«Demain: tout sera gratuit.» C'est avec cette publicité accrocheuse qu'un restaurateur ingénieux et un brin croche pensait augmenter ses chances de revoir ses clients le lendemain. Ceux-ci apprenaient alors que l'offre était remise au lendemain, puis au lendemain et encore au lendemain.

Je ne peux vous le jurer dur comme fer, mais il me semble que c'est Simon Durivage, alors qu'il animait l'émission Consommateurs avertis, l'ancêtre de La Facture à Radio-Canada, qui avait dénoncé cette publicité.

Pourquoi je vous parle de ce slogan? Parce qu'il est un peu à l'image de la saison de Tomas Plekanec.

Plekanec n'a rien d'un fraudeur. Ça non! Dans le vestiaire du Canadien, il fait partie du groupe de joueurs qui se donnent corps et âme pour le succès de l'équipe. Sans jamais se plaindre des ailiers qu'on lui confie, sans jamais rouspéter à l'égard des mandats qu'on lui donne et du temps d'utilisation qu'il obtient, Plekanec ne se contente pas seulement de faire acte de présence. Il travaille.

L'ennui, et il est de taille, c'est que les résultats ne récompensent pas souvent les efforts et l'implication de ce travailleur acharné. Pas assez au goût des amateurs et des dirigeants du Canadien. Pas assez au goût du principal intéressé.

«Un jour, c'est demain!»

Plusieurs fois cette saison, Plekanec s'est contenté d'esquisser des moues en hochant la tête avant de lancer: «Ça va débloquer un jour» lorsque je lui demandais ce qui n'allait pas sur la patinoire.

Mercredi dernier, alors que j'échangeais avec Plekanec avant de me retrouver avec Michael Cammalleri pour obtenir les propos qui ont eu l'effet que vous savez, le petit joueur de centre tchèque était plus abattu que d'habitude. «Je suis tanné de dire qu'un jour, ça va débloquer. Ce jour, il faut que ce soit demain.»

Demain s'est encore fait attendre: car à Boston, dans le cadre du match au cours duquel il a perdu Michael Cammalleri après deux périodes misérables, Plekanec n'a rien cassé. Non seulement il a été blanchi en plus de terminer sa soirée avec une fiche de -1, mais le meilleur joueur de centre du Canadien - titre qui lui échappe au profit de David Desharnais - n'a obtenu que 16:03 de temps d'utilisation. Son plus bas total de la saison.

Mais voilà: Cammalleri rendu à Calgary et René Bourque l'ayant remplacé à Montréal, Tomas Plekanec peut croire que demain, c'est maintenant!

Bon! Plekanec n'a pas marqué dimanche. Et samedi, contre les Sénateurs d'Ottawa, il a eu besoin de trois échappées avant de trouver le moyen de déjouer le gardien Craig Anderson.

Mais la nouvelle dynamique qui s'installe autour de lui permet d'envisager l'avenir avec optimisme.

Avec René Bourque d'un côté et Andrei Kostitsyn de l'autre (si jamais Randy Cunneyworth maintient l'idée, une très bonne idée en passant), Plekanec pourrait compter sur des ailiers rapides, solides et qui foncent au filet au lieu de tourner autour du but. Il pourrait enfin compter sur deux complices qui se contenteraient de jouer au hockey au lieu de passer leur temps à se plaindre, à vouloir modifier les stratégies pour qu'elles s'adaptent à son jeu ou à se retrouver sur les talons de l'entraîneur-chef pour réclamer de jouer un jour avec l'un et le lendemain avec l'autre, comme le faisait Cammalleri.

Un jeu de coulisse dans lequel Tomas Plekanec n'est jamais tombé. Que ce soit avec Randy Cunneyworth ou Jacques Martin avant lui.

«J'en suis incapable. Je dois prendre les moyens pour m'en sortir. Et ces moyens passent par le travail et non par les plaintes aux coachs. Peut-être que je devrais me plaindre, mais je ne peux me résigner à faire ça. C'est contre ma nature, ma philosophie», a assuré Plekanec lors de notre entretien.

Une seule fois depuis qu'il endosse l'uniforme du Canadien, Plekanec s'est adressé à son coach: Guy Carbonneau était alors l'entraîneur-chef. «Je lui avais simplement demandé de m'indiquer ce que je faisais de mal et des pistes de solutions pour m'en sortir. Le reste, les trios, les unités spéciales, le temps de jeu, je laisse ça au coach. Je me contente de travailler. Mais c'est difficile quand les résultats ne viennent pas», a-t-il enchaîné.

Avec des compagnons de jeu qui pousseront avec lui au lieu de se laisser traîner, il sera intéressant de voir si les efforts de Plekanec seront récompensés. Enfin récompensés...

Papa heureux, enfant inquiet

Parce qu'ils sont des dieux du stade, on croit souvent les athlètes professionnels à l'abri de tous les tracas de la vie.

C'est peut-être vrai pour quelques-uns, mais pas pour une très grande majorité d'entre eux. Et certainement pas vrai pour Plekanec.

Il refuse de se servir de ça comme excuse, parce que ce n'est pas son genre de brandir des excuses. Mais Plekanec est papa d'un premier enfant depuis cinq semaines. Un petit «tchéquo-québécois» que son épouse, la chanteuse populaire Lucie Vondrackova, et lui ont nommé Matyas. Si la mère et le bébé se portent bien, les nuits sont parfois courtes. Le crucial temps de récupération est aussi souvent perturbé chez les Plekanec ces temps-ci.

«Tout le monde vit ça», m'a lancé Plekanec la semaine dernière en refusant d'en rendre responsable ses ennuis, ne serait-ce qu'une petite partie.

On veut bien.

Mais le fier papa est aussi un enfant inquiet. Parce que son père souffre d'un dérèglement sanguin qui le confine à la maison, à Kladno, en République tchèque, Plekanec n'a pas encore eu le plaisir de glisser son fils entre les bras de ses parents devenus grands-parents.

«Si tout va bien, ils viendront dans quelques semaines. Mais là encore, ce ne sont que des excuses. Et les excuses, ce n'est pas pour moi.»

Photo: Bernard Brault, La Presse

Tomas Plekanec ne se plaint pas même s'il tarde à se mettre en marche en attaque.