Le rapport du BAPE sur le train de la Caisse de dépôt est imparfait, mais certains de ses éléments méritent réflexion.

D'abord, il faut se rappeler le genre de créature qu'est le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE). L'organisme n'a pas pour seul mandat de se préoccuper des milieux naturels, de la pollution ou des grenouilles. Il «a pour mission d'éclairer la prise de décision gouvernementale dans une perspective de développement durable, lequel englobe les aspects écologique, social et économique».

Dit autrement, l'aspect économique fait aussi partie de la mission du BAPE, quoi qu'en dise le premier ministre Philippe Couillard. Le BAPE doit voir dans quelle mesure ces trois aspects sont bien arrimés ensemble.

Or, le BAPE n'a pas pu le faire, puisque la Caisse n'a pas encore clairement dévoilé son cadre financier, notamment le rendement qu'elle exigera pour ses déposants, de même que les revenus et les coûts d'exploitation du projet.

Selon mes estimations, corroborées par différentes sources, le futur train entraînera un manque à gagner annuel de plus de 180 millions de dollars par rapport au réseau actuel, que devront assumer soit les usagers, soit les municipalités, soit le gouvernement du Québec (ou les trois). La Caisse conteste ces chiffres.

Face à un tel constat, les citoyens sont en droit de savoir si le jeu en vaut la chandelle.

Le Réseau électrique métropolitain (REM) réduira-t-il l'embouteillage des routes tant décrié par tous? Réduira-t-il les gaz à effet de serre (GES)? Améliorera-t-il l'expérience de transport en commun pour tous? Aura-t-il des impacts limités sur l'environnement?

À ce sujet, force est de constater que les réponses ne sont pas toutes évidentes. Le BAPE rappelle que selon les études d'achalandage de la Caisse, seulement 10% des usagers du REM proviendraient d'automobilistes qui délaisseraient leur voiture. Sera-ce suffisant pour réduire les engorgements?

Ce faisant, dit le BAPE, le REM contribuerait peu à réduire les GES, soit de 16 800 tonnes par année (35 000 tonnes selon la Caisse). Ce dernier chiffre de la Caisse correspond à moins de 0,32 % du bilan de la communauté métropolitaine.

Quant à l'expérience de transport en commun, le BAPE fait notamment deux critiques. D'abord, certains usagers actuels de la Rive-Sud devront ajouter une correspondance additionnelle à leur déplacement quotidien, ce qui n'est pas de nature à les inciter à adopter le REM.

Surtout, les usagers des trains partant de Deux-Montagnes seront plus nombreux à voyager debout plutôt qu'assis, selon le BAPE. Plus précisément, 66% des usagers voyageront debout durant la période de pointe du matin (de 5h à 9h), parfois pendant plus de 30 minutes, comparativement à 29% actuellement. Or, le manque de places assises constitue justement un des griefs des usagers.

Cette situation s'explique par la capacité bien moindre des trains du REM que celle des trains actuels. Bien sûr, la fréquence des trains du REM sera plus grande, mais elle n'arriverait pas à compenser, selon le BAPE.

Certaines critiques du BAPE sont injustifiées. L'ancien tracé passant par le sud pour joindre l'aéroport est impensable compte tenu des exigences des transporteurs privés (CN et CP) qui l'empruntent. Le tramway, trop lent, est à oublier.

De plus, les inquiétudes concernant la gouvernance apparaissent exagérées. Le BAPE voudrait que le REM ne soit pas indépendant de la future Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), contrairement au modèle actuel. Elle craint que ce modèle fragilise la cohésion.

Nul doute que l'ARTM devra bien ficeler ses ententes avec la Caisse, puisque le REM pourrait être vendu à un éventuel nouveau propriétaire moins flexible que la Caisse, ce qui pourrait faire dérailler l'organisation régionale du transport collectif. Il reste qu'actuellement, la Caisse a une attitude ouverte et collaborative pour trouver des solutions au mode d'organisation, me dit-on dans le milieu.

Selon les promoteurs du projet, que ce soit la Caisse de dépôt, le gouvernement du Québec ou Denis Coderre, le projet doit aller de l'avant coûte que coûte. Le projet est pourtant perfectible et les décideurs doivent rester vigilants pour en faire un réel succès.

Comme dans tous les grands projets, le REM de la Caisse rencontre une certaine résistance normale au changement. Pour susciter l'adhésion populaire, les promoteurs doivent rappeler la nécessité de ces changements, écouter les doléances populaires, mais aussi tenir compte de leurs critiques légitimes.

À ce sujet, le mode d'exécution très rapide du projet n'est pas de nature à aider. La remise tardive de plusieurs documents de la Caisse au BAPE est l'un des éléments qui ont entaché les conclusions du rapport. Ne serait-il pas préférable de prendre quelques mois de plus pour encore mieux faire les choses? Où est l'urgence?