Les écologistes étaient fort inquiets, au début des années 1990, lors de la signature de l'ALENA. Ils craignaient que certaines dispositions de l'Accord donnent aux multinationales un pouvoir plus grand encore que celui dont jouissent les gouvernements.

Puis leurs appréhensions se sont perdues dans le bruit ambiant. Les militants avaient-ils tort de s'énerver? Brandissaient-ils des épouvantails? La réponse viendra avec le dénouement de la poursuite du géant Dow contre le Code de gestion des pesticides du Québec.

En effet, la multinationale s'appuie sur la clause la plus décriée de l'ALENA - le fameux chapitre 11 - pour exiger le versement d'une indemnité de plusieurs millions de dollars. En bannissant le 2,4-D, le gouvernement québécois a fait subir à Dow «l'équivalent d'une expropriation» et doit donc le dédommager, clament les avocats de la compagnie.

Il s'agit du premier véritable test du chapitre 11, ou du moins, de ses aspects les plus décriés par les écologistes. Car ce différend pose la question maintes fois soulevée dans le passé : l'ALENA accorde-t-elle la primauté du commerce sur l'environnement?

À ce jour, malgré toutes les inquiétudes formulées contre «l'infâme» chapitre 11, bien peu de poursuites n'ont réellement restreint les pouvoirs des gouvernements ou n'ont véritablement empêché les autorités de légiférer en matière de protection de l'environnement.

Remarquez, la poursuite quintentera Dow ne remet pas en question le droit des gouvernements d'édicter des règles et des lois. Elle pose une question beaucoup plus insidieuse : les gouvernements, les provinces et les villes doivent-ils dédommager les entreprises pénalisées par les décisions qu'ils prennent dans l'intérêt public?

«C'est peut-être la vingtième poursuite déposée en vertu du chapitre 11, mais c'est la première qui soulève directement cette question-là», précise Simon Potter, spécialiste du commerce international chez McCarthy Tétrault.

D'où l'importance de cette cause, qui fera assurément jurisprudence. Alors que les pouvoirs publics se montrent plus prêts que jamais à agir pour protéger l'environnement, le jugement qui sera rendu les encouragera à aller de l'avant en fermant la porte à d'autres poursuites du genre. Ou au contraire, elle l'ouvrira toute grande.

Le cas échéant, on peut craindre l'effet «douche froide», communément appelé le «chilling effect». Les gouvernements pourraient en effet s'abstenir de proposer des règlements, aussi justifiés soient-ils, de crainte d'avoir à en découdre devant les tribunaux, d'avoir à verser des millions à des entreprises qui se sentent injustement traitées.

Autrement dit, le chapitre 11 pourrait bien rendre «les gouvernements frileux d'élargir leur sphère d'intervention publique», comme l'a récemment déploré le Réseau québécois sur l'intégration continentale, une coalition syndicale qui exige la renégociation de l'ALENA.

Bien des Canadiens ont sursauté lorsque Barack Obama, alors candidat à la présidence, a menacé de rouvrir l'ALENA l'an dernier. Se concentrant sur l'impact qu'aurait une telle décision sur les exportations entre les deux pays, on a peut-être balayé un peu vite ses propos sur «les droits élargis aux investisseurs» qu'accorde l'ALENA, ou sur l'impact de ce dernier sur «la protection de l'environnement».

Une décision favorable à la multinationale Dow pourrait en inciter plusieurs à frapper à la porte de la Maison Blanche pour exiger, à leur tour, une renégociation de l'accord.

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Haro sur l'eau

La Fédération canadienne des municipalités se penchera ce week-end sur une étonnante résolution demandant à toutes les villes d'interdire la vente d'eau embouteillée dans les lieux qui sont sous leur juridiction. Pendant ce temps au Québec, où le gouvernement juge négativement cette idée, les voix se multiplient pour exiger une consigne sur les bouteilles d'eau. Laval vient tout juste d'ajouter sa voix à celle de l'Union des municipalités en ce sens. À ce jour, 27 villes canadiennes ont éliminé l'eau embouteillée de leurs installations.

250

C'est la quantité de pesticides qui sera bientôt bannie en Ontario. À quelques jours du dépôt de la poursuite de Dow, le gouvernement McGuinty a suivi l'exemple du Québec en annonçant un plan encore plus ambitieux, visant à interdire les pesticides utilisés à des fins esthétiques dès le 22 avril prochain, Jour de la Terre.

«Imaginez-vous au volant de votre voiture jetant un sac de 500 g. d'ordures par la fenêtre...»

C'est précisément ce que vous faites à chaque kilomètre parcouru, en rejetant l'équivalent de ces déchets en CO2, précise Thomas L. Friedman, chroniqueur du New York Times, dans son dernier livre La Terre perd la boule. Tout juste traduit en français, cet excellent essai promeut une révolution énergétique verte.