François Legault n'est pas devenu premier ministre par hasard. Il n'a pas changé la dualité politique qui a cours depuis un demi-siècle par chance. Pour parvenir à ses fins, il faut reconnaître que l'homme a fait preuve d'une ténacité peu commune.

Cette détermination caractérisera probablement François Legault dans l'implantation de son programme économique au cours des prochains mois. Car la Coalition avenir Québec (CAQ) veut s'attaquer à ce qui préoccupe plusieurs économistes depuis longtemps : le retard du niveau de vie relatif des Québécois par rapport au reste du Canada et aux États-Unis.

Qu'il suffise de rappeler que les Québécois ont le plus faible revenu personnel après impôts au Canada. Ou que notre dette publique et notre fardeau fiscal sont parmi les plus lourds, une lourdeur qui n'est pas compensée par des services publics hors pair.

Le Québec n'est ni la Grèce ni l'Italie, il se tire plutôt bien d'affaire depuis trois ans, mais quand François Legault évoque le changement, c'est de cela qu'il parle, qu'on soit d'accord ou non avec le constat ou les mesures envisagées.

Le premier paragraphe du cadre financier des caquistes illustre bien leur crédo : « Le gouvernement du Québec dépense l'équivalent de 26 % de son PIB par rapport à 20 % pour la moyenne des provinces canadiennes. À ce jour, l'accessibilité aux soins de santé, les services en éducation et l'état de nos infrastructures ne reflètent pas ce niveau de dépenses. Un gouvernement de la CAQ devra dépenser mieux ».

RÉVISER LES DÉPENSES

Premier chantier, justement : la révision des dépenses. L'équipe caquiste juge qu'il y a du gaspillage dans l'appareil public et trop de bureaucratie, qu'elle veut réduire. Pour y parvenir, la CAQ veut comprimer la fonction publique de 1 % en quatre ans, notamment grâce à l'attrition, soit le non-remplacement de certains départs à la retraite. Cette initiative ferait économiser 93 millions dès l'an prochain (2019-2020) et 381 millions par année lorsqu'elle sera pleinement en vigueur, dans quatre ans.

Est-ce vraiment réaliste après le passage du libéral Martin Coiteux au Conseil du trésor et son fameux « cran d'arrêt » des dépenses de 2015 ? Pas sûr.

En plus de l'attrition, la CAQ compte resserrer les processus d'approvisionnement des biens et services de même que la gestion informatique de l'État, ce qui permettrait d'économiser quelque 200 millions l'an prochain et 800 millions à terme, dans quatre ans. Dit autrement, les dépenses annuelles en informatique seraient réduites de 8 % et le coût des approvisionnements, de 10 %. La commande est intéressante, mais ambitieuse.

Enfin, la CAQ croit qu'elle peut économiser 300 millions sur le budget annuel de 2022-2023 en réévaluant certains programmes, ce qui représenterait 0,3 % des dépenses consolidées.

DOPER LES INVESTISSEMENTS

En plus des dépenses, la CAQ veut dynamiser l'économie et doper les investissements privés, qui sont un facteur de création de richesse. Le Québec, faut-il savoir, accuse un retard à ce chapitre : selon un récent rapport du Mouvement Desjardins, les investissements privés non résidentiels sont en baisse depuis 2013, ce qui a accentué notre écart avec l'Ontario.

Pour stimuler les investissements, François Legault veut notamment transformer Investissement Québec - le bras financier du gouvernement - pour en faire un meilleur prospecteur de nouveaux marchés et d'investissements à l'étranger. Il compte également établir davantage de satellites de la société d'État dans les diverses régions du Québec.

Investissement Québec, qui prête aux entreprises et fait des garanties de prêts, n'a pas eu des rendements spectaculaires ces dernières années, rappelons-le.

Difficile de savoir ce qu'il adviendra du PDG Pierre-Gabriel Côté sous la CAQ. Ou de comprendre précisément les intentions de François Legault, puisque Investissement Québec a déjà des bureaux dans 17 villes du Québec, en plus de 12 bureaux aux États-Unis, en Europe et en Asie, où sa mission est de trouver des investissements, justement.

En plus de réformer Investissement Québec - qui servirait aussi à protéger nos sièges sociaux contre une prise de contrôle hostile -, la nouvelle équipe caquiste compte réviser la fiscalité des entreprises, entre autres. Je n'ai pas de boule de cristal, mais parions que la lourde taxe sur la masse salariale des entreprises pourrait être abaissée, dans le contexte du recul des impôts des entreprises aux États-Unis, entre autres.

REMBOURSER 10 MILLIARDS DE LA DETTE

Autre mesure qui sera implantée au cours des prochains mois : le remboursement de 10 milliards de notre dette publique, à même les fonds accumulés dans le Fonds des générations.

Et pourquoi donc ? Depuis neuf ans, les marchés boursiers offrent de très bons rendements, mais cette croissance n'est pas éternelle. Tôt ou tard, il faut s'attendre à un recul des marchés et alors, le Fonds des générations - géré par la Caisse de dépôt - perdrait des plumes. Les caquistes jugent donc prudent de faire une ponction de 10 milliards dans le Fonds pour rembourser directement la dette.

La stratégie n'est pas insensée, mais elle videra les trois quarts du Fonds des générations. Ce Fonds passerait ainsi à seulement 3,0 milliards et la dette brute avant prise en compte du Fonds, à 208 milliards.

N'aurait-il pas été préférable d'en garder la moitié pour profiter d'un éventuel nouveau marché haussier, quitte à investir prudemment entre-temps ?