Après une petite semaine passée dans les coulisses de la Ligue continentale, deux mots résument l'état actuel de la KHL: ça s'améliore.

Ces mots, tous les acteurs croisés au cours des neuf derniers jours les lançaient promptement dès que je leur demandais de me donner leur appréciation de la ligue dans laquelle ils évoluent.

Que les Russes défendent leur pays, leur ligue et la qualité de leur hockey, comme l'ont fait Sergei Fedorov, Andrei Markov, Oleg Petrov et Pavel Datsyuk - que j'ai croisé hier -, je m'y attendais. Mais j'ai été surpris que les joueurs, entraîneurs et acteurs de soutien venus de l'autre côté de l'Atlantique le fassent aussi - et avec autant de ferveur.

Et non, je n'ai pas l'impression de m'être fait remplir les oreilles d'une propagande datant de l'ancien régime soviétique.

Gardien numéro un du Sibir de Novosibirsk, en Sibérie, Jeff Glass est loin des Rocheuses et de sa ville natale, Calgary. À sa quatrième saison dans la KHL, il qualifie maintenant la Russie de «nouveau chez-soi».

Aucun dirigeant d'équipe ne soufflait de réponse aux oreilles de Glass lorsque je l'ai rencontré après le match opposant son équipe au club de l'Armée rouge. Il était tout seul, souriant, les cheveux trop longs sous sa casquette des Tigers de Detroit, qu'il portait à l'envers. Il parlait avec coeur.

«On dirait que seules les histoires négatives sur la KHL et la vie ici traversent l'Atlantique. Mais les bonnes restent cachées. Je considère essentiel de rétablir le plus souvent possible les faits. Je le dois à cette ligue, qui me fait bien vivre en me donnant la chance de jouer du très bon hockey, et aux villes où j'ai vécu», a-t-il plaidé.

Bien que le mot Sibérie fasse peur, Glass vit dans la troisième ville russe en importance, après Moscou et Saint-Pétersbourg. «Mon appartement est semblable à celui que j'ai à Calgary. Ma qualité de vie est équivalente. Ma fiancée et moi sommes heureux. Mon chien aussi.»

En passant, il s'appelle «Moose».

KHL et NHL: débat futile

Quant au débat visant à déterminer si la KHL se rapproche ou non de la LNH, il est futile. La Ligue nationale forme encore la meilleure ligue de hockey au monde - du moins, elle la formera à nouveau une fois que le conflit qui la paralyse sera réglé.

Ça n'enlève rien aux hockeyeurs de la KHL. Pavel Datsyuk et Mikhail Grabovski font du club de l'Armée rouge une bien meilleure équipe depuis qu'ils sont à Moscou. Comme toutes les autres vedettes de la LNH qui ont fait le saut dans la KHL pendant le conflit.

Mais les joueurs qui les entourent et ceux qu'ils affrontent n'ont pas l'air de cônes orange sur la patinoire. Certains refusent même de céder leur place.

Tenez: Ilya Bryzgalov, à qui les Flyers de Philadelphie ont accordé un contrat de neuf ans d'une valeur de 51 millions, n'a disputé que quatre matchs du CSKA. Pourquoi? Parce que celui qui occupait le rôle de numéro un avant son arrivée est meilleur. Rastislav Stana affiche neuf victoires, contre deux revers. Le Slovaque domine la KHL avec une moyenne de but alloué par match de 1,55 et une efficacité de 94,7%.

Pourrait-il évoluer dans la LNH? Peut-être. Le compatriote de Jaroslav Halak y rêve d'ailleurs encore. Mais à 32 ans, ses chances sont minces.

Image à polir

Le cas de Stana illustre très bien le plus gros handicap qui mine la KHL: son image.

Exception faite des vedettes venues de la LNH en raison du conflit, les joueurs qui évoluent dans la KHL sont des anciens de la LNH qui y prolongent leur carrière ou des hockeyeurs qui n'ont jamais pu s'y établir.

Il est normal qu'un amateur de hockey du Québec, des Prairies ou des États-Unis se dise que la KHL est moribonde ou que les joueurs qui y évoluent seraient dans la LNH s'ils étaient assez bons.

Cette croyance est légitime. Mais ce n'est pas toujours par manque de talent que certains joueurs se rivent le nez à la porte de la LNH. Le gabarit entre en ligne de compte, tout comme la capacité de se distinguer, ou plutôt de s'effacer lorsque le jeu devient physique. Et le hockey est beaucoup plus physique dans la LNH que dans la KHL.

Comment régler ce problème d'image? En faisant connaître son produit.

Voilà un défi énorme à relever. Pour quelle raison? Hier, à Moscou, lorsque l'arbitre a lancé le match opposant l'Armée rouge au Sibir, à 15h, il était 7h au Québec. Le sport est un produit qui se consomme en direct. Quand la KHL est en action, les amateurs de hockey sont loin de leur télé.

Autre gros problème de la KHL: elle est tributaire de ses commanditaires. Trop. Les géants du pétrole et les grandes entreprises qui gardent la KHL en vie profitent - c'est acquis sans être reconnu publiquement - de répits fiscaux équivalents à ce qu'ils versent aux équipes.

Un ralentissement de l'économie russe pourrait donc être néfaste.

Afin de minimiser les risques, la KHL doit trouver le moyen de s'implanter dans de gros marchés de hockey. Elle l'a fait en République tchèque et en Slovaquie. Elle doit maintenant le faire en Finlande, en Suède, en Allemagne et en Suisse.

C'est plus facile à écrire qu'à faire: les fédérations de ces pays ne sont pas nécessairement intéressées à voir s'installer la KHL, qui relèguerait du coup leurs ligues élites au second plan. À moins que la KHL devienne le pendant au hockey de la Ligue des champions au soccer.

Une telle expansion assurerait à la KHL des hausses instantanées en matière de crédibilité, de diffusion et de revenus.

À ce stade, qui sait, peut-être que les joueurs européens de premier plan seraient plus nombreux à décider de rester en Europe. Peut-être même que des candidats nord-américains à la LNH décideraient de faire le saut en Europe.

Pour l'instant, tout ça n'est que pure spéculation.

Mais ce qui est très réel, c'est que la KHL, qui est partie de très loin et qui a dû composer avec la tragédie qui a décimé le Lokomotiv de Yaroslav et la mort soudaine du jeune Alexei Cherapanov, s'améliore. Et que le meilleur reste à venir.