La Ville de Montréal a aménagé une nouvelle piste cyclable sur le boulevard Saint-Laurent... mais sa conception était si dangereuse qu'elle a dû la reconstruire aussitôt! Une bévue qui prouve qu'on traite le réseau cyclable avec moins de sérieux que le réseau routier, selon François Cardinal. Montez sur votre vélo: notre chroniqueur vous invite à faire une tournée des aberrations du réseau cyclable de la métropole...

Montréal, première ville cyclable en Amérique du Nord...

Entre vous et moi, ça en dit plus sur le retard des autres que sur l'exemplarité de Montréal. Car si on est peut-être capable du meilleur en comparaison de ces villes qui abordent le vélo comme un jouet du dimanche, on est aussi capable du pire. À répétition.

Prenez cette nouvelle piste cyclable sur le boulevard Saint-Laurent. Le meilleur, c'est d'avoir implanté un large tronçon pour vélo dans le but de sécuriser le viaduc Van Horne. Le pire, c'est la conception complètement déficiente de cet aménagement doté d'un virage en épingle à 90 degrés dans lequel s'embourbent les cyclistes.

Résultat: le secteur est encore plus dangereux! Ce qui oblige la Ville à refaire les travaux avant même de les avoir terminés.

Prenez aussi ce nouvel aménagement dans le secteur Vendôme. Le meilleur, c'est cette piste qui comble enfin le vide cyclable qu'on retrouvait sur le tronçon ouest du boulevard De Maisonneuve. Le pire, c'est cet escalier au beau milieu de la piste cyclable qui contourne le CUSM, un peu plus au sud.

Un escalier! Pour cyclistes! Heureusement que l'hôpital est à côté...

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Jamais on ne traiterait le réseau routier comme on traite le réseau cyclable. Jamais on n'imposerait aux automobilistes les contraintes et les aménagements déficients que doivent se taper les cyclistes.

Chaque cycliste a d'ailleurs son top 10 des aberrations qui le font sacrer. Dans le mien, on retrouve la piste en gravier qui empoussière les cyclistes sur des Carrières, le tunnel Saint-Rémi qu'on doit traverser à pied et cette piste qui s'arrête brusquement à la sortie du pont Jacques-Cartier...

On y retrouve aussi l'avenue Laurier, des deux bords. À l'ouest, parce qu'il n'y a rien pour se raccorder au chemin de la Côte-Sainte-Catherine. Et à l'est, parce que la piste en sens contraire est un danger pour les cyclistes qui se retrouvent face à face avec les automobilistes dès qu'ils doivent contourner un camion garé en double.

Certains adeptes du vélo disputeront mon choix, mais j'ajoute dans le lot la piste Notre-Dame dans l'est, qui est très jolie mais peu pratique pour la navette quotidienne. Et Maisonneuve au centre-ville, qui est très pratique, mais dangereuse quand on croise une voiture qui tourne à gauche.

Enfin, une marotte personnelle: le pont Victoria. Dès qu'il y a un bateau, et il y en a à tout bout de champ, on ferme les grilles et on oblige les cyclistes à attendre... plus d'une trentaine de minutes!

C'est vrai qu'on fait aussi patienter les automobilistes sur la rue Bridge quand un train passe, mais peut-on imaginer une attente de 40 minutes? Jamais.

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Le lien entre toutes ces aberrations, il se trouve dans le peu de volonté des administrations successives de s'occuper sérieusement des cyclistes, malgré leur nombre. Comme si les maires s'étaient dit que le réseau était meilleur qu'ailleurs, donc à quoi bon?

Pierre Bourque n'a rien fait. Gérald Tremblay s'y est mis, mais n'a pas honoré ses promesses. Et Denis Coderre... eh bien, faudra voir.

Sa première année a été décevante, lui qui a ajouté une trentaine de kilomètres au réseau plutôt que les 50 promis, comme Gérald Tremblay en son temps. Mais au moins, le maire Coderre a le courage d'avouer qu'il n'en a pas fait assez.

«Je vous le dis en toute transparence, je ne suis pas satisfait», a-t-il convenu récemment. Un geste de bonne volonté qui lui impose une pression supplémentaire pour la suite.

Bien hâte de voir cette voie nord-sud que l'on promet sur Saint-Denis à l'heure de pointe. Bien hâte de voir les «vélorues», ces tronçons que l'on reporte à l'an prochain qui donneront la priorité aux cyclistes.

Bien hâte de voir, surtout, si on inclura de plus en plus les vélos dans les aménagements routiers. Car sur ce point, ce n'est pas gagné. Je pense au boulevard Laurentien, dans Cartierville, et au boulevard urbain Bonaventure.

Montréal est une ville de vélo, sans conteste. Elle a fait des pas de géant en 20 ans. Elle fait mieux qu'à peu près toutes les villes en Amérique du Nord. Et elle possède une véritable culture cycliste. Mais c'est précisément parce que Montréal est dans une ligue à part qu'il importe d'en faire plus. C'est parce que le vélo fait partie de l'ADN de Montréal que la Ville doit prendre son réseau davantage au sérieux.

Le top 10 de François Cardinal

1) La sortie du pont Jacques-Cartier

Quand vous arrivez à Montréal par le pont Jacques-Cartier et que vous roulez vers l'ouest, vous empruntez une piste cyclable qui longe la rue des Confiseurs et qui remonte Papineau sur quelques mètres. Puis, au coin de la rue La Fontaine... plus rien. Le réseau vous abandonne. Bonne chance!

2) L'escalier «cyclable» du CUSM

J'imagine l'ingénieur du CUSM qui s'est dit, tiens, construisons un escalier ici, en plein milieu de la piste cyclable. Les gens adoreront descendre de leur vélo pour monter et descendre les marches! Après tout, les escaliers, c'est bon pour la santé! Et en cas de pépin, les médecins ne sont pas loin...

3) Laurier Est

Qu'on ait pris la peine d'aménager une piste cyclable dans le Petit Laurier, je m'en réjouis. Mais j'avoue que la portion nord, qui permet aux cyclistes de rouler dans le sens contraire de la circulation, je ne comprends pas. Il suffit qu'un camion se gare en double, et ça arrive tout le temps, pour que les cyclistes soient déportés... au beau milieu de la circulation automobile. Bonjour le face-à-face!

4) Laurier Ouest

Le lobbyisme des commerçants a beau être illégal, il semble porter ses fruits sur l'avenue Laurier. Il n'y a toujours pas de lien cyclable qui relie le Plateau à l'autoroute cyclable du chemin de la Côte-Sainte-Catherine. Vous pouvez rouler sur Laurier de Papineau jusqu'à Saint-Urbain, mais bonne chance pour la suite. Il y a de la place pour de gigantesques pots de fleurs sur la rue, mais pas pour les cyclistes...

5) La piste des Carrières

Voilà l'exemple type d'une piste conçue pour un usage récréatif... qui n'a pas évolué depuis sa création il y a 25 ans (en partie à cause de son propriétaire, le CP). Plus il y a de cyclistes et de joggeurs sur cette piste en gravier, plus il y a de poussière, plus le déplacement est désagréable. Quand je l'emprunte, j'ai toujours une pensée pour les bébés en poussette dont la tête se trouve dans le nuage de poussière...

6) Le pont Victoria

J'évite toujours le passage cyclable qui relie le parc Jean-Drapeau à la Rive-Sud. Toujours. Car dès que passe un bateau, et c'est de plus en plus le cas, on ferme les grilles et on oblige les cyclistes à attendre environ 40 minutes. Et ne parlons pas de l'hiver, alors que le passage est carrément condamné. Un trou noir du réseau cyclable.

7) La piste Notre-Dame

La piste qui longe Notre-Dame de Viau à Iberville est longue et belle. Elle est parfaite pour une sortie pépère du dimanche... mais certainement pas pour la navette quotidienne! La piste dessinée dans les années 80 serpente, louvoie, monte, descend, contourne les parcs et les arbres. Et avec tout ça, on arrive en retard à son rendez-vous...

8) La piste Maisonneuve

Je suis le premier à féliciter la Ville pour cette piste en plein centre-ville. Elle est bien située, très populaire, hyper pratique. Mais elle est aussi dangereuse, hélas. Le problème se pose quand un cycliste roule vers l'ouest et croise une voiture qui tourne à gauche: il n'est jamais trop certain d'avoir été vu. Risqué.

9) Le tunnel Saint-Rémi

Ce n'est pas le lieu le plus passant, j'en conviens. Mais ce tunnel qui passe sous le canal de Lachine dans le Sud-Ouest ne le deviendra jamais s'il demeure aussi glauque et peu invitant, entre autres pour les cyclistes. Une pancarte nous oblige à descendre du vélo et à nous engager dans cette longue et interminable grotte non éclairée, à pied. Oubliez ça.

10) La rue Girouard

La piste cyclable de la rue Girouard est très pratique, dans NDG. Elle permet de rouler du chemin de la Côte-Saint-Luc jusqu'à la rue Sherbrooke... mais ne vous aventurez pas plus au sud! La piste arrête brusquement au viaduc, puis si vous traversez quand même, vous vous retrouvez sur Upper-Lachine, dans un autre grand trou noir cyclable...