La santé coûte cher, très cher. Cependant, les patients n'ont aucune idée de ce que leur coûtent réellement les visites à l'hôpital parce que le système est gratuit et qu'aucune facture ne leur est remise.

Pourtant, la santé est le poste de dépenses le plus important du gouvernement du Québec. De fait, près de la moitié des dépenses de programmes du gouvernement est consacrée à la santé, et cette part s'accroît d'année en année.

Or, une étude des chercheurs Gilles Larin et Daniel Boudreau, de l'Université de Sherbrooke, vient faire la lumière sur cette question. En fait, non seulement l'étude nous permet-elle de connaître les coûts moyens facturés aux Québécois, mais encore elle détaille le montant de la facture acquitté par les citoyens en fonction de leurs revenus.

Selon les chercheurs, chaque ménage reçoit 11 133$ de soins de santé par année, en moyenne. Comme les ménages sont constitués de 2,3 membres, en moyenne, le coût moyen par personne est de quelque 4800$. Cette facture comprend les visites à l'hôpital et aux diverses cliniques, les tests, les opérations, les frais d'administration, de même que les dépenses de médicaments, qu'ils soient ou non sur ordonnance.

Il s'agit d'une moyenne, bien sûr. Plus on vieillit, plus la santé coûte cher. Et certains sont en meilleure santé que d'autres. Ce chiffre de 11 133$ par ménage nous indique toutefois à quel point la santé est un poste de dépenses important.

Cela dit, comment la facture est-elle répartie? Compte tenu de la progressivité du système fiscal, les riches paient bien davantage que ce que leur coûtent les soins qu'ils reçoivent. Ce n'est pas surprenant, puisque notre système de santé au Québec, comme dans l'ensemble du Canada, est universel: en principe, une vie n'a pas plus de valeur si elle habite un corps de riche ou un corps de pauvre.

Les riches paient davantage, donc, mais l'analyse des deux chercheurs révèle que la part relative des riches et des pauvres est assez semblable, au bout du compte; un résultat inattendu. Voyons voir.

Pour analyser cette question, MM. Larin et Boudreau ont divisé la population en quintiles de revenus, c'est-à-dire en cinq groupes égaux en fonction de leurs revenus annuels. Dans le premier quintile, le ménage moyen gagne 18 650$ par année, dans le deuxième, 37 650$, dans le troisième, 53 700$, dans le quatrième, 76 300$ et dans le dernier, 137 700$ (1).

En moyenne, donc, les ménages du premier quintile versent 1630$ au gouvernement pour leur santé, auxquels s'ajoutent 1546$ de dépenses privées (médicaments, assurances, etc.) pour un total de 3176$. Ces ménages versent donc 3,5 fois moins d'argent que les coûts moyens de leurs soins (11 133$).

Du côté des biens nantis du cinquième quintile, ils consacrent 22 957$ de leur budget à la santé: 18 075$ sont versés au gouvernement en taxes et impôts et 4882$, au privé. Ces ménages versent donc deux fois plus que ce que leur coûtent les soins (11 133$).

Tel que prévu, les riches paient plus qu'ils ne reçoivent, et inversement pour les plus pauvres. Cependant, les 3176$ que paient ces derniers chaque année, en moyenne, représentent 17% de leurs revenus annuels. Cette proportion varie de 17,5 à 17,7% pour les 2e à 4e quintiles, mais recule à 16,7% pour le 5e quintile.

Autrement dit, l'effort relatif des contribuables est assez semblable entre les quintiles, au bout du compte, alors qu'on se serait attendu à ce qu'il soit moindre pour les plus pauvres. En fait, les plus riches versent même une part moins grande de leurs revenus à la santé que les autres, notent les chercheurs.

Cette différence s'explique essentiellement par l'importance relativement plus grande pour les moins nantis des sommes versées au secteur privé.

Quoi qu'il en soit, une question d'efficacité se pose: le système de santé deviendrait-il plus économe si les contribuables recevaient une facture indicative des coûts de leurs soins?

(1) Il s'agit des revenus totaux de tous les membres du ménage en 2010. Les ménages qui comptent une seule personne font partie du premier quintile s'ils gagnent moins de 15 000$ (moins de 38 000$ si le ménage compte deux personnes). À l'autre bout du spectre, les ménages font partie du cinquième quintile s'ils gagnent plus de 50 000$ (une personne) ou plus de 110 300$ (deux personnes).