«Y vas-tu sur l'autoroute, ton char? Y peux-tu rouler vite? Y s'branches-tu?» Ces questions, l'écologiste Daniel Breton les a entendues une centaine de fois depuis huit ans, depuis, en fait, qu'il roule avec une Insight de Honda.

Il faut dire que le modèle n'a rien de la voiture classique. Tout premier véhicule hybride vendu en Amérique du Nord à la fin des années 1990, il ressemble, avec son habitacle biplace et sa carrosserie filiforme recouvrant les roues arrière, à un prototype de l'École Polytechnique.

D'où, en grande partie, la faible popularité de la Insight, son abandon par Honda, puis la domination totale de la Prius de Toyota qui a suivi.

Dix ans plus tard, bien de l'essence a coulé dans les réservoirs, et Honda croit possible de reprendre une partie de ce marché convoité en renouant avec la Insight, présentée depuis hier au Salon de l'auto de Montréal, et mise en vente dès le mois d'avril prochain.

Comble de l'ironie, la stratégie de marketing employée est l'exacte antithèse de la dernière : l'auto non-conventionnelle de l'époque a laissé place à une voiture tout ce qu'il y a de plus classique. D'underground, elle est devenue mainstream, avec une carrosserie banale, quatre portes et quatre pneus bien visibles.

«C'est exactement ce que nous voulions : qu'elle n'ait rien de spéciale», a précisé à La Presse, avec le sourire, le grand patron de Honda Canada, Manabu Nishimae.

Voilà, en un mot, tout le virage que tente actuellement de prendre l'industrie de l'automobile : faire de l'hybride une voiture de masse, une voiture qui s'adresse à la mère de famille avec deux enfants, qui, sans être grano ni écolo, se dit sensible au discours environnemental.

Suffisamment sensible pour s'acheter une auto hybride, certes, mais pas pour s'en acheter une qui grèverait son budget en lui soustrayant quelque 30 000 $, comme la Prius, la Camry hybride, l'Altima hybride ou même la Fusion hybride, que présente Ford au Salon de l'auto de Montréal.

La Insight, dont le prix ne devrait pas dépasser les 20 000 $ selon les rumeurs, pourrait bien représenter la prochaine grande révolution de l'industrie. Bien plus que la Volt de GM, qui, même si elle aura le mérite de se brancher dans une prise de courant, se détaillera deux fois plus cher...

«Honda fait la démonstration qu'une hybride fiable et bon marché est possible», souligne Daniel Breton.

La question, maintenant : les consommateurs en voudront-ils?

Dans un contexte où l'intérêt pour l'environnement est à la baisse, où les prix de l'essence atteignent un plancher et où il n'existe plus d'incitatifs financiers à l'achat de véhicules verts, la sortie de ce modèle représentera donc un véritable test pour l'industrie.

D'autant que les ventes des véhicules hybrides se sont effondrés au rythme du prix du baril de pétrole, ces derniers mois. Au point où Toyota, qui ne fournissait pas à la demande en 2008, envisage d'arrêter prochainement sa chaîne de production pendant 11 jours.

Le marché des hybrides, on le voit bien, est actuellement à la merci du prix du pétrole. Reste à voir si l'Insight, et les modèles similaires qui suivront, réussira à l'en affranchir.

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Google pollue (suite)

Bien des commentaires suite à la publication de ce texte sur la pollution émise par une recherche Google. La plupart des lecteurs ont raillé cette recherche de Harvard qui, il est vrai, poussait un peu loin l'analyse du cycle de vie (5g de CO2 par requête). Mais une lectrice, Jessica Londei-Shortall, s'est plutôt mise dans la tête de trouver une solution. Elle a ainsi déniché un moteur de recherche, Ecocho.com, qui compense ses émissions polluantes. «C'est un site de recherche aussi performant que Yahoo et Google, qui plante deux arbres à chaque fois que 1000 recherches sont effectuées. À essayer», écrit-elle.

Tel le phénix...

Le réalisateur américain Chris Paine a réussi un grand coup, en 2006, avec son documentaire Who Killed the Electric Car?, qui relatait la mise à mort de l'auto électrique par l'industrie, au début des années 2000. Trois ans plus tard, ayant constaté que le vent semble tourner, il a décidé de plancher sur un tout nouveau film au titre prometteur, La Revanche de l'auto électrique. Date de sortie : avril prochain, en même temps que la Insight...

L'Ontario, meilleure place...

L'Ontario a tiré le tapis sous les pieds du Québec, jeudi, en annonçant une entente formelle avec Better Place, une entreprise américaine qui a pour mission d'implanter dans les grandes villes du monde des réseaux de recharge et d'échange de batteries pour les véhicules électriques. Non seulement la firme implantera un tel réseau dans la province voisine, elle y installera aussi son siège social canadien, en plus de créer à Toronto un centre de formation et de démonstration des véhicules électriques. Pendant ce temps, le Québec continue à réfléchir...