînement sur la Rive-Sud, de le voir disputer au Centre Bell l'une ou l'autre de ses 41 parties en saison (il en ajoutera bien quelques-unes en séries éliminatoires un moment donné) et de surveiller le développement de sa relève sur la couronne nord me plaisait bien.

Comme spectateur, l'idée d'éviter les bouchons de circulation, les cônes orange et les crevasses dans la chaussée qui entravent la circulation pour me rendre à Montréal afin de voir et d'entendre les artistes qui ne viennent pas à Laval en ce moment, faute d'une scène adéquate, me plaisait tout autant.

Comme père de famille, l'idée d'un amphithéâtre capable de rendre justice aux patineurs et patineuses artistiques de pointe qui évoluent dans des carrés de sable en ce moment à Laval; d'un endroit où je pourrais dire à mes hockeyeurs de garçons de prendre une douche avant de sortir du vestiaire plutôt que de le faire à la maison me plaisait aussi beaucoup.

Enfin, comme contribuable québécois et contribuable à Laval, je considérais que le projet justifie ses coûts.

De 26,2 à 46 à 74 millions

Cent vingt millions pour doter la deuxième ville en importance d'un complexe sportif digne de ce nom, ça représentait une bonne affaire à mes yeux.

Tout comme l'injection des 46 millionspromis par Québec et les 42 millions que Laval devait fournir: 26,2 millions auxquels Laval devait ajouter les 15,8 millions que le fédéral a retirés quand la venue éventuelle du club-école du Canadien - donc d'une équipe professionnelle - lui a permis de sortir de l'équation.

Quand mes collègues des nouvelles générales à La Presse Karim Benessaieh, Vincent Brousseau-Pouliot, Fabrice De Pierrebourg et Francis Vailles ont relevé un dépassement de coûts avant même les appels d'offres, que ce n'était plus 46 millions, mais plutôt 74 millions que les contribuables lavallois auraient à débourser, j'ai avalé de travers.

Car, bien qu'elle soit nécessaire à bien des points de vue, la Place Bell ne peut servir de prétexte à gaspiller mon argent, celui de tous les Lavallois et des Québécois. Comme le révèle la commission Charbonneau depuis quelques mois, on a fait plus que notre part, il me semble...

Pourquoi avoir menti?

Les dépassements de coûts de la Place Bell ne sont pas reliés à des cas de fraudes, de ristournes aux amis du parti ou de protection offerte à fort prix par le crime organisé. Ils sont bêtement attribuables aux mensonges ou demi-vérités des élus de Laval impliqués dans le projet.

Quand le maire Vaillancourt m'a regardé droit dans les yeux le 14 février dernier pour m'assurer que la contribution de la ville s'élevait à 46 millions, il m'a menti en pleine face.

Il savait déjà que cette contribution serait de 74 millions. Le ministère des Affaires municipales le savait aussi. Ils savaient que les 32 millions venant du privé - 20 millions de Bell pour apposer son nom sur l'amphithéâtre et 12 millionsdu groupe evenko, la filiale spectacle du Canadien de Montréal - n'étaient pas comptabilisés dans «l'enveloppe fermée» de 120 millions liée à la construction de l'amphithéâtre.

Quand Alexandre Duplessis, maire actuel par intérim et dauphin de Gilles Vaillancourt, a répété il y a deux semaines que la Ville injectait 46 millions, il a menti lui aussi. M. Duplessis a poussé l'audace en avançant dans une entrevue à la Première Chaîne de Radio-Canada lundi que l'augmentation de 46 à 74 millions mise au jour par mes collègues de La Presse était attribuable à des modifications en cours de projet.

C'est faux!

Dès les premiers mots que j'ai écrits sur la Place Bell, le 26 janvier dernier, il était depuis longtemps acquis que la Place Bell comporterait un amphithéâtre de 10 000 places visant à attirer le club-école du Canadien et des spectacles d'envergure; une glace olympique ceinturée de 2500 sièges qui serait idéale pour établir le centre d'entraînement national de l'équipe canadienne de patinage de vitesse courte piste; une patinoire dite communautaire comptant 500 sièges.

Rien n'a changé depuis. Sauf l'adresse - la Place Bell est passée du côté ouest de l'autoroute 15 au côté est - et l'engagement de la Ville.

Dans l'état actuel des finances publiques, avec la perte de confiance et le cynisme à l'égard de la politique municipale - particulièrement à Laval avec les mille et une questions reliées à la gestion du maire Gilles Vaillancourt durant son règne sur l'île Jésus -, comment diable des élus ont-ils pu mettre en péril un projet de cette envergure en cachant la vérité comme ils l'ont fait?

Pour s'assurer l'appui du public?

Si c'est le cas, c'était très mal joué.

Malgré le nouveau et réel calcul qui laisse les Lavallois avec une facture de 74 millions sur les bras, la Place Bell représente une bonne affaire.

L'ennui, et il est de taille, c'est qu'il aurait été bien plus facile de convaincre la population de la validité d'un projet de 152 millions plutôt que d'avoir à expliquer la gymnastique arithmétique qui l'a fait passer de 120 à 152 millions, avant même la première pelletée de terre.

Cette absence complète de transparence et de jugement de la part des élus donne aux sceptiques plus de munitions qu'ils n'en ont besoin pour mitrailler le projet.

Au risque de tomber sous leurs balles, oui la Place Bell est importante pour Laval et ses résidants qui en profiteront, qu'ils soient amateurs de sports ou de spectacles, et les 32 millions supplémentaires versés en deniers publics représentent, malgré le cafouillage politique, une bonne affaire.