Deux questions quiz aujourd'hui sur le mégacontrat d'Hydro-Québec avec l'État du Massachusetts. Attention, les questions comportent des pièges. Vous êtes prêts ?

Première question : Quel est le coût pertinent de l'électricité produite au Québec pour estimer les profits additionnels que fera Hydro-Québec avec le contrat ? Est-ce le coût de production moyen du réseau d'Hydro-Québec, qui est de 2 cents le kilowattheure ? Ou plutôt le coût de production marginal, celui de la dernière centrale construite (la Romaine), soit de 6,5 cents le kilowattheure ?

Réponse : Ni l'un ni l'autre. Dans les faits, le coût de production dont il faut tenir compte pour calculer les profits est plutôt de... 0 ¢/kWh.

Vous êtes tombé sur la tête, M. Vailles ? Pas du tout. Laissez-moi vous expliquer.

Les centrales d'Hydro-Québec qui servent à fournir l'électricité à l'État de la Nouvelle-Angleterre sont déjà construites. Et actuellement, le réseau d'Hydro a une capacité de production bien supérieure à la demande de ses clients.

Concrètement, Hydro laisse s'accumuler de l'eau dans ses réservoirs plutôt que de la faire passer dans ses turbines, puisqu'elle n'a pas de demande pour toute son énergie. Pour alimenter le nouveau contrat, elle n'a qu'à ouvrir les vannes et turbiner l'eau, ce qui engendre un coût négligeable (proche de zéro) en regard du contrat.

Dit autrement, qu'elle ait ou non ce nouveau contrat, les coûts de production ne changent pas pour Hydro-Québec. C'est ce qui explique son très grand intérêt à vendre aux Américains, même à bas prix.

Hier, le PDG d'Hydro-Québec, Éric Martel, a confirmé que le contrat de 9,45 térawattheures signifiait des revenus d'un ordre de grandeur de 500 millions par an, ou 10 milliards sur 20 ans, pour la société d'État, tel que l'avait écrit ma collègue Hélène Baril. Ces informations nous portent à estimer que le Massachusetts paiera un peu plus de 5 ¢/kWh.

Pour obtenir le profit d'Hydro, il faut retrancher de cette somme le coût de transport, d'environ 1 ¢/kWh, et le coût de production marginal d'Hydro, de 0 ¢, ce qui donne un profit de plus de 4 ¢.

Au bout du compte, donc, le contrat de 9,45 TWh rapportera vraisemblablement près de 400 millions de profits additionnels pour Hydro-Québec chaque année à partir de 2020. Comme Hydro est la propriété de l'État québécois, cette somme pourrait servir à améliorer le système de santé ou d'éducation, par exemple.

Cela dit, le coût de production moyen de l'ensemble du réseau d'Hydro est de quelque 2 ¢/kWh. Il s'agit d'un coût comptable, qui sert à déduire les profits de l'ensemble du réseau dans les états financiers de la société d'État, incluant les exportations. Il n'est pas pertinent pour mesurer les profits additionnels engendrés par le contrat.

Quant aux 6,5 ¢/kWh, il s'agit du coût de production marginal du dernier projet d'Hydro (la Romaine), qui est pertinent quand il est question d'estimer s'il est rentable ou non de construire une nouvelle centrale. Sachant que le Massachusetts ne paiera qu'environ 5 ¢/kWh, on peut déduire que les prochains projets ne seront pas intéressants, à moins que les prix grimpent.

Il serait donc téméraire de se lancer dans le développement de nouvelles centrales, comme le souhaite François Legault, d'autant plus que les énergies vertes alternatives, comme le solaire et l'éolien, ont vu leur prix chuter ces dernières années.

Par exemple, en décembre dernier, le prix médian offert à l'État du Colorado pour l'énergie solaire dans un appel d'offres était de 3,6 ¢US/kWh (4,5 ¢CAN), bien en dessous des 6,5 ¢ de la Romaine. Le prix de 3,6 ¢US inclut les coûts de stockage de l'énergie solaire.

L'IMPACT CARBONE

Deuxième question quiz : Lequel des deux projets suivants contribue le plus à la réduction des gaz à effet de serre (GES) ?

Est-ce le mégacontrat d'Hydro avec le Massachusetts, qui nécessite la construction d'une ligne de transport Québec-États-Unis de 2,7 milliards CAN ? Ou plutôt le Réseau électrique métropolitain (REM), ce projet de train électrique de 6,0 milliards de la Caisse de dépôt et placement ?

Réponse : Le contrat d'Hydro-Québec, et de beaucoup. Le train de la Caisse contribuera à réduire de 16 800 tonnes par an le carbone émis dans l'atmosphère, selon le rapport du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE).

En comparaison, l'énergie hydroélectrique vendue par Hydro contribuera à réduire les GES de 3,2 millions de tonnes chaque année, soit près de 200 fois plus que le REM. Cette énorme économie de GES tient au fait que la Nouvelle-Angleterre deviendra moins dépendante des énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz naturel) avec le contrat d'Hydro, selon le promoteur américain de la ligne de transport Northern Pass.

Les 3,2 millions de tonnes sont l'équivalent de retrancher 900 000 voitures de nos routes, environ. Qui dit mieux ?