La dégradation environnementale est souvent montrée du doigt lorsqu'une catastrophe naturelle frappe Haïti, car le déboisement et l'érosion des berges se font habituellement complices des ouragans pour amplifier les dommages.

Mais cette fois-ci, y aurait-il eu des arbres en grande quantité, des littoraux solides et une riche biodiversité que le séisme n'aurait pas fait moins de dégât, si l'on se fie aux nouvelles qui émanent d'Haïti. La localisation de l'épicentre et l'absence d'un code national du bâtiment semblent davantage responsables de l'ampleur de la catastrophe. Mais cela ne veut pas dire que l'écologie de l'île est à négliger. Car Haïti se définit par son caractère insulaire, mais aussi, hélas, par l'état lamentable de son environnement : déboisement et érosion des sols, urbanisation et bidonvilisation, insalubrité et pénurie d'eau, pressions démographiques et absences d'infrastructures de base.

Autant de problèmes qui amplifieront les dommages, qui ralentiront les secours et qui complexifieront éventuellement la reconstruction.

On n'a qu'à penser à l'éclosion de maladies favorisée par les problèmes d'insalubrité, de pollution, de drainage des eaux. À la tentation qui sera grande, parmi la population, de couper ce qu'il reste d'arbres pour se reconstruire un nid. Ou à la menace que fera planer sur les nombreux chantiers la vulnérabilité de l'île aux ouragans.

Et c'est sans parler des possibles glissements de terrain, des conséquences d'un traitement déficient des déchets domestiques ou encore, de la gestion des eaux usées, qui compliqueront encore un peu plus la tâche, qui s'annonce titanesque, de tout rebâtir, de reloger plus d'un million de personnes.

À cette dégradation environnementale attribuable à l'homme, ajoutons qu'Haïti n'est tout simplement pas gâté par la nature. Il ne s'agit pas d'une malédiction divine, mais du hasard géographique. L'île d'Hispaniola est victime d'une ségrégation naturelle causée par la pluviométrie : une moitié est choyée, pas l'autre. Devinez laquelle...

«La pluie arrive surtout de l'Est - là où est la République dominicaine - et les montagnes plus hautes de ce côté retiennent une plus grande partie de cette pluie, qui, en plus, coule en rivières vers l'Est, précise l'Agence Science-Presse. Résultat, l'Est de l'île est plus arrosé, bénéficie d'une végétation plus luxuriante et d'une agriculture plus lucrative.»

Le temps n'est pas encore à la reconstruction. Il faut d'abord parer au plus urgent, porter secours aux malheureux, les reloger ponctuellement, organiser un semblant de retour à la normale. Mais il faudra réfléchir assez rapidement à la manière de reconstruire, afin d'éviter les erreurs du passé mais aussi, de palier les difficultés écologiques du pays.

Vues du Canada, les politiques environnementales peuvent s'apparenter à un luxe de sociétés riches, une préoccupation que l'on devine bien loin dans l'échelle des priorités d'un pays en développement. Mais dans le cas d'Haïti, il s'agit d'un élément crucial, sans lequel les efforts de reconstruction seront sans cesse à recommencer.

Comme le souligne a fondation (https://www.archi-urgent.com/) Architectes de l'urgence, qui a organisé l'intervention d'une équipe d'experts français et canadiens à Haïti ces dernières heures, il faut «reconstruire vite mais pas précaire, en adéquation avec l'habitat local, les usages sociaux et les contraintes environnementales».

L'idée d'un plan Marshall circule déjà. Haïti aura donc bien besoin de bras, de mortier et d'échafaudages au cours des prochaines années, mais aussi d'une véritable politique environnementale, afin de protéger ce que l'on bâtira et ceux qui y logeront.