Et maintenant, les dépenses militaires. Après l'environnement et le libre-échange mondial, voilà que Donald Trump s'attaque de front à cet autre dossier chaud de la planète.

Fidèle à son habitude, l'oncle Trump ne mâche pas ses mots lorsqu'il dit ce qu'il pense à ses « alliés » de l'OTAN. « Hé, les profiteurs, sortez votre chéquier pour acheter des armes et des tanks, car les États-Unis en ont assez de payer pour vous défendre », leur a-t-il dit essentiellement.

Le ton n'est pas rassurant quand on connaît la mission de coopération de l'OTAN (Organisation du traité de l'Atlantique Nord). L'organisme fondé en 1949 doit « contribuer à la sécurité de la région de l'Atlantique Nord » et protéger ses membres contre une agression extérieure.

Que Trump vienne rompre le fragile équilibre mondial sur la question lui importe peu. Qu'il se mette à dos à peu près tout ce qui bouge sur la planète, il n'en a rien à cirer. Son objectif : extorquer le maximum des autres pays pour en donner le maximum aux États-Unis, peu importe le prix à payer. Et ce maximum, soyons lucides, il viendrait des dollars qu'auraient à dépenser ses « alliés » en armes et en équipements militaires auprès des fabricants, dont plusieurs sont américains.

Remarquez qu'il est difficile de contredire Trump sur le fond. Les États-Unis dépensent effectivement bien plus que les autres pour leur armée. Et en vertu d'un objectif non contraignant fixé par l'OTAN en 2012, les pays se sont engagés à hausser leurs dépenses militaires à 2 % de leur PIB d'ici 2024, ce que 25 des 29 pays membres n'atteignent pas actuellement.

Alors imaginez s'il faut doubler cette cible à 4 % du PIB, comme le réclame maintenant Trump !

Certains jugent - j'en suis - qu'il faut remettre cette cible ambitieuse de 2 % en question, étant donné l'absence de menace imminente, notamment sur le Canada. D'autres soutiennent qu'il faudrait inclure d'autres types de dépenses dans le calcul, comme les rentes d'invalidité aux vétérans de l'armée et le budget de la Garde côtière canadienne.

Il reste qu'au bout du compte, 25 des 29 pays membres n'atteignent pas la cible de 2 % de leur PIB en dépenses militaires, alors que les Américains, eux, y consacrent 3,3 %.

L'enjeu financier est énorme. Pour en connaître l'impact, j'ai extirpé les données des pays membres de l'OTAN de l'excellent site internet Perspective Monde, de l'Université de Sherbrooke. Actuellement, en plus des États-Unis, seules la France (2,3 %), la Grèce (2,6 %) et l'Estonie (2,2 %) consacrent plus de 2 % de leur PIB aux dépenses militaires.

Le Canada, lui, se classe au 5e rang des moins dépensiers parmi les 29 pays, puisqu'il affecte à peine 1 % de son PIB à ce poste. Plus précisément, ses dépenses militaires annuelles sont d'environ 20 milliards CAN et elles devraient donc doubler pour atteindre la cible, avec un ajout de 20 milliards... par année.

Cette somme de 20 milliards (15 milliards US) représente l'équivalent du déficit fédéral annuel ou environ la moitié de ce que le fédéral transfère aux provinces en santé, rien de moins !

À 4 % du PIB, comme le demande Trump, le Canada devrait quadrupler ses dépenses militaires, à 80 milliards CAN (60 milliards US), de la pure folie.

Cet argent devrait être pris à même le budget et conséquemment réduire les ressources disponibles pour les autres ministères, provoquer une hausse des impôts ou encore une augmentation de la dette.

Globalement, ai-je calculé, les 25 pays délinquants devraient majorer leur budget militaire de 92 milliards US pour satisfaire la cible de 2 % du PIB, ce qui correspond à une hausse de 44 %. La Belgique aurait le plus gros effort à faire en proportion (130 %), et l'Allemagne en dollars (28 milliards US).

À 4 % du PIB, ce sont 440 milliards US que les alliés de l'OTAN devraient ajouter aux 270 milliards US qu'ils dépensent actuellement, ce qui correspondrait à un boom de 163 %. Cette injection massive de fonds nous ramènerait 50 ans en arrière, à l'époque où sévissait la guerre froide avec les Soviétiques.

Les visées du général Trump sont clairement irréalistes. Connaissant l'homme, il s'agit bien sûr d'une position de négociation, mais tout de même. En attendant, les alliés sont encore une fois à couteaux tirés avec le pays le plus puissant de la planète, et ça, ce n'est pas une bonne nouvelle pour la stabilité mondiale.

Il faut espérer que les Américains enlèvent du pouvoir à Donald Trump lors des élections de mi-mandat de l'automne...