La réingénierie de l'État n'y a rien changé: le gouvernement du Québec compte beaucoup plus d'employés qu'il y a 10 ans. Mais attention, il est simpliste d'attribuer toute cette hausse à une plus grande lourdeur bureaucratique.

Dans le plus récent budget, le ministère des Finances du Québec consacre quelques pages à la progression de l'effectif du gouvernement et à la rémunération. La question est fort importante dans le contexte des compressions budgétaires. La rémunération des employés de l'État s'élèvera à 38,8 milliards de dollars cette année, ce qui équivaut à 59% des dépenses de programmes.

Depuis 10 ans, donc, le gouvernement du Québec a augmenté de 48 315 le nombre de ses employés, pour un total de 428 352 en 2013. Il s'agit d'une hausse appréciable de 11% sur 10 ans.

Ce calcul regroupe l'effectif de la fonction publique et des secteurs de la santé et de l'éducation. Il exclut toutefois les sociétés d'État comme Hydro-Québec, Loto-Québec et la Société des alcools du Québec (SAQ), qui comptent plusieurs milliers d'employés. Il nous donne néanmoins un portrait représentatif de l'évolution de la main-d'oeuvre.

Selon les données gouvernementales, la hausse s'est accélérée à partir de l'année 2006. Entre 2006 et 2013, le gouvernement et les réseaux ont ajouté 6008 employés à leur liste de paie chaque année, en moyenne, pour un ajout dépassant 42 000 en sept ans.

Comment expliquer que le gouvernement ait embauché autant d'employés, alors que plusieurs dénoncent l'omniprésence de l'État dans l'économie? Et comment justifier le boom depuis 2006, alors que le gouvernement a commencé à enregistrer cinq déficits d'affilée?

D'abord, il faut savoir que le réseau de la santé et des services sociaux explique la plus grande part de la hausse de quelque 48 000 employés depuis 10 ans. De fait, presque 36 000 nouveaux employés ont été embauchés dans ce secteur. Ce n'est pas étonnant: les gouvernements successifs ont injecté beaucoup d'argent dans la santé, et ces fonds ont essentiellement servi à embaucher du personnel.

Les données contenues dans le budget n'indiquent pas la composition de ces 36 000 employés. Toutefois, selon nos recherches, le nombre d'infirmières, d'infirmières auxiliaires et de préposés aux bénéficiaires a accaparé environ le quart de cette hausse.

Le reste est constitué de techniciens, de professionnels (travailleurs sociaux, physiothérapeutes, nutritionnistes, etc.), de personnel de bureau et de cadres. Il n'a pas été possible de savoir quelle portion des 36 000 nouveaux employés est constituée de cadres ou de personnel de bureau.

Durant la campagne électorale, Gaétan Barrette avait indiqué son intention de réduire de 10% la bureaucratie sur trois ans, notamment en ne comblant pas les départs à la retraite, pour une économie estimée à 100 millions cette année (équivalant à quelque 1500 personnes).

Par ailleurs, 13 000 des 48 000 nouveaux employés depuis 10 ans ont été embauchés dans le secteur de l'éducation. Cette hausse s'explique essentiellement par la diminution du nombre d'élèves par classe, notamment dans les milieux défavorisés.

De fait, au cours des trois dernières années, les classes du primaire de milieux défavorisés sont passées de 26 à un maximum de 20 élèves, ce qui a fait augmenter le nombre d'enseignants. Ces mesures avaient été négociées par les syndicats lors de la dernière convention collective. On s'entend, il ne s'agit pas là de «pousseux de crayons» qui augmentent la bureaucratie.

Enfin, la fonction publique a régressé de quelque 700 postes depuis 10 ans, pour atteindre 59 071 fonctionnaires en 2013. Il faut tout de même noter que l'effectif avait reculé jusqu'à 57 300 personnes en 2008 et qu'il a donc grimpé de quelque 1780 personnes depuis, alors que les gouvernements enregistraient de lourds déficits.

Le gouvernement libéral a annoncé qu'il présentera une loi pour geler les effectifs de tout le réseau.

Précisons que selon un autre document du budget, le secteur public au Québec, mais aussi au Canada, a créé bien davantage d'emplois que le secteur privé, si l'on exclut la construction. Depuis 2007, la hausse des emplois dans la construction se chiffre à 33% au Québec, comparativement à 15% pour le secteur public et 1,4% pour tous les autres secteurs privés. Les chiffres canadiens respectifs sont de 19%, 15% et 3%.

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EFFECTIFS DU SECTEUR PUBLIC AU QUÉBEC (1)



Année / Santé / Éducation / Fonction publique / Total

2003/ 184/ 151/ 136/ 096/ 59/ 790/ 380/ 037

2004/ 187/ 958/ 136/ 704/ 60/ 826/ 385/ 488

2005/ 190/ 644/ 135/ 453/ 59/ 088/ 385/ 185

2006/ 193/ 891/ 134/ 558/ 57/ 846/ 386/ 295

2007/ 196/ 353/ 138/ 530/ 57/ 378/ 392/ 261

2008/ 199/ 924/ 139/ 887/ 57/ 292/ 397/ 103

2009/ 204/ 765/ 141/ 797/ 57/ 910/ 404/ 472

2010/ 209/ 894/ 143/ 629/ 58/ 544/ 412/ 067

2011/ 212/ 223/ 145/ 343/ 58/ 209/ 415/ 775

2012/ 216/ 475/ 147/ 108/ 58/ 282/ 421/ 865

2013/ 220/ 017/ 149/ 264/ 59/ 071/ 428/ 352

(1) : En équivalent temps complet, incluant la fonction publique et les réseaux de l'éducation et de la santé, mais excluant les sociétés d'État (Hydro-Québec, SAQ, etc.).

Source: Budget du Québec