Le financement fédéral définitif du Réseau express métropolitain (REM) annoncé hier comporte deux très bonnes nouvelles pour le transport collectif au Québec.

D'abord, la structure du financement permet de conclure qu'Ottawa n'a pas eu besoin, pour le REM, de puiser dans son enveloppe de subventions destinée aux transports en commun. Ce faisant, cette enveloppe conserve la somme de 1,3 milliard de dollars qui aurait été versée au REM et qui pourra être affectée à d'autres projets au Québec.

Parmi ces projets possibles, mentionnons notamment le prolongement de la ligne bleue (5 stations, 3,9 milliards), le tramway de Québec (23 km, 2,9 milliards) ou d'autres projets à l'étude.

De plus, le financement annoncé hier, par sa structure, est peu exigeant pour le REM, ce qui permettra au réseau (et à la Caisse de dépôt) d'atteindre plus facilement qu'autrement le seuil de rentabilité, selon mes informations.

Plus précisément, la Banque de l'infrastructure du Canada (BIC), nouvellement créée avec des fonds du fédéral, a annoncé hier qu'elle faisait un prêt de 1,28 milliard destiné au développement du REM. Cette somme s'ajoute aux fonds déjà engagés par la Caisse de dépôt et placement (2,95 milliards) et le gouvernement du Québec (1,28 milliard).

Essentiellement, le REM paiera seulement l'équivalent de 1,5 % d'intérêts (composé) sur le prêt de 1,28 milliard de la BIC pendant 15 ans, ai-je appris. De plus, le remboursement du capital ne serait exigé qu'à la toute fin des 15 ans, et une bonne partie des intérêts ne seront pas exigibles durant les 5 à 10 premières années du prêt.

En juin 2017, Justin Trudeau avait confirmé que le gouvernement fédéral avancerait bel et bien l'argent pour le projet. On ne savait toutefois pas encore assurément d'où proviendraient les fonds et quelle forme prendrait l'avance.

L'argent aurait pu provenir de l'enveloppe de subventions fédérales destinée aux projets de transport collectif, et qui s'élève à 5,2 milliards pour le Québec sur 10 ans. Or, hier, l'annonce nous a permis d'apprendre qu'elle viendra plutôt de la BIC, ce qui laisse intacte l'enveloppe de 5,2 milliards pour d'autres projets.

Comme les 5,2 milliards de subventions fédérales devront être jumelés à des fonds provinciaux et municipaux, il est permis de penser que ces fonds permettront de financer des projets presque deux fois plus importants, de l'ordre de 10 milliards.

1 % D'INTÉRÊT, PUIS 3 %

Selon mes renseignements, obtenus de bonnes sources, le prêt de la BIC au REM est flexible. Ainsi, le REM ne sera pas tenu de verser d'intérêts à la BIC tant et aussi longtemps que la Caisse de dépôt n'aura pas obtenu 8 % de rendement annuel courant sur son investissement. L'institution devrait obtenir un tel rendement dans huit à dix ans, une fois que l'achalandage aura atteint un niveau intéressant.

Dès que ce rendement aura été obtenu, la BIC pourra collecter des intérêts sur son prêt. Pour les 10 premières années, le taux a été fixé à 1 % par année, capitalisé. À partir de la 11e année, le taux passe à 3 %, somme qui sera versée peu importe si le rendement de 8 % de la Caisse a été atteint ou non. Le capital (1,283 milliard) sera remboursé au terme des 15 ans, me dit-on.

Cette flexibilité permettra au REM de ne pas engloutir de liquidités au cours des premières années dans le remboursement du prêt et le paiement d'intérêts. Quant au gouvernement du Québec, qui détient 30 % de l'avoir propre du projet en partenariat avec la Caisse (70 %), son rendement annuel attendu est de 3,7 % et il sera prélevé après que la Caisse aura atteint son seuil de 8 % de rendement.

À la différence de la BIC, dont le prêt est de premier rang, ni le rendement du gouvernement du Québec ni celui de la Caisse n'est garanti.

À ce sujet, justement, la structure du prêt de la BIC - son tout premier financement - nous donne une meilleure idée des impacts de ses interventions.

Le rendement de la BIC dans ce cas-ci - environ 1,5 % par année composé - est certes faible, mais il est fixe et garanti. Comme les parties qui en garantissent le paiement sont très solvables (la Caisse et le gouvernement du Québec), son risque de ne pas récupérer les fonds est très faible, au bout du compte.

Au terme des 15 ans, la BIC devrait avoir empoché son 1,28 milliard, plus les intérêts, pour une somme totale avoisinant 1,6 milliard, selon mes estimations. Cet argent deviendra disponible pour d'autres projets d'infrastructures.

Pour le fédéral, les fonds investis dans la BIC pour le REM (1,28 milliard) lui coûtent environ 2,2 % (obligations fédérales de 10 ans). Sur les 15 ans du prêt au REM, l'écart avec le rendement de 1,5 % par année se traduit en un coût net d'environ 175 millions, ce qui est relativement modeste pour avoir permis l'érection d'un projet de transport de 67 km.

Joint au téléphone, le président de la BIC, Pierre Lavallée, n'a pas voulu donner de détails sur le financement du REM, puisque les documents légaux n'ont pas encore été signés.