Le Québec ne vient-il pas d'enregistrer un surplus annuel record de 1,8 milliard ? Comment alors expliquer que le premier trimestre de la nouvelle année débute avec un déficit de plus d'un demi-milliard ? Faut-il s'attendre à un retour de l'austérité ?

Voilà de bien bonnes questions, chers lecteurs perspicaces. Effectivement, le premier trimestre, terminé le 30 juin, se solde par un déficit de 529 millions, comme l'indique le rapport mensuel des opérations financières publié hier. Eh oui, ce déficit suit un surplus annuel qui n'avait jamais été atteint en 45 ans.

Mais il faut savoir qu'historiquement, le premier trimestre de l'exercice du gouvernement est souvent plus rouge que les autres. L'an dernier, par exemple, le premier trimestre s'était terminé avec un déficit de 675 millions. Or, malgré tout, l'année a fini avec un surplus de 1,8 milliard.

Ce phénomène s'explique essentiellement par le fait que les ministères dépensent une proportion plus importante de leurs budgets entre avril et juin, notamment dans le secteur de la santé.

Quoi qu'il en soit, le déficit du trimestre est le plus petit des neuf dernières années, selon mes vérifications. Par exemple, ce déficit a oscillé entre 1,3 et 1,6 milliard entre 2012 et 2014, des années où les déficits annuels ont finalement atteint 1,6 à 2,8 milliards.

En téléconférence depuis Val-d'Or, le ministre des Finances, Carlos Leitao, a dit avoir confiance que le déficit zéro sera maintenu comme prévu d'ici le 31 mars prochain malgré ce premier trimestre déficitaire. Il juge au contraire que les chiffres du premier trimestre démontrent la bonne tenue des finances du gouvernement, bien qu'il faille « continuer à être prudent compte tenu du contexte économique mondial ».

La surprise du trimestre se trouve surtout du côté des revenus. Globalement, la croissance des revenus autonomes a été de 4,1 % au premier trimestre, bien davantage que les 2,5 % prévus pour l'année entière.

Les recettes tirées de l'impôt des particuliers ont bondi de 8,7 %, ce qui constitue une surprise dans le contexte d'une croissance anémique de l'emploi. Ce bond s'expliquerait par le nombre plus important d'employés à temps plein dans le marché, explique M. Leitao.

Depuis janvier, il s'est créé seulement 14 200 emplois au Québec. Toutefois, la croissance des emplois à temps plein a été de 42 400. Dit autrement, plusieurs emplois à temps partiel se sont transformés en emplois à temps plein, essentiellement dans le secteur privé.

Ce plus grand nombre d'heures travaillées augmente les recettes du gouvernement. Il se reflète non seulement dans l'impôt des particuliers, mais aussi dans les cotisations au Fonds des services de santé, en hausse de 4,8 %.

Les recettes de l'impôt des sociétés ont également fortement progressé (+ 12,9 %) au premier trimestre, même si la croissance de l'économie est en deçà des attentes. « La rentabilité des entreprises demeure forte, donc je ne suis pas surpris », dit M. Leitao, qui souligne néanmoins que ces revenus sont plutôt volatils.

Côté revenus, deux points plus sombres : les recettes des taxes à la consommation sont stagnantes et les revenus des sociétés d'État sont en baisse (- 7,4 %), surtout en raison des profits moindres d'Hydro-Québec.

Bien que les exportations soient moins robustes qu'attendu, comme les investissements des entreprises d'ailleurs, Carlos Leitao demeure confiant dans l'atteinte de l'équilibre budgétaire. Il fait valoir que les indicateurs avancés du prochain trimestre laissent voir un enracinement de la croissance aux États-Unis, ce qui est de bon augure pour nos exportations.

Du côté des dépenses, c'est encore une fois la mission santé et services sociaux qui a accaparé le plus gros de l'augmentation au premier trimestre, avec une hausse de 4,4 %. Pendant ce temps, les autres secteurs (éducation, soutien aux personnes, etc.) stagnaient ou reculaient légèrement.

Dans le cas de l'éducation, faut-il savoir, les autorisations de dépenses additionnelles promises par les libéraux ont été transmises en juin au réseau, ce qui devrait se refléter au cours des prochains trimestres.

Tout pris en compte, les dépenses de programmes du gouvernement ont progressé de 1,9 % durant le trimestre, soit moins que la moyenne annuelle prévue pour l'année complète (2,7 %).

Enfin, il faut le préciser : le déficit de 529 millions du premier trimestre est calculé après le versement au Fonds des générations, qui sert à rembourser la dette. Sans ce versement, de 511 millions, le Québec aurait eu un très léger déficit de 18 millions.

Bref, pas de retour de l'austérité en vue... Ouf !