Julien Trudeau est mort le 27 mai dernier. Une mort sportive: il s'est incliné au premier trou de prolongation du concours Big Break Ireland, une téléréalité orchestrée par la chaîne sportive Golfchannel.

Bien vivant pour parler de cette mort, Julien Trudeau reconnaît qu'elle lui a fait mal. Non, très mal! Et comme s'il n'avait pas déjà assez souffert, Trudeau s'apprêtait à la revivre lorsque La Presse l'a joint en fin d'après-midi, hier, à quelques heures de la diffusion du 10e et dernier épisode de la série gravitant autour d'un tournoi de golf.

«Ça va être tough», a-t-il reconnu sans la moindre hésitation.

«Mes parents, les membres de ma famille, tous mes amis croient dur comme fer que je vais gagner. Les messages défilent depuis quelques jours et personne ne sait ce qui est sur le point d'arriver. La seule personne au monde à qui j'aurais pu le dire est mon frère. Je n'ai pas été capable de lui dire. Le téléphone va sonner ce soir et ce ne sera pas la fête, c'est certain.»

Julien Trudeau a regardé l'émission. Il y tenait. «Je ne me souviens pas de ce que j'ai dit pendant et après la compétition. C'était tellement intense. Ça va faire mal. Mais ça fait six mois que je vis mon deuil. Que je me prépare. J'espère pouvoir tourner la page ce soir.»

Un tremplin vers la PGA

Ce n'est pas une soudaine soif de popularité qui a poussé Julien Trudeau à poser sa candidature au concours organisé par Golfchannel. C'est plutôt la recherche d'un tremplin susceptible de le propulser vers le circuit professionnel de la PGA. Un tremplin dont il avait besoin pour réaliser le rêve qu'il caresse depuis toujours. Un tremplin qui a cassé lorsque l'Irlandais Mark Murphy l'a assommé après un enlevant duel qui s'est prolongé pendant 19 trous sur les allées du célèbre parcours K-Club en Irlande, le printemps dernier.

«Je n'ai pas le droit de te dire comment ça va se passer. Mais c'est difficile de passer si près et de se retrouver les mains vides ou presque», convient Trudeau en laissant filer un long soupir.

Surtout que ce n'est pas la première fois que le Montréalais de 30 ans voit les portes de la PGA se fermer sur son nez.

Il y a deux ans, il est passé à un coup d'obtenir sa carte d'accès au circuit de la PGA. La déception passée, il s'est consolé en mettant le cap sur le circuit Nationwide, la ligue américaine de la PGA pour dresser une analogie avec le hockey et la LNH.

L'expérience a été désastreuse: des 18 tournois auxquels il a pris part, Trudeau n'a accédé que deux fois aux rondes finales. Au lieu d'amasser l'argent nécessaire pour s'attaquer une fois encore à la PGA, il s'est retrouvé les mains vides et la confiance fragilisée.

«Ça coûte très cher l'école de qualification. Ça tourne autour de 10 000 $ pour l'inscription, les dépenses et les voyages. Je n'ai pas cet argent. En gagnant Big Break, j'aurais empoché 50 000 $. J'aurais pu me consacrer entièrement à l'entraînement. Retenter ma chance sur la PGA. Mais là...»

Du hockey au golf...

Julien Trudeau avait 6 ans lorsque ses parents ont quitté Saint-Lambert pour aller s'établir à Phoenix en plein désert de l'Arizona. Loin du hockey et de ses amis de la Rive-Sud, il a découvert le golf. Ce sport lui a ouvert les portes de l'Université Wichita State au Kansas. Il lui a permis de s'élancer sur plusieurs des plus beaux parcours du monde et de prendre part à la populaire série Big Break.

Bien qu'il ait dû se contenter de la deuxième place, il est faux de dire qu'il soit rentré d'Irlande les mains vides. Car, c'est au bras de Mallory Blackwelder, l'une des trois finalistes, que Julien Trudeau se retrouve aujourd'hui en Floride.

«Je me retrouve surtout avec son sac sur l'épaule, car je lui sers de cadet en ce moment», réplique Trudeau en riant.

Un cadet qui est fort occupé, puisque sa compagne se prépare à prendre part aux qualifications en vue de la prochaine saison du circuit féminin de la LPGA, à Daytona, la semaine prochaine.

Le nouveau couple revivra en partie l'expérience irlandaise du printemps dernier. Car, le grand gagnant, Mark Murphy, servira de cadet à une autre compétitrice, Whitney Wright, qui tentera sa chance la semaine prochaine, tout comme une autre rivale, Nicole Smith.

«Il y a eu des frictions normales dans le cadre des compétitions. Mais on a développé des liens étroits. Après ma défaite, j'ai passé une semaine avec Mark et sa famille à Waterville, en Irlande. On a bu quelques bières. On a joué au golf. J'ai hâte de le revoir. On se fera un souper en Floride pour revivre tout ça, les cinq ensemble.»

Pendant que les golfeurs amateurs du Québec rangent leur équipement en espérant que l'hiver sera doux et vite passé, Julien Trudeau regarde son sac en songeant à l'avenir. Un avenir plus sombre ce matin que s'il avait célébré la victoire hier soir. «Je vais chercher des commanditaires. M'accrocher à mon rêve. Si ça ne fonctionne pas, je pourrai toujours me recycler en cadet.»

Photo: Mark Ashman, GolfChannel, collaboration spéciale

Justin Trudeau a frappé aux portes de la PGA. Il devra se reprendre.