Difficile de le nier: les écarts de revenus entre les riches et les pauvres se sont accentués. Le phénomène est mondial, mais il est plus criant aux États-Unis, au Royaume-Uni... et au Canada.

Il y a deux ans, j'ai épluché les données canadiennes et mondiales sur le sujet, et les conclusions sont limpides. Le 1% des contribuables les plus riches accaparait 12,2% de tous les revenus avant impôt au Canada, comparativement à 9,6% il y a 20 ans. En comparaison, le bond est de 4,1 points aux États-Unis, à 16,7%, et de 5,2 points au Royaume-Uni, à 13,9%.

Même après impôt, l'écart s'est accru. Au Canada, les revenus après impôt de ce groupe de riches avaient progressé de 61% en près de 20 ans, comparativement à 18% pour le reste de la population.

Dans ce contexte, on peut difficilement qualifier de non pertinente la proposition du Parti libéral du Canada (PLC) de hausser les impôts des riches pour diminuer ceux de la classe moyenne.

Selon les chiffres les plus récents de Statistique Canada, un particulier doit déclarer des revenus avant impôt de 226 300$ pour faire partie des 1% les plus riches au Canada. Et les revenus moyens individuels des membres de ce groupe sont de 496 900$.

Essentiellement, le parti de Justin Trudeau veut hausser de quatre points de pourcentage le taux d'imposition maximum des particuliers gagnant plus de 200 000$. Le PLC espère en récolter 2,8 milliards de dollars, qu'il veut redistribuer en totalité à la classe moyenne (définie comme ayant des revenus individuels de 45 000 à 90 000 $). Le chèque serait d'au maximum 650 $ par année pour les contribuables visés.

Un tel transfert serait impensable à l'échelle du Québec. D'abord, l'écart entre les riches et les pauvres est moins criant. Ensuite, le Québec est déjà la province qui impose le plus ses riches, et toute hausse provinciale risque de les faire fuir à l'extérieur, notamment vers d'autres provinces.

À l'échelle canadienne, la suggestion est moins dommageable, notamment pour le Québec, bien que les États-Unis exercent un puissant attrait sur les Canadiens bien nantis, pour des raisons fiscales ou autres. Déjà, des PDG d'entreprises montréalaises comme Alain Bédard, de Transforce, et Gregory Yull, d'Intertape Polymer, vivent en Floride, où le taux d'imposition maximum est de 40% (50% au Québec). Pour sa part, Joel Leonoff, patron de la firme montréalaise Optimal Payments, a son adresse de résidence à Gibraltar (taux de 28%).

Nul doute que plus les impôts montent, plus cette catégorie de contribuables très riches risque d'emporter ses pénates ailleurs. Et plus les équipes canadiennes de hockey auront du mal à attirer ou à retenir des joueurs vedettes, surtout avec la chute du dollar canadien. N'empêche, le phénomène d'écart de revenus s'accentue, il faut s'en préoccuper, et mieux vaut le faire à l'échelle canadienne que québécoise.

Infrastructures

L'autre gros morceau du cadre financier des libéraux est le programme d'infrastructures. Les libéraux y consacreraient de 3,5 à 5,0 milliards par année durant les quatre premières années (60 milliards sur 10 ans), soit environ 31% des dépenses de leur programme. Ces investissements seraient les principaux responsables des déficits de près de 10 milliards pour chacune des deux premières années du mandat.

Ce que j'en pense? S'endetter pour investir dans des infrastructures stratégiques n'est pas déraisonnable pour le Canada, dont l'endettement net est, de loin, le plus faible des pays du G7. Le problème, c'est qu'une fois enclenché le cycle des déficits que provoquent ce genre d'emprunts, les gouvernements ont beaucoup de difficultés à revenir à l'équilibre budgétaire.

D'ailleurs, s'il est une chose qu'on ne peut reprocher aux conservateurs, c'est d'avoir eu le courage de revenir au déficit zéro. Les décisions étaient parfois contestables, mais aujourd'hui, elles changent clairement les perspectives financières.

Le plan libéral, comme celui du NPD, compte justement profiter de cet assainissement relatif des finances fédérales pour engraisser ses programmes. À la quatrième année d'un premier mandat, les surplus déjà prévus grâce aux conservateurs permettraient de financer 41% du programme libéral et 33% de celui du NPD.

Les libéraux proposent également d'augmenter les prestations aux enfants de plus de 20% (ou 3,8 milliards), ce qui représente un peu moins du quart de leur programme.

Pour le reste, le plan libéral ressemble beaucoup à celui du NPD: rétablissement du financement à Radio-Canada, retour des crédits d'impôt pour les fonds de travailleurs, abolition du fractionnement du revenu et du nouveau plafond du CELI, suppression des subventions pour l'énergie fossile, dégonflement de la déduction pour options d'achat d'actions, plan d'aide pour les anciens combattants, etc.

En somme, le plan libéral est intéressant, mais il exige des électeurs qu'ils fassent confiance à la discipline des libéraux pour ne pas retomber dans un cycle de déficits. Pour ma part, je suis un chat échaudé qui craint l'eau froide.

Plan financier du Parti libéral du Canada: https://www.liberal.ca/files/2015/09/Plan-financier-du-parti-liberal-et-etablissements-des-couts.pdf