Bien des lecteurs m'ont fait des suggestions intéressantes pour mon conteneur destiné à l'exportation. Lundi dernier, je demandais quels produits mettre dans mon conteneur, en plus du sirop d'érable, des « 2 par 4 » ou des carcasses de porcs, dans le contexte de la baisse du dollar canadien.

S'il est une chose à laquelle je n'avais pas pensé, c'est bien les voitures d'occasion. Quelques lecteurs m'ont éveillé à cette nouvelle réalité : la chute du huard rend nos voitures d'occasion soudainement bien moins chères pour les Américains. Et en fouillant, j'ai été estomaqué.

D'abord, un petit rappel : en 2008, j'ai personnellement profité de la forte hausse du huard pour me procurer un véhicule aux États-Unis, que je possède encore. Les autos neuves étaient alors bien moins chères aux États-Unis qu'au Canada. L'achat de ma Toyota Camry américaine m'avait fait économiser 3600 $.

30 % MOINS CHER AU CANADA

Or voilà, la situation est exactement l'inverse aujourd'hui. Les voitures vendues au Canada sont bien meilleur marché que celles aux États-Unis. C'est vrai pour les véhicules d'occasion, mais aussi pour les voitures neuves. Ma petite enquête sur trois différentes marques et quatre années modèles m'a permis de constater un écart qui peut dépasser 30 % !

Des exemples ? Dans la région de Montréal, il est possible de trouver une Camry LE 2012 avec environ 80 000 km au compteur pour 14 900 $ CAN. Aux États-Unis, un véhicule également certifié par Toyota aux mêmes caractéristiques est offert à 15 300 $. Quand on ramène tout en dollars canadiens, l'auto au Canada revient environ 5500 $ moins cher (37 %).

Même constat pour le camion Ford F-150, certifié par le concessionnaire. Le modèle V6 de 2014 avec 30 000 km au compteur se vend environ 46 900 $CAN au Canada et 42 900 $ US aux États-Unis. En tenant compte du taux de change, l'écart est de 9900 $CAN (21 %).

Évidemment, il faudrait avoir le prix après négociations et prendre une loupe pour comparer les détails, mais il est très peu probable qu'on comble un tel écart de prix. Et j'ai utilisé une valeur prudente pour le huard : 75 cents US, soit environ 5 cents de plus que le cours actuel.

LES EXPORTATEURS EN PROFITENT

Les négociateurs américains ont flairé l'affaire. Chez l'encanteur de voitures Adesa, à Saint-Eustache, on constate une recrudescence marquée de l'intérêt pour l'exportation. Des acheteurs américains, mais également canadiens, profitent de la chute du huard pour acheter ici et revendre aux États-Unis.

Adesa vend aux concessionnaires et grossistes des véhicules auparavant loués. Les grosses cylindrées sont plus populaires, notamment les pick-up, en raison de la demande aux États-Unis, mais aussi parce que le prix de revente doit être suffisamment élevé pour couvrir les frais, notamment le transport. « C'est un phénomène pancanadien », explique Simon Robitaille, directeur général d'Adesa.

Les modèles prisés sont ceux pour lesquels les mises aux normes exigées par les agences américaines sont peu importantes. C'est le cas du Ford F-150 ou du Dodge Ram, par exemple.

Et les acheteurs n'ont pas nécessairement besoin de se déplacer. Ils peuvent acheter à distance après consultation des données techniques et financières des voitures (Black Book, Carfax, etc.). Un véritable marché !

Oui, mais les droits de douane ? Nada. Les voitures construites en Amérique du Nord sont essentiellement exemptes de droits de douane.

Oui, mais les taxes de vente ? Pas un gros problème : les acheteurs américains doivent payer la TPS de 5 % au Canada, mais pas la TVQ de près de 10 %. En revanche, ils doivent souvent acquitter aux États-Unis une taxe de vente de l'État de résidence, selon ce que je comprends, de même qu'une taxe sur les émissions polluantes (environ 1000 $). Autrement dit, les frais apparaissent relativement semblables d'un côté et de l'autre de la frontière.

En fouillant, on constate qu'il y a également un écart de prix substantiel pour les véhicules neufs. Dans le cas d'une Camry LE 2016, l'écart atteint 24 %, tandis que pour un Ford F-150, il peut grimper jusqu'à 33 % (voir tableau).

Le président du réseau de concessionnaires Groupe Park Avenue, Norman Hébert, note lui aussi une recrudescence de l'exportation, mais le phénomène touche les voitures d'occasion, constate-t-il, et non les voitures neuves. De plus, il intéresse surtout les grossistes et non les particuliers, en raison des formalités.

HAUSSE DES PRIX EN VUE ?

« Le phénomène pourrait faire augmenter le prix des véhicules d'occasion vendus au Canada, en particulier pour les véhicules utilitaires sport et les camions légers », dit M. Hébert.

Adesa publie d'ailleurs un indice du prix des véhicules de seconde main. Or, depuis 2010, l'indice est en croissance constante, au fur et à mesure de la chute du dollar canadien (voir graphique).

En somme, la dégringolade du huard crée des occasions d'affaires pour les gros acheteurs, canadiens ou américains, qui revendent aux États-Unis. Elle pourrait aussi majorer le prix de votre voiture lors de la revente. Malheureusement, la chute du huard risque aussi de vous obliger à allonger plus de bidous lors du prochain achat...

INFOGRAPHIE LA PRESSE

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