Juste au moment où Robert Poëti commençait à prendre ses aises aux Transports, à maîtriser ses dossiers, à voir plus loin que le réseau routier... woupe, on le remplace par un autre.

Dur, dur sur le plan personnel, on s'en doute. Mais dur, dur aussi sur le plan politique. Car voilà un ministère dont les projets sont continuellement reportés, pelletés par en avant, remis d'année en année, pour une raison toujours meilleure que la précédente.

La nomination de Jacques Daoust est peut-être une bonne décision, on verra. Mais elle repoussera à plus tard tout ce que son prédécesseur a enclenché, le train léger sur Champlain, le train de l'Ouest, le prolongement de la ligne bleue, la réorganisation de la gouvernance, la révision du Code de la route, la réflexion sur Uber, etc.

On me dira que les fonctionnaires sont là pour assurer la continuité des dossiers. C'est vrai... à moitié.

Un remaniement oblige la fonction publique à marcher au ralenti. Elle impose un changement complet du cabinet. Et elle force tous les acteurs impliqués à prendre une pause le temps de rencontrer le nouveau titulaire, de saisir ses priorités, de recevoir l'assurance que leurs projets ont toujours la cote au gouvernement.

Ce n'est pas bien grave de changer le responsable de la région, on s'entend. Martin Coiteux va simplement faire le lien entre la métropole et un conseil des ministres qui est formé d'une majorité de députés du Grand Montréal (17 sur 29).

Mais le ministre des Transports, lui, a de gros projets, des budgets, des priorités... qui peuvent tous être révisés.

D'ailleurs, on ne parle plus du « ministère des Transports », mais bien du « ministère des Transports, de la Mobilité durable et de l'Électrification des transports ».

Or si on change le nom du ministère, c'est qu'on précise son mandat. Si on précise son mandat, c'est que certaines choses changeront.

Du coup, ce n'est pas juste le papier à en-tête qu'on revoit. C'est la tête du ministère, sa mission, son titulaire, qui voudra imprimer sa marque. Comme ses prédécesseurs.

Rappelez-vous les débuts de Robert Poëti. Son chef voulait qu'il travaille en priorité sur l'extension de la ligne orange de Côte-Vertu à Laval ! Puis une fois revenu au prolongement de la bleue, il s'est mis à proposer toute sorte d'idées étranges.

Il a d'abord voulu un prolongement « en surface », un métro qui sort de terre, genre. Il a ensuite proposé un train « à 12, 18 ou 20 pieds dans les airs », sorte de monorail qui aurait « sauté les intersections ». Pour finalement conclure que l'avenir était dans le « tram-train »...

Pierre Moreau a fait la même chose quand il a pris les rênes des Transports, en 2011. Il a lancé quelques idées originales, comme un service de bateau-bus pour se rendre sur la Rive-Sud, ou encore des télécabines suspendues au-dessus du fleuve.

Comme si chaque ministre passait par une phase d'exploration, comme si on voulait chaque fois réinventer la roue, comme si on pouvait se permettre de recommencer à zéro à chaque remaniement, chaque élection, réorganisation, réforme...

Toutes les excuses sont bonnes, en effet ! Seulement ces dernières années, il y a eu la réorganisation du ministère des Transports, qui a été fusionné avec les Affaires municipales par les péquistes, puis défusionné par les libéraux (même si la synergie était plus prometteuse que ce curieux « ministère de l'Intérieur »).

Il y a eu la réforme de la gouvernance, pour laquelle un projet de loi a été déposé après des années de réflexion (on devine le dynamisme de l'AMT qui sait ses jours comptés).

Et il y a la réorganisation en cours du financement des infrastructures, provoqué par l'élection de Justin Trudeau. Une raison de plus pour repousser les grands projets, qui doivent désormais attendre les détails du plan fédéral (pas de décision sur la ligne bleue en 2016, vous l'aurez lu ici en premier).

Qu'on ne se surprenne pas ensuite qu'il n'y ait actuellement aucun projet de transport en commun lourd approuvé dans la région de Montréal. AUCUN.

Philippe Couillard a dit hier que le remaniement permettait au Québec d'avancer. Peut-être. Mais aux Transports, comme disent les chauffeurs de bus, on risque d'avancer par en arrière.