L'un des premiers gestes posés par Jacques Martin lorsqu'il est débarqué à Ottawa en janvier 1995 a été de raser la moustache qui le caractérisait. Après cinq saisons à titre d'adjoint avec des Nordiques de Québec devenus Avalanche du Colorado, Martin voulait faire peau neuve en tant qu'entraîneur-chef.

Quinze ans plus tard, Paul MacLean n'a pas la moindre intention d'imiter Jacques Martin. Du moins en ce qui a trait à sa métamorphose.

«J'espère obtenir autant de succès que Jacques derrière le banc de cette équipe et y demeurer le plus longtemps possible. Quant à la moustache, elle est là depuis toujours et elle le sera pour toujours», a lancé en riant le neuvième entraîneur-chef de l'histoire des Sénateurs.

Depuis le congédiement de Jacques Martin au printemps 2004, les Sénateurs ont fait cinq changements d'entraîneurs. Bryan Murray, qui s'est retrouvé deux fois derrière le banc au cours de cette période, espère que sa dernière embauche sera la bonne. «Cette fois, il faut que ça fonctionne. Nous avons un bon noyau, de bons vétérans et d'excellents jeunes qui poussent. Ils ont besoin de stabilité derrière le banc pour se développer», a reconnu le directeur général des Sénateurs.

De chaperon à patron

Seul le temps confirmera si MacLean, qui obtient sa première chance à titre d'entraîneur-chef dans la LNH, assurera la stabilité recherchée. Une chose est certaine, il profitera de la patience de son patron. Et il jouit déjà de l'appui de ses joueurs.

«Paul tranche avec Cory Clouston - congédié à la fin de la dernière saison - en matière d'approche et de personnalité. Il est très ouvert, il échange avec tous les gars et il tisse des liens depuis le début du camp tout en s'assurant d'afficher la rigidité associée à son poste», a expliqué le vétéran défenseur Chris Phillips après l'entraînement matinal d'hier.

Après huit saisons à titre d'adjoint - deux à Anaheim où il a travaillé pour Bryan Murray -, dont les six dernières aux côtés de Mike Babcock à Detroit, Paul MacLean est conscient de l'importance de faire la transition entre les rôles d'adjoint et de patron. Il n'est plus le confident des joueurs qui ont des choses à reprocher à leur entraîneur. C'est maintenant lui qui leur fait la vie dure de temps en temps.

«Passer d'un rôle d'adjoint à celui d'entraîneur-chef au sein d'une même équipe serait certainement ardu. Mais je n'entrevois pas de problème à le faire avec une nouvelle équipe. Je vais d'ailleurs tenter de rester le plus près possible de ce que j'étais à titre d'adjoint en matière de communication et de liens avec les joueurs. Mais quand j'aurai des messages à passer, ils passeront. Qu'ils soient positifs ou non.»

Même s'il n'était pas accroché au téléphone en attente d'une proposition pour devenir entraîneur-chef, Paul MacLean espérait ce coup de fil. Lorsqu'il l'a reçu, il n'a pas hésité une seconde, même s'il héritait d'une équipe jeune en difficulté et qu'il laissait derrière une des forces de la LNH, les Red Wings de Detroit, et l'un des as de la profession, Mike Babcock.

«Il n'y a que 30 postes disponibles. Quand on a l'occasion d'en obtenir un, c'est impossible de le laisser passer...»

Muller rencontré

Après des expériences courtes et désolantes avec John Paddock et Craig Hartsburg et une autre plus longue, mais pas beaucoup plus concluante avec Cory Clouston, Bryan Murray a pris tout son temps avant de donner l'emploi à Paul MacLean. Il a courtisé huit candidats. Six l'ont rencontré dans le cadre d'entrevues plus étoffées. Kirk Muller était du nombre.

Au-delà des considérations techniques, Murray recherchait un bon communicateur. Une qualité que ses trois derniers entraîneurs étaient loin d'afficher.

«John (Paddock) était mon adjoint quand j'étais derrière le banc. Il méritait d'obtenir la chance que je lui ai donnée. Ça n'a pas fonctionné. Craig Hartsburgh ne s'est pas révélé le gars que je croyais qu'il serait. Quant à Cory, il s'est retrouvé avec des vétérans pas toujours commodes à diriger. Au lieu de mettre des gars comme Kovalev de son côté, il s'est placé en situation d'opposition. Ça compliquait beaucoup son travail», a admis Murray bien candidement.

«Communiquer ne veut pas seulement dire parler. Il y a beaucoup d'écoute à faire. Il faut écouter les joueurs pour obtenir leur respect. Se ranger parfois derrière leurs suggestions quitte à revenir au plan initial si ça ne fonctionne pas. Il faut avoir un bon mélange de confiance en soi, d'expérience et d'ouverture d'esprit pour réussir dans ce job. Ce mélange, je l'ai trouvé en Paul MacLean», a assuré le DG des Sénateurs lors d'un entretien dans les gradins de la Place Banque Scotia.

Bien qu'il soit fraîchement débarqué à Ottawa, MacLean réalise pleinement l'ampleur du défi qui se dresse devant lui, alors que les Sénateurs ont été exclus des séries deux fois dans les trois dernières années.

«Les partisans veulent encourager une équipe qui gagne. C'est normal. Et je n'en reviens pas de la passion qu'ils affichent. Detroit est surnommée Hockeytown, mais les vraies villes de hockey, c'est au Canada qu'elles se trouvent. Je m'en rends compte avec les réactions des partisans, qui m'apostrophent lorsqu'ils me croisent dans la rue. Il faut dire qu'avec ma moustache, je suis facile à reconnaître!»

Si jamais les succès ne sont pas au rendez-vous, MacLean pourra toujours la raser afin de passer incognito...