Je viens d'inscrire mon fils à l'école secondaire. Publique.

Non, je ne vous ferai pas le coup du parent vertueux qui a choisi le réseau public par conviction. Je vous mentirais.

C'est fiston, après avoir fait le tour des possibilités, qui a opté pour l'école de quartier plutôt que l'école privée. C'est elle qui a suscité en lui un véritable enthousiasme, ce que je serais bien fou d'ignorer.

Néanmoins, je suis inquiet. Je l'avoue.

Je note certaines réactions consternées autour de moi quand j'annonce où mon fils ira au secondaire. Je regarde les profs en grève et je m'attarde à leurs demandes. Je vois la baisse des investissements. Je lis sur l'augmentation du nombre d'élèves par groupe, l'intégration des enfants en difficulté, l'abolition de postes de professionnels.

Et je constate, hélas, que le ministre de l'Éducation ne joue pas son rôle de grand défenseur du réseau public. Ce qui m'inquiète.

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Mon collègue Francis Vailles a fait état hier du débat de chiffres sur les investissements qui secoue le monde de l'éducation. Un débat fascinant et nécessaire.

Mais, disons-le, pour un parent qui choisit l'école publique, savoir qu'on a dépensé 3 % de plus ou de moins que la croissance de l'économie ne change pas grand-chose.

Ce qui importe, c'est la confiance que suscite le réseau public. C'est l'attention que lui porte le gouvernement. C'est l'appui indéfectible que lui accorde le ministre de l'Éducation.

Or, le message du gouvernement Couillard, c'est que la priorité va à l'équilibre budgétaire. Et qu'à la lumière de ce sacro-saint objectif, toutes les missions de l'État se valent : la faune, l'agriculture, le tourisme. Et l'éducation.

Tous ces ministères ont droit aux mêmes coupes paramétriques. Une décision fort douteuse dont le ministre François Blais se fait le défenseur, plutôt que de porter l'école publique à bout de bras.

« Il ne faut pas dépenser n'importe comment, reconnaît Égide Royer, professeur à la faculté des sciences de l'éducation de l'Université Laval. Mais il faut encore moins couper n'importe comment, ce qu'on fait avec les compressions paramétriques, sinon on affecte les plus vulnérables en réduisant ce qui n'est pas protégé, comme l'orthopédagogie et les services aux élèves en difficulté. »

« Quand on va reparler dans 15 ans aux jeunes qui sont aujourd'hui à l'école, certains vont se rappeler qu'en 1re année, alors qu'ils avaient des problèmes de lecture, il n'y avait pas d'orthopédagogie dans leur école parce que ça avait été coupé. Donc, cette période de compressions, elle va avoir affecté la vie de ces jeunes-là, dont certains auront peut-être décroché faute de soutien. »

Le ministre Blais ne cache pas qu'il y a de grands besoins dans le réseau, c'est au moins ça. Mais il estime qu'il serait « maladroit » de réinvestir dès maintenant dans le soutien aux élèves en difficulté compte tenu du contexte budgétaire.

Autrement dit, il faut équilibrer le budget vite, vite, vite. Et au diable la cohorte d'élèves qu'on sacrifie en chemin...

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L'important n'est pas ce qu'on dit, mais ce qu'on entend. Et ce qu'entendent les parents par les temps qui courent, c'est que l'école publique, déjà mal en point, devra subir les mêmes compressions uniformes que tout le monde. Comme si tout se valait.

Or, ce message, il est plus dommageable à long terme que les coupes elles-mêmes. Surtout lorsqu'il est colporté par celui qui est censé défendre l'éducation publique sur toutes les tribunes.

« Vu de l'extérieur, on ne peut pas dire que François Blais est un grand défenseur de l'éducation, estime Égide Royer. Surtout pas si on le compare à Jacques-Yvan Morin ou Claude Ryan. »

Et Égide Royer en sait quelque chose. Il était justement employé du ministère de l'Éducation à la fin des années 80, alors que Claude Ryan était aux commandes. « Je peux vous dire qu'on sentait le leadership venir d'en haut. On sentait qu'on traitait l'éducation comme un élément fondamental du devenir de la société. »

Comme on l'a vu en Ontario au début des années 2000, alors que le premier ministre Dalton McGuinty lui-même s'était chargé de l'Éducation, ce qui a tout changé. Comme on l'a vu en Alberta aussi, hier, alors que le gouvernement Notley a déposé un budget déficitaire sous le signe des compressions... sauf en éducation.

Voilà le message, comme parent, que j'aurais aimé entendre ici : les compressions sont parfois obligatoires comme outil de redressement fiscal, oui, mais elles ne constituent pas pour autant un projet de société qui supplante tout le reste.

Ce gouvernement se soucie beaucoup du signal qu'il envoie au marché. Il devrait aussi se préoccuper du signal qu'il envoie aux parents.