Pourquoi le gouvernement Couillard veut-il chambarder le régime de retraite de ses employés? Souhaite-t-il sauver le régime ou plutôt économiser pour le déficit zéro?

La question se pose à la lumière des données sur la bonne santé du principal régime, le RREGOP (538 000 cotisants actifs, dont des fonctionnaires, des enseignants et des infirmières) (1).

En vertu des offres, les employés du secteur public ne pourraient plus, dès 2017, prendre leur retraite sans pénalité avant l'âge de 62 ans. Actuellement, l'âge minimal sans pénalité est de 60 ans (2).

Non seulement l'âge minimal augmenterait de deux ans, mais aussi la rente annuelle versée lors d'une retraite prématurée serait réduite de 7,2% par année devancée, plutôt que 4%. Et cette rente serait déjà diminuée par le fait que son calcul serait basé sur les huit dernières années de service plutôt que cinq, selon les offres.

Au cours d'une rencontre avec les médias, les négociateurs patronaux ont fait valoir que «la volatilité des marchés demeure un facteur important pour la santé financière du RREGOP». De plus, ont-ils dit, le régime est victime du vieillissement de la population. Aujourd'hui, il y a seulement 2,5 participants au régime pour un retraité, trois fois moins qu'en 1996. Et cette tendance s'alourdira. Enfin, avant 1997, l'âge minimal de départ était de 62 ans.

Malgré cette démonstration, l'argument de la santé financière est contestable. Au printemps dernier, le taux de capitalisation du RREGOP était de 96%. Or, avec les bons rendements de la Caisse de dépôt et placement en 2014, où les fonds sont placés, ce taux grimpera autour de 100%. Autrement dit, le régime est pleinement en mesure d'assumer ses obligations envers les cotisants, même avec les critères actuels (60 ans, 4%, etc.), ce qui est bien différent des régimes municipaux.

Un bémol toutefois: cette évaluation de 96% est basée sur une hypothèse de rendement de 6,35% au cours des 10 prochaines années. Or, ce rendement est relativement optimiste. Les autres régimes de retraite, privés ou municipaux, ne peuvent utiliser un rendement de plus de 6% pour faire leurs calculs, en vertu de la loi.

Si le RREGOP était soumis à cette loi et au taux de 6%, son taux de capitalisation de 96% pourrait baisser d'environ trois points de pourcentage, selon certaines estimations. Le gestionnaire du RREGOP nous assure que les hypothèses de rendement sont adéquates et vérifiées par un actuaire du privé et par le Vérificateur général. Et le RREGOP, faut-il dire, est beaucoup plus imposant que les autres régimes et ses espérances de rendement sont probablement meilleures.

Autre raison possible des changements: les économies. Selon les négociateurs patronaux, les modifications au régime permettraient au gouvernement d'économiser environ 200 millions de dollars par année. C'est beaucoup d'argent dans le contexte du déficit zéro.

Or, comme les employés financent le régime à 50%, les modifications pourraient leur procurer 200 millions à eux aussi. Ce magot pourrait servir à réduire leurs cotisations annuelles et ainsi compenser pour le gel de salaires proposé par le gouvernement.

Cette année, l'employé au salaire moyen (51 627$) versera 4001$ au RREGOP, soit 1528$ de plus qu'il y a 10 ans. Une économie de 200 millions se traduirait par une réduction des cotisations sur chaque paye, ce qui s'apparenterait à une hausse de salaire.

Les cotisations employés-employeur pour le régime sont plutôt élevées. Elles représentent environ 16,8% du salaire moyen. Toutefois, elles sont moindres que dans bien des régimes municipaux. Et les bons rendements du RREGOP devraient les faire reculer.

Troisième raison possible: en fixant le changement à 2017, le gouvernement pourrait vouloir inciter des employés à prendre une retraite hâtive pour alléger sa structure. Si tel était le cas, il faudrait craindre des effets indésirables semblables aux départs massifs à la retraite sous Lucien Bouchard, qui avait privé le gouvernement d'un précieux savoir-faire.

À l'époque, le gouvernement n'avait pas eu le choix, bien souvent, de réembaucher certains employés à contrat. Ces derniers touchaient alors une double rémunération.

Quoi qu'il en soit, les parties syndicales et patronales ont demandé à l'administrateur du régime d'estimer quelle pénalité devrait être imposée pour faire en sorte que les retraites hâtives ne déséquilibrent pas le régime. Ces retraites hâtives sont prisées par certains enseignants et infirmières dont la tâche est pénible en vieillissant.

Actuellement, une infirmière ou un enseignant qui quitte son emploi à 55 ans voit sa rente réduite d'environ 20% (4% x 5 ans). Comme cette pénalité de 4% est anormalement basse, ce sont les employés plus jeunes qui financent les retraites hâtives des aînés, ce qui est injuste.

Cela dit, la pénalité de 7,2% proposée par le gouvernement est probablement trop élevée. La pénalité d'équilibre se situerait à près de 6%, comme pour d'autres régimes.

Chose certaine, quoi qu'il arrive, les employés du gouvernement n'ont pas trop à s'inquiéter pour leur retraite: leur régime est en bonne santé financière.

(1) Il s'agit du principal régime, soit le Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics.

(2) Le critère de 35 ans de service permettant de prendre une retraite sans pénalité en tout temps demeure.