Il a très peu dormi ces derniers jours, presque pas la nuit dernière si on se fie aux cernes sous ses yeux. Et pourtant, Nicolas Hulot est au Bourget, tôt ce matin, attablé chez Paul, une boulangerie «authentique» avec façade tout ce qu'il y a de moins authentique.

Coup de fil. Petit meeting. Autre coup de fil. Puis il part en coup de vent, suivi d'une caméra qui semble épier tous ses mouvements. Il traverse les «Champs-Élysées», un corridor ponctué d'animaux colorés en plastique biodégradable, puis il s'engouffre dans le «Hall 4».

Une rencontre. Puis une autre. Et une autre encore. Il change chaque fois de table. Il se lève enfin, enfile son paletot gris, ajuste le foulard qui tient lieu de cravate à cet «envoyé spécial du président de la République».

Vous êtes fatigué, je lui demande? Il me regarde dans les yeux: «Non. Je suis crevé!», souffle-t-il.

Puis il me prend le bras et lance avec beaucoup de conviction: «Mais vous savez, c'est bien qu'on soit tous crevés, ici. Ça veut dire qu'on a bien travaillé».

C'est un sentiment partagé par bon nombre des délégués, dans les couloirs de la Conférence sur le climat, alors que la fin approche, on le sent bien. Les délégués font des siestes à relais en se passant le dernier brouillon de l'accord, en ajoutant des précisions et des ratures.

La bonne nouvelle: il n'y a pas eu de claquage de porte pour l'instant...

«Vous savez, que 195 pays soient toujours autour de la table au bout de 12 jours, c'est déjà un miracle! Ça démontre une volonté d'agir, lance Nicolas Hulot, alors que les micros des confrères se multiplient autour de lui. J'espère juste qu'elle se maintiendra...»

C'est aujourd'hui qu'on saura si ça passe ou ça casse, peut-être demain. Le président de la COP, Laurent Fabius, a promis en matinée (3h30 du matin, à Montréal) un texte définitif. Puis ce sera la délibération à la sauce onusienne, sur la base du consensus, du donnant-donnant, du «je lâche ceci et toi cela».

Tout est donc encore possible au moment de mettre sous presse... d'un côté comme de l'autre. «J'ai espoir, lâche l'ancien animateur de la populaire émission Ushuaïa Nature. Il est important que les débats ne se traduisent pas en un texte au rabais, il faut garder espoir. Pas un espoir minimum, un espoir ambitieux!»

Et c'est encore possible, car plusieurs avancées sont toujours dans le texte. Les écolos sont déçus de la disparition d'un prix carbone et des objectifs de réduction des gaz à effet de serre. Mais au moins, le montant «plancher» de 100 milliards pour l'adaptation des pays les plus vulnérables est dans le projet d'accord. Même chose pour le maintien d'une cible de réchauffement maximal de 2 degrés, avec possibilité de l'amener à 1,5 degré.

Des éléments significatifs qui n'ont pas encore disparu du texte... par chance? «La chance est là, oui, admet Nicolas Hulot. Mais il ne faut pas que ce soit de la chance, justement, il faut que ce soit du courage.»

Laurent Fabius est très optimiste, en tout cas. En marge d'un point de presse rapide avec Ban Ki-moon, hier, on lui a demandé ce qui bloquait. Il a fait de grands signes de bras pour signifier qu'il ne pouvait parler, pour enfin lancer: «On va vers le succès... Voilà!»

L'objectif, bien sûr, est d'adopter un texte qui se transformera en Accord de Paris (les mots «traité» et «protocole» sont jugés trop contraignants). Un accord, donc, qui remplacera le protocole de Kyoto en 2020... et qui exorcisera enfin le fantôme de Copenhague, qui hante les négociations depuis l'échec de 2009.

«Nous avons subi une désillusion extraordinaire à Copenhague, admet Nicolas Hulot. Nous avons sous-estimé la difficulté de partir d'un diagnostic clair pour déboucher sur un traitement. Et donc nous n'avons pu donner suite à Kyoto, qui était une fraction de ce qu'il fallait faire. Il est donc temps de prendre le relais, ici à Paris.»