Un conseil: ne dépensez pas trop vite l'argent promis par Pauline Marois en baisse d'impôts. Vraiment pas trop vite. Car pour que le gouvernement péquiste réussisse à baisser les impôts, il faudrait littéralement un boom économique au Québec.

Jeudi, la chef du Parti québécois (PQ) a promis de réduire les impôts de la classe moyenne après le retour à l'équilibre budgétaire, prévu au terme de l'exercice 2015-2016. Plus précisément, elle ferait de ses baisses «une priorité» dès que le gouvernement commencerait à dégager des surplus, à partir de 2016.

Voyons les conditions économiques qui devraient prévaloir pour obtenir de telles baisses, en supposant qu'un gouvernement péquiste respecterait son cadre financier, soit le budget présenté en février.

D'abord, il faut savoir que le déficit zéro de 2015-2016 est loin d'être atteint. En lisant bien le budget, on constate même qu'il y a un manque à gagner annuel de 430 millions dans le secteur de la santé. Depuis deux ans, ces 430 millions ont été injectés grâce à deux versements non récurrents du fédéral. Le premier versement vient de la compensation pour l'harmonisation TPS-TVQ et le second, de la péréquation plus importante que prévu.

Or, le Québec ne pourra pas compter sur cet argent en 2015-2016 et après. Puisqu'il n'est pas question d'augmenter les impôts (Marois parle de les baisser), il faudrait donc réduire encore davantage les dépenses, dont la croissance est pourtant plafonnée à un modeste 2% dans le budget. La mission s'avère donc particulièrement difficile.

Implicitement, Pauline Marois compte sur une croissance économique plus vigoureuse que prévu pour baisser éventuellement les impôts et résorber le trou de 430 millions. Dans le budget, le PQ prévoit que l'économie croîtra de 3,6% par année, en moyenne, en incluant l'inflation, soit la même prévision que le secteur privé.

Chaque point de pourcentage de croissance additionnel permet au gouvernement d'engranger 500 millions de plus dans ses coffres en impôts et en taxes, est-il indiqué au budget.

Pour combler le trou de 430 millions avec les revenus, il faudrait donc 0,9 point de pourcentage de croissance additionnel, ce qui la ramènerait à 4,5% (semblable à la prévision optimiste du Parti libéral). Pour baisser les impôts, un maigre surplus de 500 millions ne serait possible qu'en espérant une croissance d'un autre point de plus du PIB, à 5,5%.

Ce serait extraordinaire: le Québec n'a pas connu une telle croissance de son PIB depuis le boom de l'an 2000, il y a 13 ans (6,7%). En 2007, avant la crise financière, la croissance du PIB avait été de 5,2%, toujours en incluant l'inflation. En 2013, cette croissance a été de 1,9%.

Autrement dit, il faudrait une croissance exceptionnelle pour espérer une baisse d'impôts. Et encore, le chèque serait petit, puisque Mme Marois a suggéré d'injecter la moitié d'un surplus dans les services et l'autre moitié dans les baisses d'impôts. En plus, cette baisse d'impôts serait séparée entre les particuliers et les entreprises.

Plus de dettes?

Il y a une deuxième option. Le gouvernement péquiste pourrait réduire ses versements au Fonds des générations et se servir de cette marge de manoeuvre pour réduire les impôts. Puisque le Fonds est destiné à réduire la dette, il se trouverait alors à en reporter la baisse.

Dans le budget, le gouvernement a prévu augmenter les versements au Fonds de 425 millions par année afin de respecter l'esprit de la Loi sur l'équilibre budgétaire. Cette loi, en effet, oblige le gouvernement à rembourser les déficits des années antérieures, qui ont gonflé la dette.

Dans le cas du PQ, les deux déficits budgétés sont de 2,5 milliards en 2013-2014 et de 1,75 milliard en 2014-2015, pour un total de 4,25 milliards. Le PQ prévoit rembourser ces déficits en injectant 425 millions par année pendant 10 ans au Fonds des générations.

Le hic, c'est qu'en réduisant les versements au Fonds des générations, le gouvernement péquiste ne respecterait ni son cadre financier, ni sa promesse de réduire la dette, ni l'esprit de la Loi sur l'équilibre budgétaire.

De fait, ces versements sur 10 ans sont déjà en contravention de la loi, qui exige plutôt un remboursement sur cinq ans, essentiellement. En passant, les libéraux n'ont absolument pas tenu compte des exigences de la loi dans leur cadre financier, ni sur 5 ans, ni sur 10 ans. Il faut donc prévoir, peu importe le parti élu, que la loi sera changée.

Bref, ces scénarios économiques expliquent pourquoi le ministre des Finances, Nicolas Marceau, n'a pas voulu s'engager à baisser les impôts en campagne électorale. Ils donnent également un aperçu de l'importance des réformes que devrait entreprendre l'équipe de François Legault pour y parvenir.