Le Québec bénéficie-t-il de son réseau d'écoles secondaires privées nettement plus étendu qu'ailleurs au Canada ? Ou, au contraire, en souffre-t-il ?

Dans une récente chronique, je faisais état d'une étude de l'économiste de l'Université du Québec à Montréal Pierre Lefebvre à ce sujet. Sa conclusion, essentiellement : si on compare deux élèves aux statuts socioéconomiques semblables, celui qui fréquente le privé obtient de meilleurs résultats aux tests internationaux PISA, en moyenne. Ce phénomène contribuerait à donner au Québec des élèves globalement mieux formés, public et privé confondus, dit-il.

Cette conclusion a fait réagir. Les tenants du public soutiennent que l'écrémage du privé appauvrit l'école publique, puisque les élèves plus faibles ne bénéficient plus de l'apport de leurs amis plus forts et plus motivés, entre autres. Il en serait ainsi dans les classes, mais également dans les activités parascolaires et en ce qui concerne l'engagement des parents.

La question de toujours : avec l'écrémage, les plus faibles du public perdent-ils davantage au change que ne gagnent les plus forts du privé ?

À cet égard, l'enseignant de Trois-Rivières Luc Martin a fait une analyse intéressante, qui va dans le sens presque inverse des conclusions de Pierre Lefebvre. Luc Martin n'est ni économiste ni mathématicien, et son analyse n'a pas de prétentions scientifiques. Son constat est toutefois frappant.

Son postulat : si le privé améliore globalement les résultats de l'ensemble des élèves, les régions du Québec qui comptent nettement plus de privé devraient avoir des résultats nettement supérieurs, privé et public confondus.

Or, cette relation n'est pas évidente, constate-t-il après analyse des résultats des élèves de 4e et 5e secondaire aux épreuves ministérielles dans les 15 régions du Québec (1).

C'est à Montréal et en Estrie que la proportion du privé au secondaire est la plus importante, avec un peu plus de 32 % des élèves. À l'autre bout du spectre, les régions de l'Abitibi-Témiscamingue et de la Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine n'ont pas de secteur privé.

Y a-t-il des différences de résultats ? Très peu. En 2014, 86,4 % de l'ensemble des élèves québécois présents aux épreuves ont réussi les examens. Or, cette proportion a été de 85,8 % à Montréal et de 87,7 % en Estrie, privé et public confondus, tandis qu'elle a été de 86,5 % en Abitibi et de 86,8 % en Gaspésie.

Autrement dit, il n'y a guère plus d'élèves qui réussissent dans les deux secteurs où le privé a une forte présence que dans les deux où il est absent, remarque-t-il. Quand on élargit l'analyse à l'ensemble des régions, le taux de réussite semble corrélé avec une plus grande présence du privé, mais l'écart est faible. Son illustration graphique, dans l'onglet précédent, est éloquente.

Bref, le privé aurait un effet presque neutre, selon ses observations : il ne favoriserait guère la réussite globale d'une région, pas plus qu'il ne la défavoriserait.

Comme on pouvait s'y attendre, toutefois, Luc Martin constate que la forte présence du privé dans une région va de pair avec de faibles résultats au public dans cette région.

Dans les régions où la proportion d'élèves au privé est importante (plus de 20 % des élèves), l'écart entre le taux de réussite privé-public est de 12,2 points de pourcentage en faveur du privé. À l'inverse, dans les régions où le privé est peu présent (moins de 20 % des élèves), l'écart de taux de réussite privé-public favorisant le privé tombe à 9,1 points. Luc Martin croit que l'effet d'écrémage du privé se fait sentir au détriment du public.

Pour ma part, j'aime bien m'attarder aussi aux notes moyennes que les élèves ont obtenues aux examens, en plus de la proportion qui a réussi ceux-ci.

À cet égard, l'analyse favorise les régions où le privé est très présent, mais encore faiblement. Par exemple, en 2014, dans les six régions où le privé est très présent (plus de 20 %), la note moyenne a été de 72,6 %, comparativement à 71,8 % dans les six régions où le privé est le moins présent.

Au final, les résultats globaux sont un peu meilleurs dans les régions où le privé est présent, mais de peu. Et les mêmes observations peuvent être faites pour 2013, essentiellement.

Évidemment, il s'agit d'une analyse très sommaire, qu'il faudrait pousser davantage. Plusieurs autres variables possiblement explicatives des résultats scolaires devraient être testées, comme la scolarité et la rémunération des parents, le taux d'activité dans la région, la taille des écoles, la langue maternelle des élèves, etc.

De plus, il faudrait voir dans quelle mesure les écoles publiques à vocation particulière, où les élèves sont sélectionnés, viennent influencer les comparaisons. C'est le cas des écoles d'éducation internationale, par exemple.

Il reste qu'à première vue, les résultats aux examens des élèves du secondaire ne semblent pas accréditer la thèse voulant que l'école privée ait une influence marquante sur les résultats d'ensemble, positive ou négative.

Les données sur la réussite sont publiques et aisément accessibles sur plusieurs années. Elles sont également ventilées par discipline (mathématiques, français, histoire, etc.). Des chercheurs intéressés ?

(1) Le Nord-du-Québec et la Côte-Nord ont été exclus en raison du manque de fiabilité des données.