Le cadre financier du parti de Stephen Harper est une illustration éloquente du fossé qui sépare les conservateurs des libéraux et des néo-démocrates.

Le document rendu public vendredi fait 177 pages, tandis que celui des deux autres partis tient dans 16 pages. Le cadre du Parti conservateur (PC) renferme 64 promesses de dépenses, autant que les deux autres partis réunis. Par contre, les conservateurs promettent un surplus budgétaire de 2,7 milliards de dollars au cours de la première année, tandis que les libéraux parlent d'un déficit de 16,5 milliards. Bref, c'est le jour et la nuit.

Voyons voir comment se décline la plateforme financière des conservateurs, baptisée Notre plan conservateur pour protéger l'économie. Les colonnes de chiffres se cachent dans les quatre dernières pages du document de 177 pages.

D'abord, il faut savoir que deux des promesses les plus coûteuses des conservateurs ne se trouvent pas dans le cadre financier puisqu'elles ont été intégrées dans le dernier budget, en avril 2015. La première est le fractionnement du revenu familial, une promesse de 2 milliards par année qui permet aux conjoints d'une même famille de réduire leurs impôts. La deuxième est la hausse du plafond du compte d'épargne libre d'impôt (CELI) de 5500$ à 10 000$, dont la facture annuelle grimpera jusqu'à 360 millions.

Les partis de Justin Trudeau et de Thomas Mulcair ont tous deux annoncé qu'ils aboliraient ces deux mesures s'ils prenaient le pouvoir et que les fonds ainsi dégagés serviraient à financer d'autres projets.

Outre ces 2,4 milliards de dollars de promesses, les conservateurs sont très modestes, respectant en cela leur credo d'équilibrer le budget sans augmenter les impôts. Ainsi, après le CELI et le fractionnement du revenu, la promesse qui coûterait le plus cher est le crédit d'impôt à la rénovation, qui représente une facture variant entre 185 millions et 1,5 milliard. On est loin des hausses de dépenses d'infrastructures des libéraux (5 milliards) ou du programme de garderie à 15$ de néo-démocrates (2,5 milliards).

Pour compenser cette frugalité dans les montants, les conservateurs ont multiplié les petites, sinon les minuscules promesses. Parmi les 64 mesures du cadre se trouvent, par exemple, des fonds pour faire un lieu historique avec la maison d'enfance de John Diefenbaker (150 000$ par année), constituer une base de données sur la spéculation immobilière étrangère (500 000$) ou financer le retrait des bateaux abandonnés sur les côtes (1 million).

Fait à noter, les prévisions du cadre des conservateurs se basent sur celles du budget d'avril 2015. Or, la plupart des économistes ont révisé à la baisse ces prévisions, notamment à cause de la récession. On a même reproché aux néo-démocrates d'avoir construit leur propre cadre sur ces projections dépassées. Il faut donc prendre avec scepticisme les surplus annuels promis par les conservateurs (2,7 milliards), surtout durant les deux premières années.

Peut-être est-ce la raison qui explique que les conservateurs promettent de nouveau de serrer la vis aux fonctionnaires fédéraux en gelant les budgets de fonctionnement du gouvernement pendant un an. Ce gel rapporterait près de 600 millions par année de façon récurrente.

PTP et compensations aux agriculteurs

Par ailleurs, le cadre financier du PC nous permet d'en savoir plus sur l'incidence budgétaire des compensations offertes à certains agriculteurs dans la foulée du Partenariat transpacifique (PTP).

Dans l'année suivant l'entrée en vigueur du PTP, en 2017-2018, le gouvernement verserait 259 millions pour aider les agriculteurs. Cette somme passerait à 306 millions, puis à 325 millions au cours des deux années suivantes.

Environ la moitié de cette somme, soit 150 millions, serait versée aux producteurs de lait, d'oeufs et de volaille pour compenser la baisse de valeur de leurs quotas. Un fonds serait aussi créé pour aider les transformateurs alimentaires à moderniser leurs installations et à mieux commercialiser leurs produits (de 70 à 103 millions par année).

Le volumineux cadre financier des conservateurs donne l'impression que le parti de Stephen Harper a voulu montrer aux électeurs qu'il a un programme élaboré, une vision. Dans les faits, les conservateurs veulent plutôt minimiser les dépenses et l'intervention de l'État dans l'économie.

En soi, ce credo conservateur peut se défendre puisqu'un cycle de déficit peut rapidement réapparaître avec un nouveau ralentissement économique, ce qui obligerait le gouvernement à faire de nouvelles compressions douloureuses. Le document de 177 pages envoie plutôt le message inverse et semble vouloir combler l'absence de grands projets porteurs par un saupoudrage de petites mesures.

LE CADRE FINANCIER DES CONSERVATEURS DE STEPHEN HARPER

2016-2017 / 2019-2020

(1re année) / (4e année)

(en millions de dollars)

Dépenses additionnelles

Crédit d'impôt pour la rénovation 185 / 1480

Crédit d'impôt pour les aînés célibataires 23 / 315

Fonds pour compenser le PTP 52 / 325

Les 61 autres mesures 330 / 879

Dépenses totales 590 / 2999

Recettes additionnelles

Gel des budgets de fonctionnement 565 / 610

Surplus déjà prévus par le budget 2015 2700 / 7800

Revenus totaux 3265 / 8410

Surplus budgétaires 2675 / 5411

Source : Parti conservateur