Il ne se passe pas une semaine sans qu'un lecteur, un parent, un ami me dise que le gouvernement devrait faire davantage pour contrer l'évasion fiscale avant de restreindre ses dépenses.

Le 12 avril, à l'émission Tout le monde en parle, Guy A. Lepage a notamment posé la question au ministre Martin Coiteux, reflétant ainsi la préoccupation populaire.

Il va sans dire qu'il y a encore beaucoup d'entrepreneurs en construction, de coiffeuses, de garagistes, de femmes de ménage et de restaurateurs qui sont payés au noir. De même, la fraude, l'évasion ou l'évitement fiscaux sont encore présents chez bien des entreprises et des particuliers.

Il reste que, dans les faits, jamais le gouvernement du Québec n'a été aussi actif pour récupérer son dû. Les citoyens crient contre les paradis fiscaux, à juste titre, mais il faut rappeler que les outils pour contrer ces abus internationaux sont essentiellement entre les mains du gouvernement fédéral.

Pour avoir le coeur net sur les efforts du Québec, j'ai survolé les budgets du gouvernement des 20 dernières années. Or, 12 de ces 20 budgets faisaient part d'offensives particulières pour contrer l'évasion fiscale. Les Landry, Séguin, Audet, Bachand, Marceau, Leitao ont tous mis de l'avant leur «vigoureux plan d'action» pour combattre le phénomène.

Les efforts sont donc bien réels. Quant aux résultats, ils sont aussi bien tangibles, selon les chiffres de l'Agence du revenu du Québec (ARQ).

En 2005, le gouvernement du Québec avait empoché 1,74 milliard de dollars avec ses activités de récupération fiscale. Ces activités englobent les contrôles, les vérifications, les enquêtes, les projets spéciaux et les divulgations volontaires, essentiellement.

Or, cette année, la somme récupérée est de 3,9 milliards, plus du double. En somme, n'eussent été ces efforts, le déficit du Québec serait vraisemblablement de 2,2 milliards de plus.

Il n'est pas possible d'avoir des comparaisons précises avec la situation d'il y a 20 ans, car les méthodes de comptabilisation ont changé. Tout de même, sous Bernard Landry, en 1997-1998, il était question d'environ 1,0 milliard de récupération fiscale, quatre fois moins qu'aujourd'hui.

Une autre façon de mesurer les efforts du gouvernement est de comparer la croissance des sommes récupérées avec la croissance économique. Depuis 2005, le produit intérieur brut (PIB) nominal a crû de 3,3% par année, en moyenne. En comparaison, les sommes récupérées par le fisc ont augmenté de 10,6% par année, en moyenne, soit trois fois plus vite.

Autrement dit, la récupération fiscale représentait 0,6% du PIB en 2005, comparativement à 1% en 2014, un bond prodigieux (à titre indicatif, les recettes fiscales totales du gouvernement du Québec équivalent à environ 25% du PIB).

Pour tirer le maximum, l'ARQ a embauché plus de 2000 employés depuis 2005 (elle en compte maintenant 12 344). Elle a également mis de l'avant une série de mesures contre l'évitement fiscal, punissant même les comptables qui offrent ces mesures à leurs clients.

De plus, l'agence a installé des modules d'enregistrement des ventes (MEV) dans les restaurants pour empêcher le contournement des taxes de vente. Et elle s'apprête à faire de même dans les bars.

Bref, le gouvernement a fait exploser sa récupération fiscale ces dernières années, à tel point qu'il juge avoir atteint un certain plafond. Dans le dernier budget Leitao, on indique même que la récupération reculera de quelque 300 millions cette année, à 3,6 milliards, une première depuis des lustres. On justifie la baisse par des résultats exceptionnels en 2013-2014. Le niveau de récupération se stabiliserait à 3,6 milliards pour les prochaines années.

Certains militants ont l'impression que le gouvernement du Québec fait preuve de laxisme et qu'il y a des montagnes d'argent caché, qui pourraient servir à régler nos problèmes de déficit, mais ce n'est pas le cas.

L'échappatoire des banques

Dans ma chronique sur l'échappatoire fiscale des banques, j'indiquais ne pas avoir eu de réponse du gouvernement fédéral quant à la somme précise qu'il espérait récupérer. La réponse est finalement venue après publication.

Ainsi, la seule des quatre échappatoires dont la récupération a pu être estimée par le fédéral est justement celle visant les banques. La somme évoquée dans la chronique (1,2 milliard sur quatre ans, dont 365 millions l'an prochain) concerne donc uniquement cette échappatoire et non les trois autres.