Je ne devais pas écrire une autre chronique sur la Finlande. Il m'est toutefois arrivé deux trucs extraordinaires qui méritent d'être racontés.

Avant de quitter le Québec, j'avais emprunté un petit guide sur la Finlande à la bibliothèque Émile-Nelligan. Ce guide devait m'aider à prendre connaissance des grandes lignes touristiques du pays: géographie, signalisation routière, heures d'ouverture des magasins, etc. Je prévoyais le lire lors des longs trajets d'avion ou de train. Malheureusement, dès le début de mon séjour, j'ai perdu le précieux ouvrage.

De retour à Montréal cette semaine, je me rends à la bibliothèque, m'excusant de ma bévue et bien conscient que je dois le rembourser. Je décline donc mon nom mais, ô surprise! la bibliothécaire m'apprend que le livre a déjà été retourné.

La bibliothèque avait effectivement reçu un paquet, deux jours plus tôt, avec une note en anglais précisant que le guide avait été retrouvé dans une voiture de train.

N'est-ce pas incroyable? Le livre portait un sceau de la bibliothèque, mais ne précisait pas l'adresse. Et tout y était écrit en français, une langue que peu de Finlandais maîtrisent.

C'est donc dire qu'un bon Samaritain aura trouvé le livre, traduit les paramètres, retracé l'adresse sur l'internet, payé les coûteux frais postaux et envoyé le paquet avant même que je ne sois revenu!

L'honnêteté finlandaise, écrivais-je dans une des chroniques, facilite grandement l'organisation du «vivre ensemble». En voilà un bon exemple... Merci, Finlande!

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Pendant le voyage de retour, j'enviais un peu la Finlande et les pays scandinaves. La santé y est gérée efficacement, les écoles ont plus de ressources, et la pauvreté y est moindre. L'herbe est plus verte chez le voisin, bref.

J'étais habité par ces réflexions en prenant l'avion Londres-Montréal (après le vol Helsinki-Londres). Sur ce vol vers Montréal, je me retrouve assis à côté d'une jolie fille aux yeux bleus. Elle n'est probablement pas d'un pays nordique, me dis-je, puisqu'elle a les cheveux très foncés. Probablement une Anglaise.

Après deux heures de vol, je finis par engager la conversation et j'apprends qu'elle vient de la région d'Oslo, en Norvège. Ce pays scandinave, précisons-le, est l'un des plus riches et des plus égalitaires de la planète, encore plus que la Finlande.

«Que venez-vous faire à Montréal?

- J'ai étudié pendant un an à l'Université Concordia il y a cinq ans. Je reviens voir une amie.

- Ah bon! Et que pensez-vous de Montréal?

- Montréal est une ville superbe, pleine de vie. J'habitais dans ce que vous appelez le Plateau Mont-Royal, c'était vraiment bien. Tous ceux que je connais en Europe aiment Montréal. Impossible de ne pas avoir de plaisir à Montréal!

- Oui, mais Oslo?

- Oslo, c'est ennuyeux!»

Disons que cet avis spontané a changé mon état d'esprit. On oublie parfois à quel point Montréal a des atouts et est reconnu à l'international. Le vin maison servi par British Airways avait soudainement meilleur goût...

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En terminant, un petit retour sur la comparaison économique Québec-Finlande. Au fond, les différences entre les deux nations peuvent trouver l'essentiel de leurs explications dans deux mots: dette et santé.

La Finlande a une dette publique qui représente 60% de son activité économique annuelle (le PIB), contre plus de 100% au Québec (en incluant le fédéral).

La simple différence de paiements d'intérêt sur cette dette donne une grande marge de manoeuvre à la Finlande, dont nous ne disposons pas. En faisant un calcul approximatif, on obtient l'équivalent de 5 milliards de dollars par année!

Les coûts plus faibles du système de santé, notamment attribuables aux salaires nettement plus bas des médecins, amplifient cet écart de 7 milliards de plus, selon nos estimations.

Certes, la Finlande a des dépenses que nous n'avons pas. Qu'on pense seulement à l'essence plus chère. Et, bien sûr, son environnement économique n'est pas le même que le nôtre. Mieux vaut rester près des États-Unis que de la Russie, n'est-ce pas?

Il reste que cet écart annuel de 12 milliards (quatre fois notre déficit) doit être pris en compte pour expliquer les différences de nos services publics.

Les Finlandais ont tout de même le grand mérite d'avoir géré efficacement leurs finances publiques par le passé. Reste à voir jusqu'à quel point ils pourront encore le faire durant la présente crise. Comme les Québécois, d'ailleurs.