Mon fils n'a peur de rien. À 10 ans, il gagne chaque jour un peu plus d'autonomie et, du coup, de fierté. Il se rend seul à vélo à certaines de ses activités. Il rejoint ses amis au skatepark sur sa planche. Il fait des courses à pied.

Mais il y a une chose qu'il craint, une chose qu'il appréhende chaque matin: marcher vers l'école. Et ça n'a rien à voir avec une panne d'intérêt pour les fractions ou le groupe du nom.

Ce qui l'inquiète, c'est plutôt une intersection en particulier où il est certain d'avoir du mal à traverser. Chaque matin.

Fiston a beau se trouver en plein corridor scolaire, il a beau traverser un carrefour doté de quatre panneaux d'arrêt, c'est immanquable: personne ne le laisse passer et il reste planté là, sans s'imposer dans le trafic... comme le lui a appris son père.

Pas sorcier, les automobilistes ne le voient pas. Mon petit bonhomme est tout simplement caché par les voitures garées au coin de la rue. Des voitures qui créent ainsi un obstacle - véritable mur lorsqu'il s'agit d'un VUS ou d'une minifourgonnette - qui cache les piétons désirant traverser. Surtout les piétons de moins de 5 pieds...

Mais voulez-vous bien me dire ce qu'elles font là, ces autos? Et pourquoi elles n'ont pas de contravention? Le Code de la sécurité routière interdit pourtant de se garer «à moins de 5 mètres d'une borne-fontaine et d'un signal d'arrêt» (article 386, alinéa 2).

Et à l'intersection proche de l'école de mon fils, dans Côte-des-Neiges, il y a non seulement un «signal d'arrêt», mais aussi une borne-fontaine!

J'ai donc hélé un policier du SPVM qui passait par là, il y a quelques semaines, prêt à lui dire ce que je pense de son laxisme. Il m'a avoué le plus franchement du monde que le règlement du 5 mètres n'était pas appliqué dans la grande majorité des arrondissements de l'île... «sinon, il n'y aurait plus de places de stationnement à Montréal»!

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Il a beaucoup été question de la sécurité des cyclistes, récemment, moins de celle des piétons, malgré plusieurs accidents tragiques, dont ce dernier, survenu hier soir à l'angle de la rue Plamondon et du boulevard Décarie.

On me l'a amèrement reproché par courriel, ces dernières semaines, déplorant la puissance du lobby des vélos qui transforme chaque décès en tragédie, mais qui passe sous silence celle des piétons.

Ces lecteurs furieux, je l'avoue, ont raison.

Et le bilan routier dévoilé jeudi dernier par la SAAQ leur donne, lui aussi, raison. Il y a eu l'an dernier 399 décès sur les routes du Québec, soit 22 de moins que l'année précédente. Un bon bilan qui aurait pu être meilleur encore, car si on compte 36 morts de moins en auto, on en dénombre 5 de plus à vélo... et 10 de plus à pied!

Le ministre Robert Poëti a réagi à ces statistiques en promettant de réviser le Code de la sécurité routière, ce qui est très bien. Mais peut-on, en attendant, simplement appliquer le Code?

C'est bien joli d'ajouter des articles de loi, mais si la Ville de Montréal et ses policiers peuvent ignorer ceux qui ne leur plaisent pas, on n'est pas très avancé.

Trois piétons sont morts dans la métropole au cours des derniers mois. Je ne sais pas si la mauvaise visibilité aux intersections y est pour quelque chose, mais je sais que les rares arrondissements qui interdisent aux voitures de se garer à 5 mètres des coins de rue sont moins dangereux aujourd'hui. Beaucoup, beaucoup moins dangereux.

Verdun, qui est un pionnier en la matière, a réussi à diviser par 10 le nombre d'accidents à l'intersection Wellington et de l'Église: de 50 par année, ils sont passés à 5.

Voilà pourquoi le Plateau l'a fait, pourquoi Villeray et Rosemont ont annoncé la semaine dernière qu'ils le feraient aussi. Une volonté locale qui incite aujourd'hui l'administration Coderre à promettre l'application de l'article 386 partout sur l'île... dans quatre ans.

C'est bien. Mais quatre ans, c'est loooooong... On parle tout de même ici d'une mesure assez simple, accessible à tous les arrondissements de l'île, à très peu de frais.

Certes, on peut faire «la totale», comme Rosemont, qui entend couler des saillies de trottoir et implanter des supports à vélo pour occuper le fameux 5 mètres. Un geste exemplaire qui sera complété... en deux ans à peine.

Mais on peut, aussi, se contenter d'un simple pinceau, comme l'a fait Verdun en 2011. L'arrondissement a alors dépensé 6000$ et a demandé à ses cols bleus de peindre en jaune les bordures de trottoirs des intersections problématiques. En un an, ils en ont sécurisé pas moins de... 1300!

Une mesure simple et peu coûteuse, donc, qui peut rapidement protéger les usagers de la route les plus vulnérables... et les plus petits. À condition, bien sûr, d'oser éliminer quelques espaces de stationnement.