Si j'étais le ministre de l'Éducation, je ne m'intéresserais pas aux écoles qui ont les meilleures notes. Et je ne me ferais pas nécessairement de soucis pour les écoles qui présentent les pires moyennes.

Non, si j'étais le ministre de l'Éducation, je m'attarderais surtout aux écoles dont les élèves ont des résultats anormaux, compte tenu du profil socio-économique du quartier. Et je demanderais des comptes à leurs directeurs.

Comment expliquer qu'une école d'un quartier pauvre obtienne de bien meilleures notes que les écoles d'autres quartiers semblables, dont les ressources sont pourtant les mêmes? Inversement, comment justifier les résultats catastrophiques des élèves d'une école d'un quartier cossu, où l'on se serait attendu à bien mieux?

Si j'étais le ministre de l'Éducation, je jetterais un coup d'oeil attentif au palmarès des écoles primaires publié dans La Presse de samedi. Et je m'en inspirerais pour redresser les écoles qui sont nettement sous la moyenne attendue.

Dans ce palmarès, mes collègues Louise Leduc et Sylvain Gilbert ont analysé les notes des élèves de 6e année du primaire des écoles de la grande région de Montréal, en mathématique et en français.

Fait intéressant, ils n'ont pas comparé les écoles de quartiers riches d'Outremont avec celles de quartiers pauvres d'Hochelaga-Maisonneuve ou de Laval. Ils ont plutôt comparé les écoles de milieux socio-économiques semblables, tels que définis par un indice qui a fait ses preuves. Cet indice IMSE tient compte de deux éléments, soit la sous-scolarisation des mères et le taux d'inactivité des parents (qu'on assimile parfois au chômage).

Ainsi, le palmarès permet de faire ressortir que les meilleures écoles ne sont pas nécessairement celles qui obtiennent les meilleures moyennes, mais plutôt celles qui surpassent nettement les notes des écoles de milieux semblables.

Avec cet outil, il est donc possible d'apprécier le travail des enseignants, des professionnels et de la direction, indépendamment de leur clientèle. Et de voir dans quelle mesure les méthodes de l'équipe-école contribuent à améliorer le résultat attendu de leurs élèves, compte tenu du milieu socio-économique.

Des exemples? Cinq écoles de quartiers défavorisés obtiennent des moyennes de plus de 80% aux examens de math et de français, soit neuf points de plus que la moyenne des écoles de quartiers semblables (71%). Ces écoles sont toutes situées sur le territoire de la Commission scolaire de Montréal (CSDM).

En comparaison, les élèves de quatre écoles de quartiers favorisés obtiennent moins que 71% aux mêmes examens, alors que la moyenne des écoles de quartiers semblables est de près de 77%. Aucune n'est de la CSDM.

Comment une école d'un milieu défavorisé parvient-elle à faire nettement mieux que ses pairs et même que des écoles de quartiers cossus? Vite, on veut connaître leurs secrets. À l'inverse, comment une direction d'école peut-elle justifier de médiocres résultats, bien inférieurs à la norme des écoles semblables?

Si j'étais le ministre de l'Éducation, je voudrais savoir. Mieux: je m'assurerais que des correctifs soient apportés pour que les résultats des écoles déviantes s'améliorent, sur un horizon de cinq ans.

Bien sûr, le palmarès a ses limites. Une école à vocation particulière, qui choisit ses élèves, a bien sûr de meilleures moyennes. De plus, cette sélection des meilleurs élèves a tendance à affaiblir les autres écoles du même quartier, ce qui rend les comparaisons boiteuses.

Idéalement, il faudrait aussi avoir une moyenne des notes aux examens sur quelques années et tenir compte de la dispersion des notes (l'écart entre les plus faibles et les plus forts d'une même école). De plus, il faudrait vérifier dans quelle mesure les écoles pourraient avoir tendance à être plus ou moins sévères dans la correction des examens du Ministère ou à doper les notes pour mieux paraître.

Il reste que de tels résultats, bien qu'imparfaits, peuvent servir à identifier les écoles à succès, dont il faut s'inspirer, et à cibler les écoles déviantes. À la limite, ils pourraient même faire ressortir le travail exceptionnel de certains profs, les Wayne Gretzky de leur profession.

Les commissions scolaires n'endossent pas les classements de ce genre et doutent de leur utilité. De leur côté, les syndicats dénoncent leur «logique marchande», c'est-à-dire le magasinage d'écoles qui peut découler de tels palmarès. Pourtant, les parents n'ont pas le loisir de choisir l'école primaire publique de leurs enfants au Québec: ils doivent s'en remettre à l'école de quartier, à moins de quémander des dérogations particulières ou de déménager dans un autre quartier.

Le Québec a des cibles très ambitieuses de lutte contre le décrochage scolaire au cours des prochaines années. Or, il est bien connu que les premières années scolaires des enfants ont une grande incidence sur leurs résultats futurs à l'école secondaire.

Le système d'éducation évalue les élèves plusieurs fois par année. Pourquoi ne pas évaluer également, avec parcimonie, les écoles et leurs équipes et exiger qu'elles non plus... ne décrochent pas?