Voici l'histoire de Paco, que m'a racontée un lecteur.

Paco est un immigrant du Chili. Il est accepté au Québec pour une année, au bout de laquelle on décidera s'il peut rester ou non. Connaissant l'échéance, Paco tente d'être le meilleur immigrant possible durant l'année. Il s'intègre, envoie ses enfants dans des classes d'immersion, participe aux activités de son quartier, etc.

Au bout d'un an, on lui dit: «Paco, t'es vraiment un bon immigrant et notre situation budgétaire nous permet de te garder encore un an.»

Puis, au bout de cette deuxième année, on lui dit: «Paco, t'es vraiment un bon immigrant, mais notre situation budgétaire étant mauvaise, nous ne pourrons te garder au Québec une autre année.» Triste, Paco retourne au Chili avec sa femme, ses enfants et ses frustrations.

Un an plus tard, la situation budgétaire se rétablit, et on offre à Paco de revenir. Mais Paco est aigri et devinez quoi, il nous envoie promener. On fait alors appel à Miguel, qui n'a jamais mis les pieds au Québec. Francisation, immersion, intégration, formation: les coûts pour sa famille et pour le gouvernement sont énormes.

N'est-ce pas absurde? N'est-ce pas économiquement et socialement inacceptable? Pourquoi avoir tant investi dans Paco pour recommencer avec Miguel?

Cette histoire de Paco est évidemment fictive. Elle sert d'analogie à ce lecteur - un cadre récemment retraité de la fonction publique - pour illustrer son propos. Selon lui, la rapidité des nouvelles compressions au gouvernement du Québec obligera les gestionnaires à sacrifier les jeunes, qui occupent plus souvent des postes précaires ou occasionnels.

N'est-ce pas aussi inacceptable pour l'employé occasionnel du gouvernement que pour l'immigrant Paco? se demande-t-il.

Cette semaine, le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, a expliqué que le gouvernement devra trouver des solutions simples pour réduire rapidement les dépenses d'ici au dépôt du budget en juin. Ce n'est qu'après le budget que le gouvernement libéral pourra entreprendre un exercice «pas mal plus créatif et stimulant» de révision des programmes pour rééquilibrer la situation à long terme.

Exit, donc, les solutions imaginatives envisagées par de nombreux lecteurs à La Presse la fin de semaine dernière, comprend-on. Mercredi, mon collègue Denis Lessard parlait d'efforts budgétaires de 2,4 milliards dès cette année, sans hausse de tarifs, ce qui suscite l'inquiétude de certains ministres. L'effort viendrait essentiellement des ministères de l'Environnement, de la Culture, des Relations internationales et même de l'Éducation, de façon à épargner la Santé.

«Les compressions annoncées risquent de toucher essentiellement les jeunes», s'inquiète l'ex-cadre de la fonction publique.

«Plusieurs jeunes de moins de 40 ans sont des employés occasionnels, avec des contrats renouvelés [ou pas] d'année en année, donc sans aucune garantie, parfois depuis 2, 3, voire 7 ans», dit-il.

«Ils sont de faux occasionnels et pourtant, ce sont eux, sans doute, qui seront mis à pied. Ce sont des économistes, des démographes, des sociologues qui font un travail d'analyse et de quantification des problèmes, des besoins, des résultats des programmes, etc. Quand les vieux quitteront, les jeunes qui auront eu l'expérience de 2, 3 voire 7 ans seront partis avec leurs connaissances», dit cet ex-gestionnaire.

La permanence à vie des fonctionnaires garantit la neutralité de l'État face aux changements de partis politiques. Jumelé au principe d'ancienneté, il oblige toutefois les gestionnaires à faire des miracles pour conserver les jeunes employés dynamiques, appelés à remplacer les milliers de fonctionnaires bientôt à la retraite. Un problème épineux, il va sans dire.

Les communications gouvernementales

L'ex-secrétaire général de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ), Claude Robillard, m'écrit pour me donner des exemples illustrant la lourdeur de la machine gouvernementale, où il serait possible d'économiser. Parmi ses histoires d'horreur, il est question des communications gouvernementales.

«La FPJQ a publié en 2011 un rapport sur les communications gouvernementales. On y voit, entre autres, que le processus qui s'enclenche quand un journaliste pose une question à un organisme public est extraordinairement complexe. La question chemine d'une personne à l'autre, remonte parfois jusqu'au cabinet, redescend, implique la préparation avec un expert de «lignes de presse», l'accompagnement de l'expert lors de l'entrevue, etc.

«Des heures et des heures de travail gouvernemental inutile, voire nuisible puisque la finalité est de contrôler le message, d'éviter de mettre un ministre dans l'embarras. La raison officielle est bien sûr tout autre, celle de "valider l'information". Si le travail était mieux organisé, la rapidité et la quantité de services offerts par le gouvernement avec les mêmes revenus seraient considérablement augmentées.»