Je ne veux pas me vanter, mais j'ai vécu le verglas de 1998, moi, monsieur. Je peux donc témoigner: celui qui a sévi ces derniers jours a beau avoir touché peu de personnes, il était similaire à celui qui a amorcé la crise à l'époque.

Tout a commencé avec une pluie drue, dimanche. Et à mesure que le mercure a chuté, l'épaisseur de la glace s'est mise à augmenter, sur les trottoirs, les fils électriques, les arbres.

Soudainement, le paysage était de verre. Figé et fragile. Une branche est alors tombée dans ma cour, si grosse qu'elle a pulvérisé le cabanon de mon voisin. Et en quelques minutes, plusieurs autres branches sont tombées dans un bruit de cristal broyé.

Un transformateur d'Hydro a sauté à quelques mètres de moi, un autre, et un autre encore, produisant chaque fois un éclair bleu. Puis les lumières du quartier se sont éteintes.

Précisément ce qui s'était produit pendant les premières heures de la crise de 1998. À deux grosses différences près. Le temps doux a été suivi d'un grand froid, hier, ce qui a empêché la pluie de se prolonger et de faire des dégâts. Et cette fois, le plan de communication d'Hydro-Québec a échoué...

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Rappelez-vous 1998. Le logo d'Hydro-Québec éteint en guise de solidarité. Les points de presse à heures fixes. André Caillé et ses cols roulés. Le relationniste Steve Flanagan devenu vedette instantanée.

La société d'État avait le contrôle des communications. Sa gestion de crise est devenue l'exemple à suivre.

«On était prêts lorsque la crise est survenue, explique Steve Flanagan, aujourd'hui président de Flanagan relations publiques. On avait un plan de gestion de crise. On venait de le tester. Mais ce qu'on vient de voir, c'est qu'Hydro-Québec n'est pas prête à gérer un événement majeur.»

Le verglas des derniers jours a été sans histoire, finalement, si ce n'est cette panne qui a touché momentanément 135 000 ménages. À peine huit heures dans mon cas. Mais il aura servi de répétition pour Hydro.

«S'ils avaient à vivre aujourd'hui l'équivalent de 1998, lance Steve Flanagan, je leur dis... good luck!»

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Si, par définition, une panne est imprévisible, il n'y a, en revanche, rien de plus prévisible que les questions des victimes de panne...

On a UNE grande question: quand l'électricité reviendra-t-elle? Puis une foule de sous-questions. Doit-on vider le frigo? Le congélateur? Se procurer un appareil de chauffage d'appoint? Se préparer à faire du camping d'hiver? Partir dans le Sud?

Avec une maison sans électricité, dimanche soir, des enfants à caser avant la nuit froide et un réfrigérateur plein, je me suis donc lancé à la recherche de réponses.

J'ai appelé Hydro. Chaque fois, un message enregistré. Le volume d'appels était trop important pour qu'on prenne le mien.

Je me suis rendu sur le site web. On répondait à quelques questions génériques et on me situait sur une carte les secteurs en panne... une info qui n'apporte pas grand-chose sinon le soulagement de ne pas être seul dans le noir.

Je suis allé sur Twitter. Pas mieux. Mes questions sont restées sans réponses. Et je n'y ai trouvé que des messages qui semblaient avoir été écrits par un robot. «À 22h, il y avait 74 271 clients privés d'électricité.» Ah.

Et sur Facebook? Hydro n'est pas sur Facebook.

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Je ne suis pas un expert des communications d'entreprises, mais il y a deux choses que je peux me vanter de savoir...

1) Toute organisation doit être présente sur les réseaux sociaux.

2) Être présent sur les réseaux sociaux ne se résume pas à... être présent sur les réseaux sociaux.

En moment de crise, c'est là que les citoyens puisent leur info en premier pour avoir une idée de ce qui se passe sur le terrain et des détails de la réponse qui s'organise. Il faut donc être proactif, transparent, en dialogue.

«Les messages formatés, ça ne marche pas, confirme Steve Flanagan. L'information se propage en temps réel, aujourd'hui. «Je ne sais pas» est donc mieux qu'une absence de réponse. Ce que veulent les sinistrés, c'est s'organiser.»

Voilà une chose qu'a comprise la police de Montréal, dont le fil Twitter est utilisé de façon exemplaire pour détailler les manifestations en temps réel, préciser les rues à éviter, répondre aux internautes, etc.

Hydro aurait donc pu se servir des réseaux sociaux pour donner des conseils plutôt que de renvoyer à une page web générique. Elle aurait pu expliquer la teneur des travaux en cours, affecter plus d'un employé aux questions des usagers, annoncer le rétablissement du courant secteur par secteur (la carte d'Info-pannes manquait de fiabilité), ce qui aurait été utile pour les clients qui attendaient le rétablissement du courant dans la parenté.

Pour répondre aux crises en 1998, il suffisait d'avoir un message clair, un point de presse par heure et un col roulé. Une époque révolue.