Georges Laraque a toujours respecté le code d'honneur interdisant de s'acharner sur un gars ayant un genou sur la glace. Vendredi après-midi, Laraque a profité de ce code.

Ébranlé par les nombreuses critiques et plus nombreuses encore polémiques qui l'ont contraint à passer le flambeau dans sa quête de syndicalisation des joueurs des 60 équipes juniors de la Ligue canadienne de hockey (LCH), il n'a pas eu à encaisser l'humiliation du vote négatif qui l'attendait dans le vestiaire des Screaming Eagles du Cap-Breton.

À sa demande, le bureau du travail de la Nouvelle-Écosse a accepté d'annuler la tenue de ce vote. «Les avocats qui nous épaulaient bénévolement dans le projet ont quitté en raison de la controverse. Et comme j'ai décidé de passer le flambeau, ça ne donnait rien de tenir ce vote de toute façon», a convenu Georges Laraque, à qui j'ai parlé à son retour à Montréal, vendredi soir.

Il arrive quoi maintenant?

Laraque va panser ses plaies. Elles sont nombreuses. Certaines très profondes. Car à titre de porte-étendard de ce mouvement de syndicalisation, Laraque est celui qui a le plus perdu dans l'opinion publique. Une scène, habituellement, où il est roi et maître. Une scène où les nombreuses irrégularités relevées dans les démarches de son organisation lui ont fait perdre des plumes.

Guerre de mots

Dans le monde du hockey, où il ne jouissait déjà pas d'une grande crédibilité, Laraque s'est enlisé un peu plus. Il sera sans doute tenté de se dégager en brandissant des menaces proférées par certains propriétaires pour refroidir les ardeurs syndicales de leurs joueurs.

Le gros Georges devra s'assurer d'avoir des preuves solides à offrir. Car dans ce dossier, ceux qui le croiront sur parole seront maintenant très difficiles à trouver.

En plus, pour toutes les attaques que Georges lancera, il devra composer avec les ripostes des propriétaires, qui eux aussi, ont des tas de munitions.

Une démarche de syndicalisation ne se fait pas sans heurts. Il s'en dit des choses des deux côtés des barricades. Des choses qu'on voudrait peut-être oublier, mais qui sont bien enregistrées. Et si je suis convaincu que certains joueurs se sont fait frotter les oreilles par certains proprios qui ont perdu les pédales en entendant le mot syndicat, je suis tout aussi convaincu que Georges et sa bande ont pris des moyens pas toujours réglo pour être convaincants.

Tout ça pour dire qu'il est très rare qu'une guerre de mots fasse un gagnant. Le plus souvent, elle ne fait que des perdants. Avis aux deux parties...

Soulagement et questions

Il serait bête et absurde que les joueurs des 60 équipes de la Ligue canadienne de hockey et leurs conditions de travail et/ou de développement soient mis de côté, maintenant que Georges Laraque et l'AJLCH ont un genou au plancher. Peut-être même les deux!

Ça n'arrivera certainement pas à Sherbrooke. Jocelyn Thibault, l'un des propriétaires du Phoenix, dernier-né de la LHJMQ, l'assure avec conviction.

Les derniers jours ont été durs pour l'ancien gardien des Nordiques, de l'Avalanche, du Canadien, des Blackhawks, des Penguins et des Sabres dans la LNH. Après tout, ses joueurs sont les seuls à avoir signé la demande d'accréditation proposée par le syndicat en devenir. Au lieu de brandir les poings et de hausser le ton quand le résultat du vote a été connu, Thibault a affiché un calme qui l'honore.

«Je dois admettre que j'ai été pris par surprise. Je suis un ancien de la LHJMQ. Stéphane Robidas, un ancien du Canadien qui est aussi un des propriétaires du club, a également été surpris. Nos jeunes et la Ligue sont au centre de nos préoccupations. Je n'ai pas compris pourquoi ils ont voté comme ils l'ont fait, mais j'ai respecté leur choix. Depuis deux jours, nos gars viennent nous voir. Ils sont un peu mal à l'aise. Ils regrettent. On leur dit tous la même chose: que rien n'est changé. Que s'ils ont des demandes pour améliorer les choses, on les écoutera. Je ne me suis pas embarqué dans le projet de ramener le hockey junior à Sherbrooke pour l'argent. Je le fais pour redonner au hockey junior et à ma ville ce qu'ils m'ont permis d'obtenir, pour offrir aux joueurs, une chance comme celle dont j'ai pu profiter.»

Qu'arrive-t-il à la demande d'accréditation? Elle demeure valide. Pour l'instant.

«Les avocats de la Ligue étudient le dossier. Est-ce que ce sera annulé. Est-ce que ça restera accroché au dessus de nos têtes? Je ne sais pas. Mais ça ne change rien à notre politique d'équipe. On reste derrière nos gars en attendant la suite des choses», a conclu Thibault.

Sur le plan syndical, la suite des choses passe par la décision d'une grande centrale de saisir ou non le flambeau tendu par Georges Laraque.

Mon appel logé au bureau général de la CSN pour tâter l'intérêt de la grande centrale québécoise est demeuré sans réponse vendredi.

Du coup, je tenterai aussi de savoir de quelle façon un grand syndicat s'y prendrait pour étendre ses ramifications en respectant les lois du travail dans les 10 provinces canadiennes et dans les quatre États américains où la Ligue canadienne est installée. Car oui, sept des 60 clubs de la CHL sont américains: les Whalers de Plymouth (banlieue de Detroit, au Michigan) et les Otters d'Erie (Pennsylvanie) dans la Ligue de l'Ontario. Du côté de la Ligue de l'Ouest, on retrouve les Thunderbirds de Seattle, les Silvertips d'Everrett, les Americans de Tri-City, et les Chiefs de Spokane (État de Washington), de même que les Winter Hawks de Portland (Oregon).

D'ici aux prochains développements administratifs, il serait bon de rappeler que la LHJMQ a du hockey de qualité à offrir. Et qu'en l'absence du Canadien et des autres équipes de la LNH, les 17 clubs du circuit Courteau gagneraient à être connus autrement que pour les péripéties syndicales des dernières semaines.