Donald Fehr a joué gros hier. Il a joué trop gros et il a perdu sur toute la ligne.

Fehr a perdu la maîtrise qu'il semblait avoir sur les négociations. Il a perdu toutes les concessions, aussi minces fussent-elles, consenties par la Ligue nationale depuis le début de la semaine. Il a perdu, voire gaspillé, l'élan d'optimisme soulevé par l'entrée en scène de propriétaires modérés comme Ron Burkle (Pittsburgh), Larry Tannenbaum (Toronto), Jeff Vinik (Tampa Bay) et Mark Chipman (Winnipeg). Des modérés qui sont repartis de New York déçus de l'attitude des joueurs, voire désabusés et prêts à se ranger derrière la majorité. Il a perdu la guerre de relations publiques alors que le commissaire Gary Bettman et son bras droit Bill Daly l'ont haché finement en dénonçant et en corrigeant une à une toutes les prétentions lancées par Fehr pour appuyer sa position selon laquelle le conflit était pratiquement réglé.

Au lieu de se retrouver en plein contrôle du duel qui l'oppose à Gary Bettman, Donald Fehr se réveille ce matin les mains vides.

Pourquoi?

Parce que comme un enfant trop gâté, Fehr n'a pas su se contenter. Ce n'est pas moi qui le dis. Ce sont Gary Bettman, son bras droit Bill Daly et les propriétaires modérés venus tenter de sauver les négociations cette semaine qui l'ont dit.

Au lieu de les retirer comme plusieurs propriétaires lui demandaient de le faire, Gary Bettman a ajouté 100 millions de dollars aux 211 millions déjà sur la table en guise de somme de transition pour adoucir la fluctuation de 57% à 50% de la part des revenus de la LNH versée aux joueurs.

Bettman a accepté le statu quo en matière d'arbitrage et de contrats accordés aux joueurs qui font leur entrée dans la LNH et sur plusieurs autres points mineurs sur la liste des points en litige.

En échange, la Ligue restait inflexible sur trois points.

La durée de la convention: 10 ans, avec une option de sortie après 8 ans.

La durée maximale des contrats et fluctuation maximale des salaires: 5 ans et 5%.

Le principe selon lequel les salaires des joueurs renvoyés dans les mineurs doivent être comptabilisés sous le plafond salarial du grand club.

Dans son point de presse au cours duquel il prétendait qu'une entente était imminente, Fehr a fait un pied de nez à la LNH en indiquant que les joueurs accepteraient une convention de huit ans avec une option de retrait avec six ans, et que la durée maximale des contrats devrait être portée à huit ans.

Alors que les deux parties étaient si près d'une entente, je n'arrive pas à comprendre que Fehr ait poussé l'audace à faire ce pied de nez à la Ligue en s'attaquant à des principes pour «lesquels nous sommes prêts à mourir», a d'ailleurs reconnu Bill Daly.

Donald Fehr a étiré l'élastique à l'extrême. L'élastique lui a rompu sur le nez.

Sans surprise, Gary Bettman a retiré tout ce qu'il avait accepté de mettre sur la table cette semaine. C'est bien sûr un geste de dépit de la part de Bettman. Une stratégie de la part du commissaire.

Mais cette stratégie pourrait allonger la liste des pertes encaissées par Fehr. Car en plus de se retrouver les mains vides, Fehr pourrait avoir perdu l'appui majoritaire des joueurs qu'il représente. Un appui sans lequel il devra rendre les armes devant son rival s'il espère sauver la saison.

«Je me revois en 2004-2005. On croyait tous que nous avions une entente et qu'on était sur le point de recommencer à jouer, et Bettman nous a assommés en refusant notre proposition. Je peux t'assurer que ce soir, il y a des gars qui ont peur. Des gars qui se demandent s'ils n'auraient pas été mieux d'accepter ce qui était sur la table hier. Ça va brasser», m'a expliqué l'ancien défenseur Denis Gauthier, qui était à Phoenix lorsque la LNH a annulé la saison en 2005.

Les visages d'enterrement qu'affichaient Sidney Crosby, Brad Richards, Martin St-Louis et les autres joueurs qui entouraient Donald Fehr lorsqu'il a levé le voile sur le refus unilatéral de la Ligue face à sa proposition finale confirmaient d'ailleurs l'inquiétude évidente de ces joueurs-hommes d'affaires qui devront bien se rendre compte à un moment donné du sérieux de la situation.

Et c'est peut-être la plus grande perte de Donald Fehr. Car à compter de ce matin, le fin négociateur ne doit pas seulement récupérer tout ce qui était sur la table hier et qui n'y est plus ce matin. Il doit aussi récupérer la confiance des joueurs. Deux grands défis alors que le temps presse s'il veut vraiment sauver la saison. Ce qui est encore possible, cela dit.