Denis Coderre occupe l'ancien bureau de Jean Drapeau. Un bureau lambrissé de bois où le maire sent roder le fantôme de son prédécesseur, qui est pour lui «une inspiration de tous les instants».

Il aime «la vision» et «le leadership» de celui qui est en quelque sorte le René Lévesque du municipal: toujours cité en exemple, servant d'inspiration à tous ses successeurs.

Mais bien franchement, ce n'est pas à Jean Drapeau que fait penser Denis Coderre...

Dans leur Histoire des maires de Montréal, Luc Desrochers et ses coauteurs résument à merveille 50 ans de politique montréalaise. Avec Jean Drapeau, un maire avait sa ville. Avec Camillien Houde, une ville avait son maire...

Voilà qui colle davantage à Denis Coderre, un maire qui, comme Houde, est moins tenté par les rêves de grandeur que par l'amélioration de sa ville, sur le terrain, au quotidien. Il n'a d'ailleurs pas hésité à le citer en exemple en entrevue avec La Presse.

«Être maire, c'est aussi s'occuper des dossiers immédiats. Ça veut dire donner un service à un citoyen, pas juste à l'ensemble de la ville. Ça, ça me travaille», a-t-il dit avec une sincérité qui ne fait pas de doute.

Camillien Houde a été maire pendant 18 ans, servant des mandats hachurés entre 1928 et 1954. La Grande Crise, la guerre et son combat personnel contre la conscription ont fait de lui un homme plus grand que nature, emprisonné pour ses convictions, jouissant d'une immense popularité.

On n'est pas là avec Denis Coderre. N'empêche, ce dernier a la théâtralité, le pragmatisme et la passion politique de son prédécesseur. Il lui manque sa verve, mais il a sa superbe.

Denis Coderre aime attirer l'attention. Il profite de toutes les tribunes médiatiques, comme Houde, qui est déjà resté en ondes neuf heures d'affilée lors d'un radiothon. Il peut se pointer au gala Juste pour rire autant que dans une pièce de théâtre, rappelant qu'on a déjà qualifié Houde de Cyrano de Montréal.

Mais plus encore, les deux hommes sont des populistes. L'un était «monsieur Montréal» et «le chum de tout le monde», l'autre est l'«omnimaire» et le «Kid Coderre».

D'origines modestes, les deux maires se définissent aussi en opposition avec l'élite, avec l'establishment, avec ceux qu'ils qualifient de «bien-pensants», une critique dont j'ai déjà été la cible.

Denis Coderre n'a peut-être pas la faconde de son prédécesseur, mais il a la même facilité avec les gens, une qualité cruciale au municipal.

Après un an au pouvoir, Denis Coderre se révèle donc être un maire proche des gens, hyperactif sur le terrain, éteignant les feux dès qu'ils se présentent. Mais on cherche encore la vision qui en ferait un disciple de Drapeau.

Le maire Coderre a certes donné une direction à la ville, mais pas d'orientations. On ne sait donc pas encore ce qui le motive véritablement.

Peut-être sa vision est-elle de redonner une fierté aux citoyens, ce qui serait bien, mais un peu court. Peut-être souhaite-t-il être simplement celui qui aura mis de l'ordre dans la maison. Mais peut-être, aussi, est-il trop tôt pour définir cette fameuse vision.

Après tout, l'époque définit bien plus son maire que l'inverse. Les douze derniers mois ont ainsi servi à assainir les finances, à redonner de la crédibilité à Montréal et à mettre sur les rails des dossiers qui s'imposaient, comme le 375e et le réaménagement de la Sainte-Cath.

Le maire a entamé le ménage du navire Montréal. Il l'a même redressé, ce qui est un exploit. Mais il ne lui a pas encore donné de destination.

Et en ce sens aussi, il y a des similitudes avec Camillien Houde, qui a passé son temps à poursuivre l'équilibre budgétaire dans un contexte financier difficile bien plus qu'à définir de grandes orientations.

Quand on lui demande quel maire l'inspire le plus, Denis Coderre cite spontanément Drapeau, mais il se dit «déchiré» entre lui et Camillien Houde. Après un an au pouvoir, on voit bien dans quelles traces il marche.

Le bulletin du maire Coderre

Voyez pourquoi François Cardinal donne 75 sur 100 au maire Coderre...

Leadership: 10/10

S'il y a une chose que Denis Coderre a insufflée à Montréal depuis son élection, il y a un an aujourd'hui, c'est bien du leadership. Ce qui explique le nouveau climat qui règne dans la métropole. Le maire a pris le contrôle de la ville (ce qui ne se fait pas sans grincements à l'hôtel de ville), il l'a réorganisée, il lui a donné une impulsion qui lui manquait cruellement depuis... 10 ans. Bravo.

Plan anticorruption: 8/10

C'était LA priorité du candidat Coderre. Et il a livré la marchandise. Son coup le plus fumant est le choix de Denis Gallant comme inspecteur général. Quelques bémols: l'ouverture récente au privé, notamment pour le Plan de transport, la sélection d'Acertys dans le dossier Sainte-Catherine et les nominations douteuses de Pierre Bélanger et Richard Phaneuf. Glissant.

Transport en commun: 2/10

C'était aussi une priorité, soi-disant, mais ce dossier, le maire Coderre l'a sérieusement échappé. En fait, c'est la pire tache de son dossier jusqu'ici. Il ne s'est pas battu pour le système léger sur rails (SLR). Il a freiné le développement de l'autopartage. Et surtout, il a coupé les budgets de la STM... juste avant d'applaudir à une dépense de 600 millions pour le prolongement de l'autoroute 19. Le contraire de priorité, c'est quoi déjà?

Taxis: 7/10

Je n'étais pas d'accord avec la prémisse, à savoir que les chauffeurs de taxi courent un danger excessif à Montréal, mais je reconnais que le maire a pris ce dossier au sérieux comme il a dit qu'il le ferait. Il y a eu consultation, recommandations et politique. Grosse déception: rien dans le document concernant Uber. Pensée magique.

Pont Champlain: 5/10

Le maire Coderre n'a rien à voir dans la construction du pont, mais il a un rôle à jouer pour bloquer le péage qu'Ottawa souhaite y implanter. Je serai sévère: 5 sur 10 car sa stratégie a 50% de chances de réussite, 50% de risques d'échec. Il mise simplement sur un changement de gouvernement au fédéral en 2015, sachant que Justin Trudeau est contre le péage. Mais si les libéraux perdent, Coderre perd. Risqué.

Régimes de retraite: 10/10

Non seulement le maire a réussi à avoir ce qu'il demandait avec son complice Régis Labeaume, à savoir une loi qui permet de revoir le système de retraite, mais il s'est aussi tenu debout face aux menaces et à l'intimidation des syndiqués. Solide.

Itinérance: 10/10

Il y avait quelque chose de populiste dans la réaction de Denis Coderre à la présence de pics anti-itinérants, mais on ne peut l'accuser d'opportunisme, car l'itinérance est un dossier qu'il pousse réellement depuis son élection. Respect.

Rapports avec Québec: 9/10

Québec avait rompu tous les ponts avec Gérald Tremblay. Denis Coderre les a rétablis. Cela n'a pas empêché le gouvernement de mettre la hache dans les subventions résidentielles visant à retenir les familles, mais bon, le statut de métropole est en négociation et les liens avec les ministres Poëti et Moreau sont solides et même, parfois, constructifs. À suivre.

375e: 8/10

Voilà un dossier où les bons rapports avec le provincial, et aussi le fédéral, sont nécessaires. Denis Coderre a lancé le bal du 375e avec le recouvrement partiel de l'autoroute Ville-Marie, puis il a pris le contrôle d'une barque qui zigzaguait depuis un moment. Nécessaire.

Financement des arrondissements: 6/10

La réforme Coderre-Desrochers a du bon, elle centralise certaines responsabilités, sans excès. Par contre, elle bafoue l'identité des arrondissements en passant le rouleau compresseur. Je comprends l'intention, mais pas le résultat: du «mur à mur» qui abaisse les arrondissements au rang de vulgaires franchises standardisées. Inapproprié.

Total: 75/100