Vous avez peut-être entendu parler des retombées économiques du projet d'oléoduc Énergie Est. Sinon, les chiffres reviendront probablement dans le débat au cours des prochains mois, au fil des audiences devant l'Office national de l'énergie (ONE).

Les chiffres sont gros. Tellement qu'il est difficile de s'y retrouver. Sur son site internet, le promoteur TransCanada avance que le projet de pipeline créera 4500 emplois au Québec, procurera 1,9 milliard de dollars de taxes et d'impôts aux gouvernements et augmentera le PIB de 5,8 milliards.

Sans être faux, ces chiffres méritent d'être clarifiés afin qu'on puisse bien prendre la mesure des impacts réels du projet au Québec. Pour y parvenir, il m'a fallu décortiquer deux documents de TransCanada déposés devant l'ONE. Ces deux documents totalisant 74 pages font partie des quelque 33 000 pages qu'a soumises TransCanada à l'Office.

D'emblée, je dois dire que les deux documents ont visiblement été produits rapidement, puisqu'ils contiennent certaines erreurs ou imprécisions qu'il m'a fallu faire préciser.

Premier impact d'intérêt public: l'emploi. Quand TransCanada parle de 4500 emplois, il faut savoir qu'il ne s'agit pas d'emplois permanents que des Québécois peuvent occuper toute une vie durant. Il s'agit principalement des emplois qui seront créés durant les quatre principales années de la construction du pipeline, des stations de pompage et du terminal à Cacouna, entre 2015 et 2018.

Le nombre de travailleurs pendant cette période ne sera pas constant. Néanmoins, pour avoir une meilleure compréhension, les économistes font une moyenne annuelle d'employés qui seront embauchés pendant le projet.

Selon les deux documents, on peut donc estimer que le projet occupera directement 1500 personnes par année pendant 4 ans, en moyenne. En ajoutant les emplois indirects (fournisseurs) et induits (dépenses des travailleurs), le total grimpe à quelque 7700, en moyenne, pendant 4 ans.

Une fois la construction terminée, le nombre d'emplois dégonfle prodigieusement. Ainsi, TransCanada n'aura besoin que de 110 employés pour faire fonctionner le terminal de Cacouna et les stations de pompage à partir de 2018. Il s'agit d'emplois équivalents à temps plein qui seront occupés pendant toute la durée de vie du pipeline. En incluant les emplois indirects et induits, il faut parler de 475 emplois.

Bref, pour l'essentiel, la création d'emplois sera importante, mais temporaire. Précisons que TransCanada parle de 4500 emplois plutôt que 7700, parce qu'elle a étalé sur 7 ans au lieu de 4 ses calculs d'emplois dans la construction.

Deuxième impact d'intérêt public: les impôts. TransCanada parle de 1,9 milliard, mais encore une fois, il s'agit des impôts et taxes versés sur toute la durée de vie du pipeline et de la construction, et non des versements annuels récurrents.

Dans les faits, le projet au Québec procurera des entrées fiscales annuelles de 240 millions pendant les 4 ans de la construction, versés aux trois quarts au gouvernement du Québec et le reste au gouvernement fédéral. Après cette période, les entrées chuteront à quelque 53 millions pendant la durée de vie du pipeline.

C'est la municipalité de Cacouna qui bénéficierait le plus des retombées à long terme. TransCanada lui versera des taxes foncières d'environ 6,5 millions de dollars chaque année, selon les documents soumis à l'ONE. Les quelque 70 autres municipalités que parcourra le pipeline toucheront annuellement 10,4 millions, soit une moyenne par municipalité de 149 000 $.

Le reste des 53 millions annuels est composé de l'impôt sur les profits de TransCanada au Québec (15 millions), des impôts sur les salaires des employés directs et indirects (11 millions) et des diverses taxes de vente (10 millions).

En somme, le projet a un impact économique très important. Ce n'est pas tous les jours que se présente au Québec un tel investissement privé, estimé à entre 2,9 et 4 milliards, selon les documents. Toutefois, son impact sur l'économie se fera ressentir à court terme, essentiellement.

Précision sur les eaux de ballast

Samedi dernier, j'écrivais que les pétroliers rejetteraient à Cacouna leurs eaux de ballast venues d'ailleurs. Cette affirmation n'est pas fausse, mais elle mérite d'être précisée. Des gens du milieu maritime m'indiquent que les navires ont des critères sévères à respecter à ce sujet, qui fait l'objet d'inspections. Entre autres, avant d'entrer dans le fleuve Saint-Laurent, les navires doivent rejeter en haute mer leurs eaux de ballast venues d'ailleurs et les remplacer. L'opération doit se faire dans un secteur où la profondeur est d'au moins 2000 mètres.