Le CUSM ouvre ses portes au public ce week-end. La tâche sera ardue pour les guides: ils devront aider les visiteurs à faire la différence entre le stationnement de béton, les cabanes de chantier et les sections achevées de l'hôpital...

Le tout se fond en effet dans une grise banalité à peine pimentée de couleur, sans qu'on puisse toujours distinguer ce qui est en travaux et ce qui ne l'est pas.

Eh oui, ce que vous apercevez de l'autoroute Ville-Marie et de l'échangeur Turcot, c'est un complexe hospitalier terminé, livré même, à part l'édifice des Shriners.

L'ensemble ressemblera donc bel et bien à cet empilement sans composition, un bric-à-brac de boîtes qui tourne le dos au bas de la ville et aux centaines de milliers d'automobilistes qui le croiseront, chaque jour...

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À l'échelle du patient, rassurez-vous, le Centre université de santé McGill est une grande réussite, tant pour l'accueil que pour les soins.

L'entrée dans le complexe se fait du côté nord, par le quartier Notre-Dame-de-Grâce. On y retrouve une façade vitrée en arc de cercle fort accueillante au centre de laquelle trône une sculpture haute de 13 mètres. C'est la place publique, monumentale, généreuse.

On accède aux bâtiments par des entrées publiques aux allures d'aéroports ultramodernes. À l'intérieur, l'ampleur des espaces et l'abondance de lumière naturelle sautent aux yeux. Les corridors sont larges et mènent à de vastes atriums.

Les espaces réservés aux patients sont à l'écart, de telle sorte que les visiteurs ne croisent ni les civières, ni les solutés à roulettes, ni les chemises d'hôpital ouvertes. L'entretien, l'alimentation, la maintenance sont dissimulés en coulisse.

«On a conçu les pavillons et les usages comme autant de quartiers séparés par de grandes artères, explique Robert Hamilton, directeur du développement du site. Cela nous a permis de créer un environnement propice à la guérison.»

Les chambres sont à l'avenant. Baignées de lumière naturelle. Dotée de salles de bains privées. Équipées de fenêtres qui descendent très bas pour que les personnes alitées puissent voir dehors.

Les concepteurs, manifestement, ont tenu compte des commentaires des 800 employés du CUSM. On en vient presque à plaindre les patients qui auront à guérir ailleurs...

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À l'échelle de la ville, c'est une tout autre histoire...

Du côté sud, les façades du complexe n'en sont justement pas. On semble avoir traité l'arrière du complexe comme on l'aurait fait des quais de chargement d'un Costco: en tenant pour acquis que personne n'y prêtera attention.

Les couleurs plaquées sur le revêtement n'égayent pas le bâtiment, elles donnent l'impression de vouloir l'égayer, de manière complètement artificielle. Comme si on s'excusait d'avoir construit des blocs aussi ternes que le stationnement voisin, cet honteux monstre de béton censé être caché six pieds sous terre.

«C'est simple, m'a expliqué le concepteur en architecture Francis Huneault, on a recouvert l'ensemble de l'édifice avec un seul matériau, et pour tenter d'adoucir le manque de texture, on en a créé une, instantanée. C'est un manque de créativité inacceptable pour un projet aussi important.»

Certes, on retrouve du côté sud un parc pour enfants, des trottoirs et quelques oeuvres d'art (un stéthoscope géant, vraiment?), mais pour qui aperçoit l'hôpital de loin, l'ensemble a autant de finesse qu'une construction Lego.

Et ce, même si l'arrière du CUSM sera vu par beaucoup plus de monde que la façade. Même si chaque bâtiment public devrait être un geste civique qui profite au plus grand nombre.

On parle ici d'une des principales entrées de la ville de Montréal depuis la Rive-Sud. On parle du lieu de transit des touristes qui atterrissent et décollent à Dorval. On parle d'un des principaux carrefours automobiles du Québec. Et on n'a rien pu faire de mieux que cette arrière-boutique d'entrepôt...

Une occasion ratée, vous dites? Une occasion gâchée, plutôt.

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C'est à dessein que je n'ai pas encore nommé les architectes du projet. Car bien franchement, ils n'en sont pas les grands responsables.

Le problème avec le CUSM, c'est évidemment la corruption sur laquelle il a été érigé. Mais plus encore que la cupidité des dirigeants, ce qui a miné le Centre hospitalier, c'est son mode de réalisation: le PPP.

Les firmes d'architecture, les IBI, HDR, Yelle Maillé et NFOE, ont tout simplement répondu à la commande d'un entrepreneur: réaliser un hôpital de 500 chambres... au plus bas coût possible. Point.

Le CUSM a en effet été conçu à partir du plus basique des partenariats public-privé. 1) On élabore un programme (les salles d'opération doivent avoir une superficie de 400 pi2, les corridors doivent avoir une largeur de 2 mètres, etc.). 2) On lance un appel d'offres. 3) On choisit le consortium qui propose la facture la moins chère.

Merci. Bonsoir.

On évacue ainsi toute qualité architecturale, tout ajout au design, tout détail original. On élimine tout risque, toute audace, tout souci du beau. Précisément ce que confirme la disgracieuse architecture du CUSM.