Une des idées qui circulent par les temps qui courent est le remplacement d'une partie de l'impôt sur le revenu par une taxe de vente plus musclée. Au Québec, la suggestion a été faite en mars par la Commission d'examen sur la fiscalité, présidée par Luc Godbout.

Essentiellement, la commission suggère de diminuer l'impôt sur le revenu des particuliers de 4,4 milliards, mais de hausser la TVQ de 1,03 point de pourcentage (1,3 milliard de dollars) et d'éliminer une série d'exemptions fiscales (1,1 milliard), entre autres. La TVQ est plus efficace à recueillir que l'impôt et nuit moins à l'économie.

Les détracteurs soutiennent que la taxe de vente est régressive, contrairement à l'impôt sur le revenu. Autrement dit, elle a pour effet d'imposer pareillement les pauvres et les riches. Les pauvres seraient même frappés davantage, puisqu'ils consomment tout le revenu qu'ils gagnent.

Les adeptes de ce changement répondent que des crédits sont accordés aux moins nantis pour contrer ces effets. Qui plus est, disent-ils, la redistribution de la richesse se fait bien davantage par des transferts sociaux que par la fiscalité. Dans les pays scandinaves, la fiscalité expliquerait seulement 17 % de la redistribution, contre 83 % pour les transferts sociaux. Pourtant, la taxe de vente (ou plutôt la taxe sur la valeur ajoutée ou TVA) est de 25 % en Suède et au Danemark.

Quoi qu'il en soit, l'idée de doper la TVA pour éliminer l'impôt sur le revenu fait aussi son chemin ailleurs. Aux États-Unis, le sénateur Ben Cardin a récemment proposé d'éliminer presque totalement l'impôt sur le revenu et de le remplacer par une TVA semblable à notre TPS fédérale.

La proposition du sénateur a été analysée par l'organisme Tax Foundation, de Washington, qui estime qu'elle serait même avantageuse pour les gagne-petit, en plus de favoriser la croissance économique. Ben Cardin est le sénateur démocrate de l'État du Maryland depuis 2006. Sa suggestion est inspirée par les travaux du professeur Michael J. Graetz, de l'Université Columbia.

Essentiellement, le sénateur propose d'éliminer totalement l'impôt sur le revenu des ménages qui gagnent moins de 100 000 $ et de réduire de moitié l'impôt fédéral sur les profits des entreprises (de 39 à 17 %). En échange, il suggère d'instaurer une TVA fédérale de 10 % qui serait semblable à notre TPS, en ce sens qu'elle imposerait la valeur ajoutée dans tous les secteurs. Actuellement, il n'y a pas de taxes de vente fédérales généralisées et les taxes de vente qui sont imposées par les États dans les commerces, qui demeureraient avec la réforme, varient entre 0 et 10 %.

Le sénateur Cardin soutient que l'objectif est de conserver un système de taxation aussi progressif malgré la nouvelle taxe de 10 %, qu'il baptise d'ailleurs la Progressive Consumption Tax (PCT). Pour y parvenir, il propose notamment de compenser la régressivité de la taxe par de généreuses allocations pour les familles à faible revenu et la classe moyenne.

Le reste de la compensation, pour la classe moyenne, viendrait de l'abolition de l'impôt pour les ménages qui gagnent moins de 100 000 $ (et les particuliers qui touchent moins de 50 000 $). Ceux qui font davantage verraient leurs revenus additionnels imposés progressivement de 15 % à 28 %. De plus, le gain en capital à long terme serait imposé à 100 %, comme un revenu de travail.

Le sénateur et son équipe ont évalué l'impact sur les contribuables. Essentiellement, les 30 % de contribuables qui gagnent le moins verraient leurs revenus nets après impôt et TVA augmenter de 6,6 à 11,2 %, tandis que les autres auraient aussi tous des effets positifs variant de 3,9 à 6,6 %. La hausse projetée serait environ deux fois plus importante, si l'on tient compte des effets dynamiques de la réforme sur la croissance économique.

Oui, mais comment tous peuvent-ils y gagner si les recettes du gouvernement fédéral sont les mêmes? En analysant la proposition, la Tax Foundation a justement constaté que le taux de TVA de 10 % proposé par Ben Cardin ne serait pas suffisant pour obtenir le même niveau de recettes fiscales. Il faudrait plutôt avoir une taxe de 14,2 % pour avoir un effet neutre.

«Le plan continuerait d'avoir des effets progressifs, quoique moins marqués, même si la taxe est haussée [à 14,2 %]», estime Michael Schuyler, l'analyste de la Tax Foundation.

La réforme permettrait aux entreprises américaines d'être plus concurrentielles, avec la baisse de leurs impôts. Actuellement, le taux combiné du fédéral et des États est de quelque 39 %, parmi le plus élevé au monde, et il descendrait à quelque 21 % (le taux combiné Québec-Ottawa est à 26,9 %). De plus, les particuliers seraient plus motivés à travailler, puisque leurs revenus seraient moins imposés.

Globalement, ces effets dynamiques feraient augmenter le PIB américain à long terme de 2,6 %, selon l'estimation de la Tax Foundation, même avec une taxe à 14,2 %.

Bref, la commission Godbout n'est pas la seule à penser qu'une réforme fiscale pourrait être bénéfique à l'économie. Il reste à voir si les changements québécois de TVQ ne feraient pas fuir davantage les consommateurs à l'externe, notamment sur l'internet, et si les compensations pour les moins nantis sauraient convaincre les détracteurs.