Le débat sur l'accueil des immigrants a comme fâcheuse conséquence de classer dans deux camps distincts ce qui semblerait être les pro et les anti-immigrants. Pas moyen d'en discuter sans opposer ouverture et xénophobie.

Dernièrement, le premier ministre Philippe Couillard accusait François Legault de « souffler sur les braises de l'intolérance » parce qu'il remettait en question la proposition gouvernementale de faire passer de 50 000 à 60 000 le nombre annuel de nouveaux immigrants.

De son côté, le PQ a mandaté le député né au Cameroun Maka Kotto pour prendre position contre une hausse à 60 000 du nombre de nouveaux arrivants. Couillard est-il ouvert, et Kotto, raciste ?

L'impact de l'immigration sur la société d'accueil et sur les immigrants eux-mêmes a fait l'objet de quelques études sérieuses. Une des plus récentes et des plus complètes est celle du duo Gilles Grenier et Brahim Boudarbat. J'en ai traité dans une chronique en mars 2015 et je n'y reviendrai pas en détail.

Disons simplement que le rapport constate que l'intégration des immigrants se fait bien plus difficilement au Québec que dans le reste du Canada. Le taux de chômage des immigrants (11,2 % en 2011) est presque deux fois plus élevé que celui des natifs d'ici (6,5 %), alors qu'en Ontario, l'écart est marginal. Même constat pour les salaires.

La différence peut être attribuable à une méfiance des employeurs, à une mauvaise adéquation avec les emplois disponibles ou encore à des diplômes obtenus à l'étranger qui sont parfois de moindre qualité que ceux des immigrants des autres provinces. En somme, la situation est difficile pour nos immigrants et en plus, elle « constitue un fardeau pour les contribuables à court terme », notent les auteurs, qui recommandent de ne pas augmenter le niveau actuel de 50 000 immigrants par année.

Cela dit, on a souvent tendance à penser que l'immigration est bien plus importante dans certains pays d'Europe qu'ici, notamment en France et au Royaume-Uni. Et inversement, on entend que les pays scandinaves n'ont pas de problèmes d'intégration parce qu'ils accueillent peu d'immigrants.

À ce sujet, je suis tombé sur un site internet vraiment intéressant de l'Université de Sherbrooke intitulé Perspective Monde. Le site compare une vingtaine des principaux indicateurs socioéconomiques de la plupart des pays dans le monde : taux de natalité, taux de mortalité, indice de développement humain, population, etc.

Parmi les indicateurs, il y a la proportion de la population qui est née à l'extérieur du pays, ou, autrement dit, la proportion d'immigrants de première génération. Les données sont très fiables : elles viennent de la Banque mondiale.

Que disent les chiffres ? Au Canada, la proportion d'immigrants est restée stable entre 1960 et 1985, à 15 %, et a augmenté progressivement par la suite pour atteindre 21,2 % en 2010 (année la plus récente disponible).

En France, cible de récents attentats terroristes, on aurait tendance à penser qu'il y a beaucoup plus d'immigrants qu'ici, toute proportion gardée. Or, les immigrants constituent seulement 10 % du total de la population et cette proportion est stable depuis 40 ans. Même constat en Belgique ou au Royaume-Uni, où la proportion est d'environ 10 % également.

Les États-Unis ont une courbe de progression presque identique à celle de la Suède. La proportion d'immigrants était d'environ 6,5 % en 1970 et elle avoisine les 14 % aujourd'hui, bien en-dessous du Canada. Enfin, la Hongrie, qui a été le théâtre d'actes disgracieux avec le passage des réfugiés, compte moins de 4 % d'immigrants de première génération dans sa population.

Bref, les chiffres ont tendance à remettre les choses en perspectives et à confondre les perceptions.

Le Québec dans tout ça ? Y a-t-il ici plus ou moins d'immigrants qu'en France ou en Suède ? Le site de l'Université de Sherbrooke ne fournit pas les indicateurs par province, malheureusement. Toutefois, elles sont disponibles à Statistique Canada.

Ainsi, en 2011, le Québec comptait 12,6 % d'immigrants, soit davantage qu'en France ou en Belgique, mais bien moins que la moyenne canadienne de 21 %. L'Ontario et la Colombie-Britannique ont le plus gros contingent d'immigrants récents (environ 28 %) et Terre-Neuve, le plus petit (1,8 %).

Il y aura donc encore de la place pour hausser l'immigration au Québec, éventuellement, mais il faudra d'abord mieux sélectionner nos immigrants en fonction des besoins du marché du travail et les employeurs devront faire plus grand effort pour leur faire une place.