La grosse nouvelle d'hier, ce n'est pas le maintien du BIXI. En demandant aux Montréalais de manifester leur amour ces derniers jours, le maire Coderre avait chauffé la salle en vue d'une annonce devenue, forcément, prévisible.

La grosse nouvelle, c'est plutôt que le maire voit le BIXI comme un «service» municipal. À part entière. Comme les piscines et les bibliothèques.

C'est là un important virage pour la Ville, qui a toujours tenté de rentabiliser le BIXI comme s'il s'agissait d'un produit commercial nécessitant une mise de fonds initiale. L'intention était louable, mais pas réalisable. Manifestement.

D'où la conclusion tout à fait pertinente du maire: le BIXI est un service public. Qui fait partie du réseau de transport public. Et qui a donc besoin d'argent public. N'en déplaise à ceux qui y voient du «BS de luxe», comme l'analyste Jean Lapierre.

«Si tu prends ton auto, tu t'autofinances et tu finances pas mal d'infrastructures, a précisé l'ancien ministre des Transports au 98,5 FM. Est-ce que la même chose s'applique au BIXI?»

Curieux. Aux dernières nouvelles, Turcot ne s'autofinançait pas. Le futur pont Champlain non plus, même avec un péage. Et personne n'a réclamé que l'autoroute 19 fasse ses frais.

Curieux, aussi, qu'on réclame des prolongements routiers quand la demande automobile augmente... mais qu'on s'élève quand on veut en faire autant pour le réseau de transport public.

Car ce réseau, il se «prolonge» justement avec des modes alternatifs comme le BIXI.

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Ce qu'il y a de bien avec l'annonce d'hier, c'est que pour une fois, les bottines ont suivi les babines. Après avoir fait l'éloge du transport public pendant plusieurs jours d'affilée, le maire a annoncé que le BIXI continuerait de rouler, mais aussi, qu'il profiterait d'un maillage avec la STM.

Une bonne chose, qui pourrait être poussée plus loin encore. Car le BIXI a un effet sur tous les autres modes de transport. Et en ce sens, le réseau doit être pensé tel un écosystème, dans sa globalité.

Le vélo en libre-service est en effet un des maillons du réseau public, comme l'a démontré l'Institut Mineta, une importante organisation mise sur pied par le Congrès américain.

En analysant les données de plusieurs villes, dont Montréal, l'Institut a montré que l'implantation d'un tel service augmentait la part de déplacements faits à vélo, diminuait un peu celle de la marche et grignotait légèrement des parts de marché au transport en commun à l'heure de pointe (au moment où il est saturé).

Mais surtout, l'étude montre qu'une «écrasante majorité» des usagers dans «toutes les villes sondées» se déplacent moins souvent en voiture. Plusieurs délaissent même leur auto, un objectif visé par toutes les métropoles du monde. Dont Montréal, je le rappelle.

En plus, toujours selon l'Institut, les services de vélos sont bénéfiques pour la santé de la population. Ils offrent une plus grande mobilité à bas prix. Ils permettent une utilisation exemplaire de l'espace urbain. Et ils réduisent les gaz à effet de serre, rien que ça.

Le BIXI ne satisfait donc pas qu'un besoin d'intérêt général. Il en satisfait plusieurs.

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Cela dit, on ne peut faire abstraction de l'histoire de BIXI. Chaque vélo traîne en quelque sorte ses casseroles, ce qui oblige la Ville à la plus grande vigilance.

Je me réjouis certes des recommandations du conseil d'administration. Je me réjouis de la décision du maire. Et je me réjouis que le service revienne pour cinq ans.

Mais pour que le BIXI roule vraiment en 2019, il faudra éliminer tous les risques de dérapage/dérive/déroute/débandade. Et ce n'est pas le cas, pour l'instant.

Au cours des huit derniers mois, le conseil d'administration a fait un travail remarquable pour redresser le navire. Il a amélioré l'efficacité des opérations. Il a réduit les plaintes à presque rien. Il a diminué les coûts, renvoyant même un excédent de 600 000$ à la Ville.

Bravo. Vraiment. Mais il faudra un tout petit élément de plus: un modèle de gouvernance de la plus haute transparence. Ce qui manque cruellement depuis... depuis... que le pneu du premier BIXI montréalais a touché le bitume, en 2009.

Il faut peut-être «un modèle de gouvernance favorisant l'agilité opérationnelle», comme le demande le C.A. Mais il faut, plus encore, une organisation qui rend des comptes, soumise à la loi d'accès à l'information, dont les données financières sont régulièrement rendues publiques (pas juste quand les médias font pression).

Le maire Coderre s'est dit en faveur de tout cela, hier, en réponse à la question d'un journaliste. Mais il suffit de relire les rapports passés du vérificateur général pour comprendre qu'il faudra plus qu'une promesse faite à la va-vite. Car c'est justement «la latitude» de la précédente organisation qui a ouvert la porte au fiasco qu'on connaît.

Le BIXI doit être géré en toute transparence, comme n'importe quel autre service public.