Soyez honnêtes: combien d'entre vous savaient qui était Brendan Gallagher avant que le Canadien ne le repêche en cinquième ronde (147e sélection) à Los Angeles en 2010?

Combien d'autres ont poussé un long soupir de dépit lorsqu'ils ont réalisé que leur club venait de mettre la main sur un autre ailier haut comme trois pommes? Que ses 5'7'' et 174 livres jetaient beaucoup d'ombre sur ses 41 buts et 81 points récoltés en 72 matchs avec les Giants de Vancouver dans la Ligue de l'Ouest?

Vous n'avez pas à rougir, car vous étiez très nombreux au sein de ce groupe.

Deux ans plus tard, la situation est inversée. Totalement! Tout partisan du Canadien qui se respecte connaît non seulement Gallagher, mais souhaite qu'on lui fasse une place au sein de la formation dès cette année.

S'il avait marqué en milieu de deuxième période hier au lieu de frapper le poteau à la droite de Tuukka Rask, la grande vedette du camp aurait eu droit à ses premiers «Gallagher! Gallagher! Gallagher!»

Âgé de 19 ans seulement, donc obligé de retourner dans les rangs juniors si le Canadien ne lui ouvre pas les portes de son vestiaire, Gallagher n'est pourtant pas plus grand et à peine plus lourd qu'il ne l'était lors de sa sélection bien obscure en 2010.

Pourquoi cette volte-face?

Parce que Gallagher est, pour le moment, le meilleur joueur du Canadien. Pas le meilleur espoir. Le meilleur, point!

Bien qu'il n'affichait qu'une passe avant d'affronter les Bruins hier, Gallagher a été au centre de presque toutes les poussées dangereuses du Tricolore lorsqu'il était en uniforme. Il est aussi au centre des commentaires élogieux qui résonnent dans le vestiaire. Des commentaires repris par l'entraîneur-chef Jacques Martin et son patron Pierre Gauthier.

Un beau risque?

À elles seules, les performances de Gallagher militent amplement en faveur d'un début de saison avec le grand club. En ajoutant les blessures qui se multiplient au point d'inquiéter le plus optimiste des partisans, on se demande comment le Canadien pourrait se passer d'un joueur aussi bon, peu importe son âge, sa taille, son inexpérience.

Mais attention! Les noms de Guillaume Latendresse et Mike Ribeiro vous rappellent-ils quelque chose?

Portés par une vague de passion semblable à celle dont profite Gallagher cette année, Latendresse et Ribeiro sont les derniers attaquants à avoir fait directement le saut des rangs juniors à la LNH avec le Tricolore. Ces expériences sont loin d'avoir servi la cause du Canadien, puisque Ribeiro a quitté Montréal en disgrâce avant d'éclore à Dallas et que Latendresse n'a jamais été en mesure de répondre aux attentes.

Les expériences négatives de Ribeiro et Latendresse ne signifient pas que Gallagher en sera victime lui aussi. Ça non! Elles invitent toutefois à un brin de prudence. Le genre de prudence qu'on écarte souvent du revers de la main lorsque la passion prend le dessus.

Pour offrir son plein rendement, Gallagher doit évoluer au sein des six premiers attaquants. Il l'a clairement démontré en matchs préparatoires. Il est toutefois utopique de croire qu'il puisse chasser Gionta, Cammalleri, Cole ou Pacioretty dès cet automne.

Gallagher pourrait aussi compléter un troisième trio pourvu que ce trio ne se voie pas confier strictement des missions défensives. On gaspillerait alors un immense talent. Avec Lars Eller ou David Desharnais au centre et Andrei Kostitsyn sur l'autre aile, Gallagher pourrait permettre au Canadien de compter sur ce genre de troisième trio capable de remplir des missions offensives.

Quant au quatrième trio, de grâce: oubliez ça!

Neuf matchs

Le Canadien n'a pas la réputation de prendre des risques avec ses jeunes. Au contraire! Le directeur général Pierre Gauthier n'est pas du genre non plus à faire des paris dangereux avec l'avenir de son club. Il l'a démontré hier en retournant Nathan Beaulieu, son premier choix l'été dernier, dans les rangs juniors d'où il ressortira encore meilleur qu'il ne l'est déjà.

Brendan Gallagher sortirait-il lui aussi grandi d'une année supplémentaire dans les rangs juniors? Sans doute.

Mais est-il déjà assez bon pour aider la cause du grand club? Jusqu'à maintenant, la réponse est oui.

Qu'est-ce qu'on fait alors?

On prolonge l'expérience le plus longtemps possible. Comme l'expliquait l'ancien capitaine du Canadien Vincent Damphousse qui a aidé à élaborer la dernière convention collective des joueurs de la LNH, Gallagher devra signer un contrat avec le Canadien avant le 2 octobre si Pierre Gauthier veut prolonger son camp.

Une fois le contrat signé, le Canadien pourrait donner un essai au jeune homme en début de saison. Si l'essai est concluant, on le garde à Montréal. Si des doutes s'installent, on le retourne à son club junior avant qu'il n'ait disputé une 10e partie. Pourquoi 10 matchs?

Parce que si Gallagher atteint ce plateau, une année complète sera comptabilisée dans sa quête d'un statut de joueur autonome sans restriction.

Un pensez-y-bien dans une LNH où les préoccupations économiques sont presque aussi importantes que les résultats sur la glace. Mais voilà: Gallagher mérite de voir ses efforts et ses performances récompensés.

Que fera le Canadien? Pierre Gauthier n'en a pas soufflé mot. La logique veut qu'il cède Gallagher à son équipe junior. D'ici là, il aurait avantage à prolonger l'expérience le plus longtemps possible.

Photo: Hugo-Sébastien Aubert, La Presse

Brendan Gallagher, la surprise du camp du Canadien.