Le scandale de l'athlétisme russe frappe l'imaginaire. Même les autorités russes incitaient les athlètes à se droguer pour améliorer leurs performances et gagner des médailles, selon une enquête.

Bien que le scandale touche précisément le pays de Vladimir Poutine, il illustre à quel point l'obtention de médailles est importante pour les pays participants. Ces trophées des athlètes rejaillissent sur la fierté nationale et le sentiment de puissance des pays participants.

Dans ce contexte explosif, il est intéressant de s'interroger sur les principaux éléments qui permettent aux divers pays de faire monter des athlètes sur le podium. Or, des économistes du Québec se sont justement penchés sérieusement sur la question, dernièrement, en analysant les résultats des six Jeux olympiques d'été entre 1992 et 2012.

L'athlète Paul Blais-Morisset en a fait son mémoire de maîtrise, conjuguant sa passion pour le sport et l'économie. Il a été dirigé par ses professeurs d'économie Bernard Fortin et Vincent Boucher, de l'Université Laval.

Objectif de l'étude, unique en son genre: vérifier si les fonds consacrés aux sports améliorent vraiment les performances des athlètes et, spécifiquement, s'ils contribuent à l'obtention d'un plus grand nombre de médailles aux Olympiques. L'étude économétrique vient d'être publiée par le CIRANO (https://www.cirano.qc.ca/files/publications/2015s-39.pdf).

D'abord, un mot sur Paul Blais-Morisset: le nageur de 26 ans a une passion pour les sports de performance. L'économiste maintenant aux services du ministère des Finances du Québec a traversé les 32 km du lac Saint-Jean à quatre reprises, dont une fois en sept heures et cinq minutes. Pour le lac Memphrémagog (34 km), ses trois traversées ont duré environ huit heures trente minutes chacune, soit tout le temps qu'il fallait pour s'interroger sur les budgets alloués aux sports.

Pour vérifier l'incidence de l'argent sur les performances olympiques, les chercheurs ont mis en relation les budgets globaux consacrés aux sports et aux loisirs de 53 pays avec le nombre de médailles obtenues au cours des six derniers Jeux d'été. Ils ont également pris en considération d'autres facteurs, comme l'importance de la population des pays visés et leur richesse relative.

Leurs résultats sont fort intéressants et significatifs. Avant de s'y pencher, précisons que les chercheurs n'ont pas bêtement tenu compte de la hausse des budgets, mais plutôt de leur hausse relative par rapport à ceux des autres pays. Car bien sûr, si tous augmentent leurs budgets, tous devraient devenir plus compétitifs. Or, le nombre de gagnants, lui, ne change pas. Il faut donc surtout se soucier de la hausse des budgets par rapport aux autres. Ce raisonnement relatif est le même pour l'importance de la population.

Voyons voir. D'abord, les chercheurs ont constaté qu'il y avait une relation statistiquement très significative entre les budgets globaux relatifs consacrés aux sports et les résultats olympiques. Même constat, évidemment, pour l'importance de la population.

Selon leur étude, un pays aux caractéristiques moyennes «doit investir entre 72 et 94 millions US de plus par année pour accroître d'une médaille son positionnement sur la scène sportive internationale». Dit autrement, une médaille coûterait environ 110 millions CAN à un pays moyen, en supposant que les budgets demeurent constants dans les autres pays.

Selon l'analyse, le pays moyen compte une population de 57 millions d'habitants, remporte 11 médailles par Jeux et ses dépenses globales dans les sports et les loisirs seraient de quelque 3,5 milliards par année (amateur et élite, infrastructures comprises, olympiques ou autres).

En ce qui concerne la population, les chercheurs ont constaté que ce pays moyen pourrait s'attendre à obtenir une médaille de plus avec une hausse relative de 6% de sa population (soit une augmentation de 6% de plus que la hausse ailleurs).

Autre élément très significatif: l'augmentation du nombre de médailles qu'obtiennent systématiquement les pays hôte des Jeux. «Nous estimons qu'un pays hôte aux caractéristiques moyennes remporte 43,6% de médailles supplémentaires par rapport à sa performance si les Jeux n'avaient pas été à domicile.»

Ce phénomène a aussi été constaté dans d'autres études. Les Jeux de Pékin en 2008, où la Chine a beaucoup amélioré ses performances, a tiré les résultats vers le haut.

Ce genre de recherches a évidemment ses limites. La traduction chiffrée des analyses de corrélation doit être interprétée avec prudence. Et l'étude serait encore plus intéressante si elle se penchait strictement sur les effets des budgets alloués aux sportifs d'élite, dont les données internationales sont difficiles à obtenir.

Il reste que l'étude démontre éloquemment que l'importance qu'un pays accorde aux sports et les fonds qui y sont consacrés améliorent significativement les résultats aux Olympiques.

Enfin, l'étude n'a pas mesuré les effets de la drogue sur les résultats globaux. En supposant qu'on puisse quantifier le phénomène par pays, on peut penser qu'il y aurait une forte incidence sur le nombre de médailles, bien entendu. À voir ce qui se passe avec les Russes, cependant, ce raccourci est en train de miner la fierté nationale, plutôt que de contribuer à l'objectif ultime des fonds dépensés, soit la rehausser...