L'Ouest a souvent pesté contre le Québec. Et c'est encore plus vrai depuis que l'Alberta et la Saskatchewan traversent une crise budgétaire majeure en raison de la chute des prix du pétrole.

La grogne trouve sa source dans le programme de répartition de la richesse entre les provinces canadiennes, appelé péréquation. Six provinces bénéficient des fonds versés par le fédéral, dont le Québec (environ 11 milliards), mais pas l'Alberta ni la Saskatchewan.

Encore récemment, le premier ministre de la Saskatchewan, Brad Wall, répétait qu'il trouvait insensé « que la population de sa province envoie des paiements de péréquation d'un demi-milliard quand le baril de pétrole vaut 50 $ ». L'Alberta et la Saskatchewan ont de gros déficits budgétaires, alors que le Québec est en surplus.

À ce sujet, l'Institut Fraser vient de publier une étude sur la péréquation, selon laquelle les changements au programme par le gouvernement Harper ont des effets pervers. En gros, on estime que ces changements auront pour effet de gonfler indûment les paiements fédéraux annuels d'une somme variant entre 655 millions et 2,1 milliards de dollars d'ici trois ans. Au total, les paiements seront de quelque 18,8 milliards en 2018-2019, selon l'étude.

La conclusion n'est pas étonnante venant du groupe de droite de Vancouver, mais la réflexion que suscite l'étude est intéressante, surtout dans le contexte où Ottawa accumule des déficits annuels avoisinant les 25 milliards. Le programme fera l'objet d'une révision quinquennale en 2019.

Avant d'aller plus loin, un rappel. La péréquation est enchâssée dans la Constitution de 1982. Les six provinces bénéficiaires ne reçoivent pas d'argent des autres provinces directement, mais du fédéral, qui puise ses impôts partout au Canada.

Les sommes à verser par le fédéral sont fonction de la capacité fiscale de chaque province ou, autrement dit, de leur capacité de lever un niveau d'impôts et de taxes compte tenu de leur richesse. Essentiellement, les provinces qui ont une capacité fiscale par habitant inférieure à la moyenne reçoivent des paiements de péréquation.

En principe, si toutes les provinces avaient une capacité fiscale égale par habitant, aucune ne toucherait de péréquation, puisqu'il n'y aurait aucun écart à combler. Or, selon l'Institut Fraser, les changements introduits par le gouvernement Harper en 2009 viennent pervertir cet esprit fondamental du programme.

En 2009, le fédéral a décidé de lier l'augmentation de l'enveloppe annuelle de péréquation à la croissance du PIB canadien. À l'époque, ce critère servait à plafonner la hausse, puisque l'enveloppe augmentait très vite, bien davantage que la croissance du PIB. Cette forte croissance de l'enveloppe s'expliquait par les écarts grandissants de richesse entre les provinces riches et pauvres, dans le contexte du boom pétrolier.

Or depuis, les choses ont bien changé. Selon l'Institut, la capacité fiscale de l'Alberta a diminué d'environ 5 % depuis deux ans, alors que celle du Québec a augmenté d'autant. Globalement, les six provinces bénéficiaires ont vu leur capacité fiscale grimper de 8,2 %, alors que pour les quatre autres, la hausse est de seulement 0,8 %.

Dit autrement, l'écart de richesse est moins grand. En principe, cette diminution des écarts de richesse devrait se traduire par une baisse des paiements de péréquation. Selon l'Institut Fraser, les paiements globaux devraient ainsi passer de 18,3 milliards cette année à 18,2 milliards l'an prochain.

Or, ils grimperont plutôt à 18,9 milliards, calcule l'Institut, en vertu de la règle de croissance de l'enveloppe basée sur le PIB. Cette différence de 655 millions en 2018-2019 passera à 1,2 milliard en 2019-2020. Pire : si le prix des ressources ne remonte pas comme prévu et que l'écart de richesse se rétrécit encore davantage entre les provinces, les paiements globaux pourraient être artificiellement trop élevés de 2,1 milliards.

Pour empêcher ce gonflement contraire aux objectifs du programme, l'Institut Fraser suggère que le critère de croissance lié au PIB soit une hausse maximale possible, plutôt que garantie. L'organisme croit qu'il réduirait les récriminations de l'Ouest contre les provinces bénéficiaires, notamment le Québec.

Pour ma part, je crois bien raisonnable que les provinces pauvres touchent des paiements de péréquation. Entre autres, il faut rappeler que le boom pétrolier avait dopé la valeur du dollar canadien, ce qui avait nui aux provinces exportatrices de biens manufacturiers que sont le Québec et l'Ontario.

Cela dit, les temps ont changé. En Alberta, les redevances pétrolières versées au gouvernement ont fondu, passant de près de 10 milliards en 2013-2014 à 2,8 milliards en 2016-2017. Et le taux de chômage a suivi la courbe inverse, passant de 4,7 % en juillet 2014 à 8,2 % en juillet 2017.

Ultimement, je préférerais qu'on soit plus indépendant de la péréquation et qu'on se classe parmi les provinces riches.

À Québec, il n'a pas été possible d'avoir un son de cloche sur l'étude. Dans son dernier budget, toutefois, le gouvernement du Québec jugeait que le fédéral devait plutôt augmenter les paiements globaux de péréquation à l'équivalent de 1 % du PIB, soit la moyenne depuis 50 ans. Cette proportion est de 0,86 % actuellement.

>> Pour consulter l'étude